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Commenter LE livre attendu de l'année, au moins par les médias, ne peut guère être fait avec sérieux et objectivité de la part d'un critique très amateur comme moi. J'aurai donc, plus encore qu'ailleurs, un point de vue totalement subjectif assumé. Au passage y voir un narcissisme serait une erreur, c'est juste une reconnaissance claire des limites de mon propos, accompagnée du vague espoir qu'il puisse aussi proposer une tonalité à qui se sent quelques sensibilités voisines.

*

La première question, essentielle, qui se pose à moi est celle de savoir si, décemment, il est possible de lire cet ouvrage alors même que l'auteur critique la ville de Niort aussi sauvagement que Moix les femmes de 50 ans. Dans les deux cas il est reproché un manque de charme et les réactions sont d'autant plus vives que c'est devenu « humainement incorrect » de tenir de tels propos.
À ce stade j'ai perdu la plupart de mes lectrices, il me reste juste à dire que je ne vais aucunement ménager le suspens (sans la moindre utilité) de« Sérotonine » et que qui ne veut pas être « spoilé » (que c'est laid !) doit cesser la lecture.
Je me retrouve bien seul. Tant mieux en même temps car c'est le sujet central.

*

« Et Niort ? ». Ah oui, c'est vrai que c'est une ville très laide et qui s'en soucie ? En revanche il est intéressant de noter que Houellebecq est « en grande forme » côté provocation (contrairement à Moix) et que ce livre pourra beaucoup faire rire qui, comme moi, regrette Desproges. Il en agacera bien d'autres.

« Et les gilets jaunes ? ». Bon, d'accord, je réponds aussi à cette question avant de passer à autre chose. Non, Houellebecq n'a pas vraiment anticipé les gilets jaunes. Il se trouve juste que cet auteur est un des critiques les plus féroces de la mondialisation et de ses conséquences humaines, qu'il observe, souvent finement, une certaine décomposition du tissu social du monde contemporain, s'attache au désespoir que cela peut susciter, surtout d'ailleurs chez les hommes et en se centrant sur la misère sexuelle masculine, non sans une certaine complaisance qui déplaira à bien des femmes, qu'observant ici la décimation annuelle des agriculteurs (6.3 millions en 1955, 450 000 aujourd'hui et moins demain matin) il a, en effet, décrit des mouvements sociaux violents partant de la base. Mais il n'y a aucun besoin d'être extra lucide pour anticiper la montée d'une révolte populiste dans divers pays, avec le traditionnel rejet des élites et les violences qui accompagnent toujours ces types de mouvements.

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Vous trouvez qu'il y a des phrases trop longues et un abus de virgules dans le paragraphe qui précède ? Tant mieux car c'est un mauvais plagiat du nouveau style de Houellebecq, destiné sans doute ici à faire parler dans le milieu parisien. le point-virgule cède sa place à la virgule pour, comme le dit son grand ami Beigbeder, nous « donner une série de coups de poings dans la gueule ».
Je préfère vous laisser juger par vous-même : « Elle (Yuzu) était comme d'habitude impitoyablement maquillée, presque peinte, le rouge à lèvres écarlate et l'ombre à paupières violine soulignaient son teint pâle, sa peau « de porcelaine » comme on dit dans les romans d'Yves Simon, je me souvins à ce moment qu'elle ne s'exposait jamais au soleil, une peau blafarde (enfin une peau de porcelaine, pour le dire dans les termes d'Yves Simon) étant considérée par les Japonaises comme le summum de la distinction, or que faire dans une station balnéaire espagnole si l'on refuse de s'exposer au soleil, ce projet de vacances était décidément absurde, j'allais m'occuper le soir même de modifier les réservations d'hôtel sur la route du retour, une semaine c'était déjà trop, pourquoi pas garder quelques jours au printemps pour les cerisiers en fleur à Kyoto ? ». Comme le dirait un des héros de notre auteur, je trouve que c'était mieux lorsqu'il était plus jeune. Et en prime Houellebecq devient tragiquement laid lui aussi, ce qui consolera sans doute quelques féministes ulcérées.

