AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782849503607
170 pages
Syllepse (07/12/2012)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Lynchage, ségrégation, invasion de l’Éthiopie par l’Italie fasciste, Black Power, autodéfense et auto-organisation des Noirs, ce sont là quelques-unes des questions abordées par C. L. R. James.
Révolutionnaire caribéen, figure du panafricanisme, marxiste, « Noir européen », C. L. R. James reste un auteur méconnu en France, en dehors des Jacobins noirs, paru en 1938 et constamment réédité depuis. C. L. R. James a pourtant été au cœur de... >Voir plus
Que lire après Sur la question noire : La question noire aux Etats-Unis 1935-1967Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Qui sommes-nous, ici, pour nous lever – ou plutôt rester assis – et leur dire ce qu'ils doivent faire ou ne doivent pas faire ?

« Les arbres du Sud portent un étrange fruit / du sang sur les feuilles et du sang aux racines / Un corps noir qui se balance dans la brise du Sud / Étrange fruit suspendu aux peupliers » première strophe d'un poème d'Abel Meeropol, popularisé par Billie Holiday.

Dans leur belle préface, Emmanuel Delgado Hoch, Patrick le Tréhondat, Richard Poulin, Patrick Silberstein nous présentent l'auteur, son parcours militant et les débats qu'il a porté sur la « question noire », cette « question » qui n'est pas réductible à la « question de classe ». Ils indiquent, entre autres, que l'auteur « nous livre le coeur de son approche de la « question nègre », laquelle tranche nettement avec celle de l'essentiel de la gauche révolutionnaire de son temps : 1) la lutte indépendante des Afro-Américains a sa propre légitimité ; 2) un mouvement noir indépendant aura une force incommensurable pour transformer la vie sociale et politique des États-Unis, même s'il se développe »sous la bannière des droits démocratiques » et qu'il n'est pas »dirigé par le mouvement ouvrier » ; 3) la simple existence de ce mouvement exerce une influence positive sur le mouvement ouvrier ; 4) de ce fait, la combinaison des deux est un élément essentiel de la lutte pour le socialisme ; 5) il faut donc s'opposer à toute tentative de subordonner la lutte indépendante des Afro-Américains pour les droits démocratiques à tout autre objectif. On peut synthétiser cette problématique ainsi : la minorité doit dans un » mouvement dialectique » se séparer des organisations majoritaires pour former ses propres organisations et ainsi pouvoir s'unir avec elles et participer au mouvement général ».
Ils soulignent le cadre, d'un bloc social et politique possible, tracé par C.R.L. James, qui « trouverait sa force dans la jonction entre les luttes des Afro-Américains pour leurs droits et celles du mouvement ouvrier dont eux-mêmes constituent une part importante et particulièrement active ». Et ils ajoutent : « Plus de soixante années nous séparent de cet écrit qui, sous des formes renouvelées et actualisées, nous semble garder toute sa valeur. Dans les pays multinationaux, dans ceux où des fractions de la population se revendiquent d'identités multiples et dans ceux façonnés par la domination raciale – y compris ceux qui sont dans cette situation et qui se refusent à le voir –, l'alliance des forces sociales sera d'autant plus facile à construire et puissante que les groupes dominés seront en capacité de s'organiser en tant que tels sur leurs propres bases pour construire une alliance, un bloc social et politique. Cette attention à l'intrication de la domination raciale dans les rapports sociaux, cet attachement à l'auto-organisation et à l'autonomie stratégique des opprimés et des dominés sont de toute évidence riches d'enseignements pour nos propres combats. »

Sous une forme différente, sous l'angle de la critique de l'invisibilisation construite de l'histoire française et des discriminations actives, cette problématique sera aussi reprise dans la postface de Maboula Soumahoro : « … la France n'a pas connu de présence massive de population noire sur son territoire hexagonal. Ceci est un élément de plus lui permettant aujourd'hui de passer sous silence son ancien empire colonial et l'étendue de ce dernier. Cela implique également que la présence actuelle de populations non blanches dans l'Hexagone peut-être être expliquée de manière totalement déconnectée du passé colonial. La conséquence de cette configuration est le perpétuel maintien de citoyens français non-blancs, descendants de colonisés (ou de certains territoires d »'outre-mer ») dans une position d'altérité, et donc de domination, insurmontable et perçue comme dangereuse pour la cohésion – voire la sécurité – nationale ».

