Un préquel (encore un !). J'admets d'emblée ne pas être un fan des préquels. Quand l'action est bien enclanchée dans une série, je désire connaître la suite, aller de l'avant et pas à reculons. Surtout que «
le Duel » ne m'avait pas vraiment plu. Mais j'adore tellement
les enquêtes d'Erlendur Sveinsson alors je me suis lancé dans «
Les nuits de Reykjavik » qui m'a tout de suite enchanté. Pourtant, l'intrigue – la première enquête d'Erlendur – n'est pas époustouflante. Mais elle a un je-ne-sais-quoi de plaisant. Comme dans chacun de ses romans,
Arnaldur Indridason offre davantage qu'un roman policier. le mot critique sociale est un peu fort mais l'auteur dresse un portrait d'une situation, d'un pan de la société qui n'est pas celui véhiculé dans les infos touristiques. Dans cas-ci, le sort réservé aux clochards, aux sans domicile fixe.
Dans ce roman, situé au milieu des années 1970, Erlendur est un jeune policier, affecté à la surveillance de nuit. La police de proximité. D'ailleurs, on le suit dans quelques unes de ses tournées nocturnes (appels pour tapage et violence conjugale, entrée par effraction, conduites en état d'ébriété, petit trafic de drogue, rien de très glorieux). Lors d'une de ces tournées, il croise le chemin de Hannibal, un SDF. Il a su voir la souffrance chez cet homme et quelques échanges auront été suffisants pour qu'il laisse une marque chez lui. Ce même homme est repêché d'une tourbière quelques jours plus tard. Si la police classe rapidement cette affaire, Erlendur s'y intéresse davantage. Et à un titre personnel. Son acharnement lui donnera raison et le fera connaître au service de la Criminelle. C'est le point tournant dans sa carrière de jeune flic.
«
Les nuits de Reykjavik », en plus d'offrir une enquête intéressante, en dévoile un peu plus sur l'histoire d'Erlendur, son parcours en tant que jeune policier, ses motivations, sa relation avec Halldora, celle qui deviendra sa femme et la mère de ses enfants. Mais ce tome permet surtout de comprendre davantage ce personnage troublé, sa fascination vis-à-vis les disparitions, sa compassion envers les autres. Une histoire de destin. Il faut le croire, car Erlendur réussit à régler deux crimes d'un coup. Seules sa détermiantion et son empathie pour les causes perdues et les laissés pour compte dont tout le monde se moque saura faire la différence.
Et que dire de l'écriture d'
Indridason. Comme je l'ai écrit plus haut, pas de grands faits d'armes, d'actions enlevantes. Non. La force du récit se trouve dans Erlendur lui-même, d'abord. Un brin nostalgique (un enfant de l'est qui se retrouve dans la capitale). Solitaire. Mais Erlendur n'est pas un type très extraverti et l'auteur le respecte. Tout est livré petit à petit. L'autre grande force est l'évocation de l'Islande des années 1970. Un monde dans lequel les femmes ne jouent pas un grand rôle à l'extérieur de la maison, où on ferme bien souvent les yeux sur la violence conjugale mais aussi sur d'autres enjeux sociaux, comme l'itinérance. La boxe est interdite, les pizzérias n'ont pas encore fait leur apparition. C'est comme un mini-voyage dans le temps. Finalement, j'ai autant hâte à remplir le gap entre ce tome et «
La cité des jarres » qu'à connaître la suite à «
Hypothermie ».