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L'histoire est ici celle d'un « cadre » dénommé Labrouste qui sombre en même temps que l'univers qui l'entoure. Il prend des antidépresseurs d'où le titre de l'ouvrage, suit le naufrage de son meilleur ami Aymeric, quitte sa dernière amante en date, une asiatique dénommée Yuzu, après avoir observé des vidéos zoophiles d'elle (moment amusant au passage), se rappelle ses amours anciennes et perdues et hésite un temps à tuer un enfant de 4 ans pour rejoindre une femme aimée de nombreuses années auparavant, Camille, y renonce et poursuit son naufrage. Je ne développe pas car l'intérêt du livre n'est pas là, le mien non plus.

*

Nous retrouvons les cibles habituelles de Houellebecq dans « Sérotonine », allant des serveurs aux détecteurs de fumée dans les hôtels (quelle haine !) et des bobos aux niortais (donc). C'est drôle, souvent bien vu, caustique et désespéré. Comme toujours le sexe est un élément majeur du regard porté sur un monde qui se délite (le comparer à Roth est assez intéressant sur ce plan), la mondialisation est cause de solitude et de désespérance, l'acuité du drame silencieux vécu dans nos campagnes est très marquante. S'ajoutent de nouvelles thématiques comme une fascination pour les armes. D'autres disparaissent comme la critique de l'islam radical. Houellebecq voudrait-il provoquer ses lecteurs mais rester vivant ?

*

La fin est déconcertante et me déçoit un peu venant d'un écrivain généralement si cohérent. Florent-Claude Labrouste est désespéré et dépressif, certes, mais il est intelligent par ailleurs. Cet homme garde une sorte de volonté, des idées dignes de respect sur les moldaves… Les 20 dernières pages semblent une fin jugée nécessaire pour que l'auteur ne trahisse pas son image médiatique de « pas beau mais quand même ténébreux » mais elles ne me convainquent pas.

Il nous est dit que Houellebecq était désespéré lorsqu'il a écrit ce livre. Soit. Mais, s'il faut aller dans cette direction intéressons-nous un peu plus à la vie de l'homme. Cet écrivain a-t-il sombré ? Non. Il est difficile de ne pas apprendre qu'il est, comme Labrouste ici, lucide et désespéré, qu'il a une vie peu conventionnelle, qu'il déteste le monde dans lequel nous vivons, qu'il souffrait beaucoup… mais il a fait un tout autre choix. le 22 septembre de cette année il s'est marié pour la troisième fois, en petit comité, avec une ravissante asiatique, notablement plus jeune que lui par ailleurs, Lysis-Li, étudiante admirant ses oeuvres. Menant une vie moins mondaine il semble notablement plus heureux et profondément épris.

Voilà qui, en réalité, sonne bien plus juste que la fin de « Sérotonine ». Pour que le roman soit encore plus créatif que la vie j'aurais toutefois aimé que Florent-Claude rencontre lui aussi une ravissante asiatique mais que ce soit elle qui écrive, avec talent. Rien n'interdirait par ailleurs que cela porte sur la mondialisation et la détresse humaine. Sans rien renier de son parcours passé Labrouste aurait alors laissé le monde continuer son lent naufrage tout en expérimentant à sa façon les deux dernières étapes du deuil d'Élizabeth Kübler-Ross.

Mr Houellbecq, je vous apprécie beaucoup mais j'aurais aimé que vous ayez autant d'ambition et de courage pour conclure ce livre que vous semblez en avoir dans votre vie. Je profite de l'occasion pour souhaiter à chacun ici de belles lectures mais aussi une année emplie de joies et de découvertes.
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J'ai lu ce roman ce week-end, j'ai attendu quelques jours histoire de décanter un peu mes impressions:c'est décanté, et ce roman m'a plu comme tous les autres romans de ce dépressif de Michel. H 
J'y ai retrouvé des accents d'Extension du domaine de la lutte, de Plateforme et de la carte et le territoire. Ce roman a été écrit en 2016-17 .
On retrouve le cadre moyen désespéré, les amours perdus et surtout avec beaucoup d'humour le naufrage de notre société.
Son personnage principal ainsi qu'un de ses rares amis ont fait des études d'Agro, ce qui est le cas de l'auteur, mais études lointaines car beaucoup d'approximations sur les étapes qui ont mené au désastre actuel de l'agriculture, d'où ces paysans révoltés et on les comprend.
Révolte certes mais les Gilets jaunes sont loin encore.
Misogyne, homophobe ? Houellebecq se complait dans la dérision , grossit les traits à souhaits.
Quant aux amours du narrateur , beaucoup de souvenirs sexuels,souvent pornographiques, faut dire que l'âge, l'alcool, la clope et d'autres substances n'aident pas vraiment à des matins glorieux.
Si bien qu'il ne fait que boire et avaler des antidépresseurs pour donner un coup de fouet à la sérotonine qui manque à l'appel d'une vie confortable à traverser.
Cette détresse, cette difficulté à être heureux traversent tous les romans de Houellebecq, mais maintenant qu'il a épousé une charmante chinoise, et a reçu la Légion d'Honneur des mains du Président himself, maintenant qu'il pense être » peut-être « heureux, que donnera le prochain roman ? J'ai hâte.
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Je viens de terminer Sérotonine. J'inspire goulument. Je souffle. Je me palpe la région du coeur, je porte ma main au front. Je n'ai pas de fièvre. Je vis. Enfin j'ose le croire, naïvement. Pour un moment encore. le temps j'espère d'aller au bout de ma chronique.

