Permanence d'une idéologie postulant l'impossibilité de lutter contre la pauvreté
Dans l'introduction à son livre Portrait du pauvre en habit de vaurien. Eugénisme et darwinisme social, publié avec l'aimable autorisation des
Editions Syllepse,
Michel Husson souligne l'articulation entre les champs académique et militant, « un discours critique doit tenir les deux bouts de la chaîne ».
Il interroge et cela sera le fil directeur de son livre : « comment une société peut-elle tolérer de mettre à l'écart une proportion de « surnuméraires », pour reprendre l'expression de Robert Castel, elle-même empruntée à Marx ? ». Il décide passer en revue « les discours de légitimation de l'existence de « surnuméraire » dans leurs formes historiques successives ».
Un des objectifs du livre est de montrer que les différentes « théories » sur les pauvres ou les chômeurs/chômeuses ont en commun « le fait de vouloir rendre les chômeurs (ou les pauvres) responsable de leur sort ». L'auteur présente le sommaire de son livre, la permanence de constructions idéologiques et leur résurgence périodique, les fils reliant les thèses darwinistes (voire eugénistes) à cette science « lugubre » nommée économie…
L'introduction de
Michel Husson à son livre est précédée d'une bien pertinente préface de
Laurent Cordonnier (Lire, entre autres :
L'économie des Toambapiks. Une fable qui n'a rien d'une fiction, https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2010/06/09/dune-fable-a-lautre/ et
Pas de pitié pour les gueux. Sur les théories économiques du chômage).
« le livre qu'on va lire est une visite guidée de l'un des rayons les plus lugubres de la Grande bibliothèque des sciences sociales en général et des sciences économiques en particulier ». le préfacier outre le conseil « apprendre à nous méfier de nous-mêmes » – je préfère quant-à-moi rappeler l'exigence de toujours indiquer d'où chacun·e parle (point de vue situé) – rappelle, entre autres, qu'« aucune affiliation doctrinale ou politique n'immunise contre la bêtise, la mauvaise foi, la méchanceté, la haine et la servilité ». Il aborde les discours de légitimation de l'ordre économique et social existant, le portrait des pauvres « construits et colportés » et leurs effets : « le dégout et l'étrangeté suscités par ces portraits du pauvre ont surement de quoi enclencher un puissant mécanisme de réassurance psychologique mettant tout un chacun à l'abri, sous ce parapluie de fortune , de la déchéance qui l'inquiète », l'implicite des formulations, les mensonges par omission. Il indique enfin : « il faut du courage pour passer autant de temps à s'instruire des bêtises et des crétineries des autres, à les comprendre et les critiquer, tout en ne négligeant pas de construire sa propre oeuvre… »
Les lecteurs et les lectrices ne perdront pas leur temps à lire cet ouvrage. Je souligne que les « bêtises et crétineries » sont autant de plaidoyers contre l'égalité, pour le droit de certain·es à être plus égales/égaux que d'autres (l'aversion de la démocratie) et donc de dire l'avenir de toustes sous le seul trait de leurs intérêts.
« quand une théorie est fausse, il faut la rejeter et non pas chercher à relativiser l'erreur en invoquant l'environnement de l'époque »
Pour en savoir un peu plus sur ce livre, voir les lectures proposées ci-dessous, et en particulier celle de
Jean-Marie Harribey.
Pour poursuivre, il faudrait aussi dresser le portrait du privilégié en habit de bonimenteur et d'illusionniste, sans verser dans la biologisation des rapports sociaux et sans oublier leur indifférence ou leur complicité envers les crimes contre la majorité de l'humanité…
Préface de
Laurent Cordonnier au livre de
Michel Husson : Portrait du pauvre en habit de vaurien. Eugénisme et darwinisme social
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/06/02/preface-de-laurent-cordonnier-au-livre-de-michel-husson-portrait-du-pauvre-en-habit-de-vaurien-eugenisme-et-darwinisme-social/
Note lecture de
Norbert Holcblat : Les pauvres responsables de leur sort : une mythologie qui a la vie dure
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/05/30/les-pauvres-responsables-de-leur-sort-une-mythologie-qui-a-la-vie-dure/
Note de lecture de
Jean-Marie Harribey : le mépris de classe pour ceux qui ne valent rien : le dernier livre de
Michel Husson
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/06/12/le-mepris-de-classe-pour-ceux-qui-ne-valent-rien-le-dernier-livre-de-michel-husson/
Lien :
https://entreleslignesentrel..