Comment ne pas faire comme les préfaciers, et souligner la force d'un paragraphe, d'une adresse à la compagne, d'un « aparté amoureux » : « En 1946, à Constance Webb qui ne savait pas comment lui exprimer les affres dans lesquelles elle se débattait alors qu'ils avaient une liaison et qu'ils s'apprêtaient à se marier, il dit la chose suivante :

» Écoute, ma douce. Crois-tu vraiment que je ne sache pas ce que tu ressens ? Ce n'est pas vraiment une surprise pour moi. Tous les Blancs d'Amérique et d'ailleurs ont des préjugés. Tous ! Tu n'es pas un cas à part. Je savais ce qui te perturbait, mais il fallait que tu le découvres par toi-même. Maintenant, ma précieuse, écoute-moi bien. La seule façon de vaincre de tels sentiments, c'est de les reconnaître comme des préjugés et ainsi, à chaque fois qu'ils se manifestent par le moindre signe, de les combattre. » »

En préambule, une page est consacré au vocabulaire, à l'utilisation historique des termes : « Black, Negroes, spades, niggers, colored, Afro-Americans » et des choix de traduction, suivant les contextes. Je voudrais aussi signaler que C.R.L. James utilise un vocabulaire, des formules, des expressions habituelles aux révolutionnaires de l'époque, mais qui pourront sembler un peu étranges aux lectrices et aux lecteurs plus habitué-e-s au vocabulaire « policé » d'aujourd'hui.

C.R.L. James analyse la situation des « Nègres », leur « expropriation politique permanente par toutes les classes de Blancs », l'économie politique du lynchage, les liens entre préjugés raciaux et privilèges économiques, le droit à autodétermination, le nationalisme des dominés, les liens entre travail ouvrier et le travail « Nègre », la légitimité d'une « égalité complète avec les autres citoyens américains ».

J'ai notamment apprécié son texte « Pourquoi les Nègres doivent-ils s'opposer à la guerre ? ». Son point de vue est toujours celui de la révolution, du renversement de l'exploitation. « Tous les problèmes sérieux surgissant de la question nègre tournent autour du lien entre les actions indépendantes des masses nègres pour les droits démocratiques et la lutte de la classe travailleuse pour le socialisme ».

Comme le plus souvent à cette époque, les dimensions genrées ne sont traitées.

Dans le dernier texte, de 1967, sur le Black Power, dont est issu le titre de cette note, C.R.L. James discute, entre autres, du sens du mot d'ordre de Pouvoir noir. Il inscrit ce mot d'ordre dans une perspective historique tout en indiquant que « c'est plutôt une bannière pour des gens unis par des objectifs politiques, des positionnements et des besoins communs ». Il évoque les apports de la NAACP, de W. E. B. du Bois, de Marcus Garvey (« Garvey ne les a pas seulement installés dans la conscience des oppresseurs, mais a fait de ce geste une composante de l'esprit et des objectifs de la grande masse des Africains et des populations afro-descendantes… ») de Frantz Fanon ou de Stokely Carmichael.

En rappelant sa discussion avec Léon Trotski, il synthétise ses positions « la lutte indépendante des Noirs pour leurs droits démocratiques et pour l'égalité avec tous ceux qui composent la nation américaine doit être soutenue et promue par le mouvement marxiste. Celui-ci doit comprendre que ces luttes indépendantes sont un élément constitutif de la révolution socialiste. Je vais reformuler cela de manière aussi sommaire que possible : en luttant pour leurs droits démocratiques, les Noirs américains font un apport fondamental à la lutte pour le socialisme aux États-Unis ».