Je m'étais retenu jusqu'à ce jour où de passage devant une librairie de Bayonne l'édition J'AI LU me toisa en vitrine. J'ai cédé, j'ai lu, Je suis foutu. Aurait dit un célèbre conquérant qui a laissé les traces de sa culture en nos contrées. Quand je parle de traces, j'évoque la marque de ses spartiates sur notre profil de combattant râleur, valeureux mais laminé quand même par ses légions.

C'est la fin des haricots. D'habitude, il - Michel pas Jules - comptait sur sa libido pour se requinquer, regonfler son moral en même temps son attribut du genre. Mais avec Sérotonine il a été mis en berne grave, comme diraient avec leur idiome à la mode ceux qui ont encore l'âge de croire que leur mâlitude sera éternelle. Solitude, déprime, la tombe se creuse au fil des pages. Y'a-t-il un espoir au fond du trou ? J'avais déjà bien entamé la descente aux enfers en ayant lu les précédents ouvrages de notre goncourisé frigorifié. Cette fois nous y sommes. Justifiez l'appellation de votre métier les hommes en noir, mordez-moi les orteils avant de visser le couvercle. On ne sait jamais. Un sursaut …

Je ne sais pas qui s'est essoufflé de nous deux, moi le lecteur, lui l'auteur. J'ai bien peur que ce ne soit le premier que je suis car pour ce qui est de la déprime, je sens bien que notre trublion de la littérature moderne en a encore sous le pied. Je crains pour le prochain ouvrage de sa main. J'ai bien peur que sauf sursaut d'optimisme inespéré il ne soit écrit d'outre-tombe. Un autre y a déjà publié ses mémoires. Encore que l'essai a déjà été transformé avec La carte et le territoire, ouvrage post mortem d'un martyr de la société de consommation. Peut-être apprendrons-nous alors enfin des raisons de ne pas nous alarmer de notre trépas prochain, car pour ce qui est de la vie terrestre la grisaille s'opacifie très vite. Au fur et à mesure que les jeunes et jolies jeunes filles tournent leur regard vers d'autres que ceux qui n'ont pas encore atteint à leurs beaux yeux l'âge de la transparence.

Cet ouvrage qui nous enterre avec son narrateur a quand même quelques mérites. Il attire notre regard sur une profession malmenée par la mondialisation. Labourage et pâturage ne sont plus les mamelles de la France. La mammographie européenne a dévoilé le malaise. le lait français n'est plus bon qu'à être répandu devant les préfectures. Nos braves paysans sont trop nombreux, trop chers.

