Ils sont chez nous, mais ils pourraient être chez vous, ou chez moi, car ils sont en embuscade partout, dans les recoins les plus inattendus de la société, prêts à sauter sur toute personne de préférence riche, en état de vulnérabilité même passagère, victime d'une fracture sentimentale ou professionnelle, ou à la recherche d'un mode de vie alternatif. N'importe qui peut les croiser un jour et tomber sous leur charme vénéneux avant de devenir un esclave obéissant, soumis, décérébré grâce à un sournois lavage de cerveau. Ce qui rend ce roman tellement anxiogène et crédible est que chaque lecteur peut être concerné un jour.
C'est l'histoire de la famille Lamb, aisée, respectée, heureuse. Papa, maman et les enfants vivent sans soucis matériels, préoccupés par le choix d'une école huppée ou d'une robe de luxe. du moins, ça, c'était avant, il y a 25 ans, avant que tout parte à vau-l'eau, avant que des cadavres soient retrouvés dans leur belle maison victorienne pillée et saccagée de Chelsea, auprès d'un nourrisson bien vivant abandonné dans un berceau, tandis que plusieurs adolescents ont disparu. Aucun spoil de ma part puisque ces éléments sont révélés par la pipelette, je veux dire la 4ème de couverture.
Une fois de plus,
Lisa Jewell met son talent, son style soigné, son sens de l'observation aiguisé, ses connaissances psychologiques affûtées et sa maîtrise de l'art du suspense au service d'une histoire familiale emberlificotée. Qui sont David et Birdie, Libby et Lucy, Henry, Miller ou Dido et les autres, comment leurs vies si différentes vont-elles s'entrelacer ?... Principal ou secondaire, chaque personnage au rôle et à l'identité initialement flous finit par trouver sa place unique sur l'échiquier dessiné par l'auteure. C'est l'histoire d'une famille, de sa lente et vertigineuse descente aux enfers ; c'est l'histoire des conséquences considérables engendrées par une décision au départ bien intentionnée et anodine. C'est aussi l'histoire, magnifique, d'une maison, théâtre malgré elle de bouleversantes métamorphoses dont elle gardera les stigmates.
Lisa Jewell s'inscrit dans la lignée littéraire d'
Erin Kelly – qui sert de caution commerciale sur la couverture – ou de
Julie Parsons, mais aussi de
Ruth Rendell, à qui les inoffensives demeures bourgeoises et leurs basements ont souvent servi d'écrin aux pires turpitudes. J'ai également pensé au cours de cette lecture à
Patricia Highsmith, notamment dans
Ces gens qui frappent à la porte. de bien belles références selon mes subjectifs critères !