Au delà du vocabulaire, des textes d'une grande actualité. « Cette attention à l'intrication de la domination raciale dans les rapports sociaux, cet attachement à l'auto-organisation et à l'autonomie stratégique des opprimés et des dominés sont de toute évidence riches d'enseignements pour nos propres combats. » A nous d'en tirer profit dans les analyses concrètes, similitudes et différences, des situations actuelles.
Lien : http://entreleslignesentrele..
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
la lutte indépendante des Noirs pour leurs droits démocratiques et pour l’égalité avec tous ceux qui composent la nation américaine doit être soutenue et promue par le mouvement marxiste. Celui-ci doit comprendre que ces luttes indépendantes sont un élément constitutif de la révolution socialiste. Je vais reformuler cela de manière aussi sommaire que possible : en luttant pour leurs droits démocratiques, les Noirs américains font un apport fondamental à la lutte pour le socialisme aux États-Unis
Commenter  J’apprécie          50
le cœur de son approche de la « question nègre », laquelle tranche nettement avec celle de l’essentiel de la gauche révolutionnaire de son temps : 1) la lutte indépendante des Afro-Américains a sa propre légitimité ; 2) un mouvement noir indépendant aura une force incommensurable pour transformer la vie sociale et politique des États-Unis, même s’il se développe »sous la bannière des droits démocratiques » et qu’il n’est pas »dirigé par le mouvement ouvrier » ; 3) la simple existence de ce mouvement exerce une influence positive sur le mouvement ouvrier ; 4) de ce fait, la combinaison des deux est un élément essentiel de la lutte pour le socialisme ; 5) il faut donc s’opposer à toute tentative de subordonner la lutte indépendante des Afro-Américains pour les droits démocratiques à tout autre objectif. On peut synthétiser cette problématique ainsi : la minorité doit dans un » mouvement dialectique » se séparer des organisations majoritaires pour former ses propres organisations et ainsi pouvoir s’unir avec elles et participer au mouvement général
Commenter  J’apprécie          10
Plus de soixante années nous séparent de cet écrit qui, sous des formes renouvelées et actualisées, nous semble garder toute sa valeur. Dans les pays multinationaux, dans ceux où des fractions de la population se revendiquent d’identités multiples et dans ceux façonnés par la domination raciale – y compris ceux qui sont dans cette situation et qui se refusent à le voir –, l’alliance des forces sociales sera d’autant plus facile à construire et puissante que les groupes dominés seront en capacité de s’organiser en tant que tels sur leurs propres bases pour construire une alliance, un bloc social et politique. Cette attention à l’intrication de la domination raciale dans les rapports sociaux, cet attachement à l’auto-organisation et à l’autonomie stratégique des opprimés et des dominés sont de toute évidence riches d’enseignements pour nos propres combats.
Commenter  J’apprécie          00
En 1946, à Constance Webb qui ne savait pas comment lui exprimer les affres dans lesquelles elle se débattait alors qu’ils avaient une liaison et qu’ils s’apprêtaient à se marier, il dit la chose suivante :

» Écoute, ma douce. Crois-tu vraiment que je ne sache pas ce que tu ressens ? Ce n’est pas vraiment une surprise pour moi. Tous les Blancs d’Amérique et d’ailleurs ont des préjugés. Tous ! Tu n’es pas un cas à part. Je savais ce qui te perturbait, mais il fallait que tu le découvres par toi-même. Maintenant, ma précieuse, écoute-moi bien. La seule façon de vaincre de tels sentiments, c’est de les reconnaître comme des préjugés et ainsi, à chaque fois qu’ils se manifestent par le moindre signe, de les combattre.
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : socialismeVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (5) Voir plus




{* *}