Il est toujours aussi savoureux dans son écriture cet ouvrage. Il n'envoie personne dire à la place de son auteur ce qui ne lui plaît pas chez un tel ou un autre. Il a un sens aiguisé de l'observation des moeurs de nos contemporains, le verbe caustique pour pointer du doigt les perversions de notre mode de vie moderne. Mais en fil rouge il y a quand même une histoire d'amour. Une vraie. Pas qu'une histoire de sexe. Mais c'est un raté, cette histoire. L'amour et le sexe ne feraient-ils pas bon ménage. Une faute, une erreur de parcours a tout foutu en l'air. Un seul être vous manque et… Et Camille si tu savais.
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J'aime Michel Houellebecq.
J'ai aimé ce livre.
Je l'ai aimé parce qu'il m'a fait rire, pas un petit rire discret, non, de francs éclats de rire, à gorge déployée comme on dit, j'ai ri de bon coeur.
Et pourtant ce livre n'est pas gai, c'est indéniable.
Un homme au prénom ridicule, Florent-Claude ( prénom de "tapette" comme le dit le narrateur), est englué dans une dépression magistrale, qui ne cessera de croître tout au long du livre, dépression crescendo, inéluctable, inévitable. Englué comme les oiseaux "empétrolés" jusqu'au bec.
Oui, j'ai ri tout de même, de cet humour grinçant et décapant, notamment pendant les visites chez le Docteur Azote, ses retrouvailles avec son ex Claire au restaurant, ses maniaqueries culinaires avec force détails.
Et puis, finalement, sauf à la fin, autant de pessimisme en devient drôle. Mais Houellebecq le sait bien, c'est un petit malin ce Michel. Il nous entraîne dans un tourbillon de l'obscur, et pourtant, il est si lumineux.
Alors oui, il y a quelques scènes dites porno, comme d'habitude chez lui, on côtoie le "crado" de temps à autres, comme la pédophilie du belge ou la zoophilie de Yuzu. Mais franchement, pas de quoi en faire un fromage (AOC de Normandie bien sûr ). Quelques bon mots également, comme la célèbre marque Zadig et Voltaire qu'il rebaptise Pascal et Blaise.
J'ai aimé ce livre car il m'a surpris, et j'adore être surprise, notamment en littérature.
Quand je le vois, physiquement parlant, avec son visage si particulier, à la limite de la laideur, j'ai toujours quelques difficultés à me faire à l'idée que c'est bien lui qui a écrit ceci. Il m'a surprise surtout par cette nouveauté incroyable : il croit en l'amour, il part dans des envolées lyriques en se remémorant Kate, puis Camille, ses deux grands amours. Et ses plus grands bonheurs. L'amour lui permet de supporter cette chienne de vie, cette médiocrité viscérale du narrateur. J'ai découvert un Houellebecq romantique, nostalgique, avec un homme qui part faire de longs pèlerinages bien douloureux sur les traces de ces anciennes amours. Si, si.
Enfin, car il faut bien terminer, ce livre m'a touchée, m'a émue.
Par ce revirement amoureux, par son écriture parfois désespérée, par cette plume magnifique, car ce livre est extrêmement bien écrit, et puis surtout, par ce petit bonhomme, haï à la folie par sa mère, mis au rebut autant qu'à la poubelle, qui s'est débarrassé en un mouvement de ses oripeaux fétides et sanglants, et nous offre là, car oui, c'est bien d'un cadeau dont il s'agit, peut-être l'un de ses plus beaux romans.
Pour mon plus grand bonheur.

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J'aime bien Houellebecq. Bon, il est vrai que j'ai un peu/beaucoup de mal à supporter son obsession pour les chattes et les bites dont il est très souvent question ici - je serais même tentée de lui conseiller quelques méthodes douces et sans contre-indication telles que bains froids, sport, spiritualité, tantrisme, groupe d'entraide… (« Bonjour, moi c'est Michel… ») qui pourraient soulager son corps, voire son esprit... J'en dirais autant de la légère homophobie/misogynie qui traverse l'oeuvre, que ce soit d'ailleurs du fait de l'auteur ou de celui de son personnage, dans les deux cas, ça me hérisse. Comme il le dit p 172 au sujet de Camille à qui il n'a pas demandé d'être une femme au foyer : « je n'avais pas été formaté pour une telle proposition, ça ne faisait pas partie de mon logiciel, j'étais un moderne... », eh bien moi aussi, je suis une moderne et des termes comme « pédale » ou « salope » me sont insupportables… C'est dit.
Et pourtant, j'aime bien Houellebecq. le grand névrosé mal dans une époque à bout de souffle m'amuse (oui, j'ai beaucoup ri en lisant ce texte) et, en même temps, m'émeut profondément. En effet, le ton est très mélancolique et j'avoue que j'ai été touchée par la tristesse infinie (et la beauté absolue, oui, vraiment ABSOLUE) qui se dégage de certaines pages évoquant l'amour, la solitude et le désespoir.
J'aime retrouver ce regard lucide et caustique sur un monde qui se cherche sans trop savoir quelle voie prendre et des personnages qui se sentent comme étrangers à la société dans laquelle ils vivent. Je goûte aussi avec plaisir son refus du politiquement correct, sa façon bien à lui de démonter clichés et lieux communs et de montrer l'absurdité d'une société qui rend les hommes malheureux. Comme le disait je ne sais quel critique, Houellebecq « rend compte du monde » : il est effectivement extrêmement doué pour saisir son époque et nous en faire un tableau assez juste.
Sachez aussi que cet opus houellebecquien me parle d'autant plus qu'il se passe… chez MOI, dans ma Basse-Normandie du bout du monde où les hasards des mutations m'ont conduite il y a fort longtemps. Il y a même deux scènes qui se déroulent précisément là où j'ai posé mes valises : la charmante cité thermale de Bagnoles de l'Orne, surnommée « trou du cul du monde » par un artiste de passage il y a quelques années. C'est vous dire que l'on parle peu de nous, nous qui ne sommes même pas à la périphérie de quoi que ce soit ! Il va de soi que l'on se sent d'autant plus touché par ce qui est raconté qu'on connaît par coeur les lieux décrits.
En tout cas, les problèmes économiques des agriculteurs dont il parle à travers des scènes extrêmement touchantes où il évoque son unique ami Aymeric, eh bien, ici, ces problèmes, on en est conscient. On les vit presque au quotidien. Ils font la une des journaux, les gens en discutent sur le marché. Et ils sont incontestablement terribles.
Notre Houellebecq national s'appelle ici Florent-Claude Labrouste. Notre Houellebecq ? Oui, il m'a semblé que ce roman, outre le portrait d'un homme profondément dépressif avait, dans les faits, une dimension quelque peu autobiographique (dans les deux cas, études d'Agro, emploi au ministère de l'Agriculture, installation en Andalousie dans la province d'Alméria, relation amoureuse avec une Asiatique...) le personnage quitte dès le début du roman son amie japonaise Yusu… J'espère que ce n'est pas prémonitoire et que la nouvelle épouse de l'auteur a le sens de l'humour !
Il faut savoir aussi que l'auteur, Michel Thomas de son vrai nom, a été élevé par sa grand-mère paternelle, dont il a repris le nom de jeune fille : Houellebecq, et cette femme était originaire de la Manche. Il y a donc ici incontestablement une forme de retour aux sources qui se sent dans l'attachement qu'il exprime pour les lieux qu'il traverse (Manche, Orne, Calvados).
Donc notre Florent-Claude Labrouste n'aime ni son nom (on le comprend!) ni sa vie qu'il juge ratée. Et ce qu'il va nous raconter est l'histoire d'un effondrement (on pense à Thomas Bernhard).
Installé en Andalousie, il attend son amie asiatique du moment qui semble l'énerver au plus haut point et qu'il souhaite quitter au plus vite (en imaginant, un moment, la jeter par la fenêtre).
C'est ce qu'il va s'empresser de faire (la quitter, pas la jeter par la fenêtre) en rentrant à Paris et en... disparaissant, en s'évaporant ! Après avoir démissionné du ministère de l'Agriculture où il travaille, il va se planquer dans un hôtel parisien où il peut fumer sans avoir besoin de démonter le système d'alarme, puis il va tenter de revoir ses anciennes amies, ce qui lui donne l'occasion de raconter ce qu'il a vécu avec elles par le passé (Claire, Kate, Marie-Hélène - dont il oublie le nom au cours du récit - et Camille). Il essaie aussi de dénicher un médecin pas trop moralisateur qui lui prescrirait six mois de Captorix, un antidépresseur, sans lui faire la morale - ce qu'il trouvera en la personne du docteur Azote (quel personnage!) qui lui fournira en plus quelques idées pour qu'il évite de se suicider car les fêtes de fin d'année approchent et les suicides sont, paraît-il, assez fréquents à cette période…
Il quitte donc Paris, tente de retrouver Camille dont les parents habitent à Bagnoles de l'Orne et reprend contact avec son seul et unique ami qui est agriculteur dans la Manche et qui crève à petit feu, le prix du lait se réduisant chaque jour plus vite qu'une peau de chagrin. (La situation n'est pas meilleure pour les producteurs d'abricots du Roussillon incapables de se défendre contre « le déferlement des abricots argentins » : je précise en passant qu'il y a, chez Houellebecq, du Emmanuel Carrère dans sa capacité à nous rendre passionnants des sujets qui a priori n'auraient pas forcément retenu toute notre attention. Ce sont tous deux d'excellents conteurs!) Son ami va mal, très mal. Victime de la politique libérale de l'Union Européenne et quitté par une femme refusant de s'enterrer dans un trou paumé, il est devenu alcoolique au dernier degré. Il tentera, dans un dernier sursaut, de sauver sa peau et celle de ses collègues…
Le constat est sans appel : l'idéalisme est mort, le capitalisme libéral a créé de faux besoins et ne rend pas les gens heureux. La mondialisation a tué le monde paysan. Tenter d'agir individuellement est quasi impossible : nous ne sommes rien, tout se décide au-dessus et ailleurs : « je compris que le monde ne faisait pas partie des choses que je pouvais changer. » C'est la cata et on ne peut pas y faire grand-chose…
D'ailleurs, il semble que le personnage houellebecquien ne soit pas acteur de sa destinée. Non, il subit plutôt qu'il n'agit, il est victime des circonstances, tout le dépasse dans cette société de plus en plus complexe qu'il maîtrise chaque jour de plus en plus mal.
Face à cela, il faut tenter le tout pour le tout, sauver sa peau, de façon peut-être pas très morale mais, en tout cas, très pragmatique. Terminé l'idéalisme qui ne mène à rien...
De plus, ce monde hygiéniste s'attaque aux libertés individuelles et la société de l'image réduit et falsifie le réel.
Enfin, pour le personnage houellebecquien, la communication est de plus en plus difficile : parler au bon moment, utiliser des mots qui correspondent précisément à ce que l'on pense s'avère compliqué, comme on dit. Donc, l'homme est seul, fondamentalement seul.
Ce monde, il lui faut se le « coltiner », comme il doit se « coltiner » les valises de Yusu dans les hôtels où ils débarquent. le bonheur est tout simplement impossible : « nous devons aujourd'hui considérer le bonheur comme une rêverie ancienne, les conditions historiques n'en sont tout simplement plus réunies. » CQFD
Finalement, seul l'amour pourrait sauver les hommes. Mais ils ne le saisissent pas, ne le voient pas. Ou trop tard...
L'immense mélancolie et l'infinie tristesse qui émanent de certaines pages de ce roman sont d'une grande beauté et touchent à la poésie. Houellebecq a des phrases qui dans l'apparente simplicité de leur formulation nous émeuvent, ainsi lorsque le personnage évoque son amour avec Kate, voici ses mots, ils sont tellement forts : « Nous aurions pu sauver le monde et nous aurions pu sauver le monde en un clin d'oeil… mais nous ne l'avons pas fait, enfin je ne l'ai pas fait, et l'amour n'a pas triomphé, j'ai trahi l'amour et souvent quand je n'arrive plus à dormir c'est-à-dire à peu près toutes les nuits je réentends dans ma pauvre tête le message de son répondeur, « Hello this is Kate leave me a message », et sa voix était si fraîche, c'était comme plonger sous une cascade à la fin d'une poussiéreuse après-midi d'été, on se sentait aussitôt lavé de toute souillure, de toute déréliction et de tout mal. » Magnifique passage, poignant et beau à en pleurer… Il y a du romantisme chez Houellebecq, c'est évident.
Il prend alors conscience qu'il aurait pu être heureux avec Kate et Camille. Or maintenant, c'est trop tard, aucun retour en arrière n'est possible.
Tel Perceval, notre anti-héros n'a pas saisi sa chance. Et maintenant, il est trop tard.
Son mal-être est sans issue, sans illusions, total et a priori définitif. le personnage houellebecquien finit par symboliser l'homme moderne. Il est incontestablement l'héritier du personnage beckettien, un homme perdu dans un monde sans Dieu (?).
Peu de perspectives donc.
Il reste la chimie qui aide à supporter, à tenir le coup, à placer à l'horizon un leurre ayant la forme du bonheur et vers lequel on marcherait comme vers un mirage. « La possibilité du bonheur devait subsister ne fût-ce qu'à titre d'appât. »
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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J'ai lu à peu près la moitié avec obstination pour ne pas refermer trop tôt mais j'abandonne. Le bovarysme au masculin teinté de provocation, de misogynie, d'homophobie même si ça veut passer pour de l'humour, je n'en peux plus. C'est à croire que l'auteur publie ce livre car son éditeur le presse de produire quelque chose.
Je ne comprends rien à Houellebecq ? Sans doute puisque d'autres s'extasient devant ce roman. Un livre n'est rien sans ses lecteurs.
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Le Trump de la littérature française

Alors, donc, c'est ça le dernier chef d'oeuvre du « Plugrantécrivainvivanleplusluleplustraduit »?
Voilà les errances d'un diplômé d'Agronomie, entre deux âges, en couple avec une asiatique beaucoup plus jeune que lui, parisien, dépressif. Non, non, n'allez surtout pas confondre l'auteur et le narrateur ! Cette frontière bien pratique qui permet à l'auteur d'insulter la terre entière, d'exprimer ses pensées misogynes, homophobes, racistes, sans que personne n'y trouve rien à redire, et qu'on sourit devant ces audaces « politiquement incorrectes ». (C'est la liberté de l'artiste après tout.)
Lassé par sa femme qu'il suspecte de le tromper, voire d'être une prostituée (« Au fond, Yuzu pute, je n'y croyais pas trop. » Admirez la prose) décide de disparaître et de se réfugier dans la campagne normande. Là, ce grand visionnaire, ce prophète des Gilets jaunes, nous rappelle les révoltes des producteurs laitiers écrasés par la grande distribution. Car, oui , les agriculteurs souffrent, et personne, en dehors de Houellebecq, ne l'avait vu.
L'auteur, euh pardon le narrateur, n'aime pas : les femmes qui travaillent, les « pédés », les « lopettes », les parisiens, les intermittents, les pianistes, qu'on dise « Bonne dégustation », qu'on dise « une belle personne », les détecteurs de fumée, et caetera, la liste et longue.
De plus, grand iconoclaste, le génie des lettres modernes n'hésite pas à « dézinguer » courageusement ses illustres prédécesseurs : Marx, ce « barde communiste », Freud le « guignol autrichien », Lamartine le « Elvis Presley » de la littérature, Proust qui se taperait bien Rihanna, Thomas Mann qui est obsédé par le corps.
Évidemment, toutes ces saillies sont purement gratuites et on ne verra jamais le début d'un argument. En même temps, un génie a-t-il besoin d'arguments? Les fulgurances suffisent.

Mais, alors, derrière tant de négativité, désespéré, vous vous demanderez, qu'est-ce qui trouve grâce aux yeux du « poète de notre époque » selon le Spiegel ?
D'abord sa bite, qu'on « aime » sa bite, qu'on aime le sucer, les prostitués, les chattes («  Grab them by the pussy ») les armes ( dans un des seuls chapitres où l'on sent que l'auteur maîtrise son sujet), les 4x4 Mercedes qui polluent, les hôtels, ne rien foutre pendant que la femme au foyer bosse, les supermarchés, l'alcool, etc…
Mais ça ne vous rappelle personne?? Mais si ! le « plus grand des présidents américains » ! Tout y est !
Heureusement, pour compléter ce tableau, et pour sortir du nihilisme, on finira avec la transcendance, car le Christ est là pour racheter nos péchés.
Un vrai mystique ce Houellebecq.
« Non, c'est plus compliqué que ça », « il ne faut pas simplifier la pensée d'un romancier », nous diront les critiques littéraires, qui loueront sa lucidité, son sens de la provocation, voire sa maîtrise stylistique.

Bon, assez, je pourrais faire des pages comme ça. Je retourne lire Guerre et Paix. Il y a trop de bons livres à lire pour perdre son temps avec ça.
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Michel Houellebecq | 347 pages |Flammarion |2019|3.54/5 (2089 notes) |"Sérotonine"
Il serait pas un peu gynécologue notre ami Michel?!...
Le sexe c'est important, mais c'est la tendresse qui est capitale : -)... On en parle assez peu...
Voyage et Alcool font bon ménage!...
Aurait gagné à mettre un peu d'innocence et moins de détours.
Le propos est très axé sur la chose.
Et beaucoup boire.
Pour moi le héros vit un peu dans une sorte de monde parallèle mais ne le faisons nous il tous pas?
Après avoir chopé le train on se laisse transporter comme dans une berceuse pour adultes...
Et finalement, on prend les armes pour peut-être y donner un sens. Cela partait d'une "simple" manifestation agricole. Un gars se flingue.
Au bout du compte il se la joue sérieux avec Camille. Happy end?
Lien : https://vella.blog/
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Sérotonine. C'est le nom d'un neurotransmetteur qui permet, sinon de voir la vie en rose au moins de la supporter. C'est aussi le nom du dernier roman de Michel Houellebecq. Et avec un titre pareil, il fallait s'y attendre : la plongée en Houllebecquie sera profonde.

Florent-Claude Labrouste est un quadragénaire sans envergure, se débattant dans ses histoires d'amour chaotiques, où la fuite en avant est pour lui la seule alternative. Nous serons ballottés d'un amour perdu à l'autre, avec toujours ce fil rouge : où allons-nous ? Quel est le but de tout ceci ?
La vie du héros est à l'image des romans de Houellebecq lugubre, nappée d'un brouillard qui ne se lève jamais, nous empêchant de saisir le sens de cette farce. le mal-être de Florent-Claude est sans issue, total, définitif. le ton est très mélancolique : l'amour pourrait sauver les hommes mais ils ne le saisissent pas, pire, ne le voient pas. Une mélancolie à l'ironie mordante toutefois, avec des passages assez drôles tellement ils sont caustiques.
A travers son oeuvre, Houellebecq rend compte d'une époque et nous en faire un tableau assez juste. En un sens, le personnage houellebecquien symbolise l'homme moderne perdu dans un monde sans Dieu. Face ce manque de perspectives, l'auteur nous crie : Vive la sérotonine ! Grâce à de très nombreux psychotropes psychopompes, un paradis artificiel nous tend les bras et « la possibilité du bonheur [se devant de subsister] ne fût-ce qu'à titre d'appât » permet de continuer à vivre.
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Si je vous annonce que le protagoniste de ce nouveau Houellebecq est un homme désabusé en fin de quarantaine, déprimé par son travail vide de sens, malheureux en amour, et à la sexualité défaillante, je ne devrais pas sous surprendre beaucoup. Si j'ajoute par contre que c'est à mon sens le premier roman résolument positif de l'auteur que j'ai pu lire, ça risque de vous faire lever au moins un sourcil.

Alors, ce n'est pas évident d'écrire ça quand le héros principal est sous dose maximale d'anti-dépresseurs, mais regardons les choses sereinement.

Tout d'abord, il fuit. Certes, à première vue, ça n'a pas l'air bien glorieux comme comportement, mais c'est la première fois que je vois un personnage de Houellebecq tenter d'échapper à son sort : sa vie ne lui plaît, il plaque tout, sans regarder en arrière, et surtout sans solution de confort pour la poursuivre : deux ans d'économie, ça laisse le temps de voir venir, mais la fin des atermoiements est clairement posée.

Ensuite, il assume (plus ou moins) sa responsabilité dans la situation qu'il vit. Notre société ne génère que des valeurs pourries, pas de doutes là-dessus, mais la possibilité de bonheur lui a été distinctement présentée (et par deux fois en plus) ; on ne peut plus incriminer l'inertie d'un monde décadent pour expliquer ce qu'est devenu sa vie : il suffisait de prendre une décision ferme, mais par deux fois il a tergiversé, et par deux fois ce bonheur s'est envolé.

Peut-être qu'on est tous trompé par cette vision d'un monde à explorer, avec ses infinités de possibilité qui s'offrent à nous, mais soyons honnêtes, les possibilités elles sont rares et elles se présentent généralement une à la fois et pas fréquemment, alors on les prend parce qu'on a pas grand-chose de mieux à se mettre sous la dent et on se dit que ça fera l'affaire en attendant, sauf qu'on attend tellement qu'on finit par se fossiliser dedans. Alors quand un vrai choix se pointe, il faut vraiment pas se rater, sous peine, comme Florent-Claude, de passer le restant de ses jours à s'en mordre les doigts.

Est-ce que les personnes qui prennent leur destin en main s'en sortent forcément mieux que les autres ? Après ce livre, je n'en mettrais pas ma main à couper. Mais quitte à voir périr quelqu'un, autant que ce soit les armes à la main sous le feu de l'ennemi, plutôt qu'en tendant gentiment son cou sous la guillotine tout en adressant un mot gentil à son bourreau.

C'est un livre positif, d'accord, mais ça reste du Houellebecq.
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