J'ai longtemps hésité avant de lire la nouvelle enquête de Nicolas le Floch, repris par
Laurent Joffrin, à cause des retours déçus voire négatifs. Finalement je me suis lancée et mon appréciation est plutôt mitigée.
J'ai décidé pour cette critique de présenter un petit florilège de questions qui pourraient aider certains à savoir si le livre correspondrait à leurs attentes :
• Retrouve-t-on la plume élégante de
Jean-François Parot ?
Pendant les premiers chapitres, effectivement, il y a tentative de reproduire le phrasé si particulier de J.-F. Parot. Malgré quelques formulations maladroites, l'ensemble est plutôt vraisemblable. Toutefois, plus l'enquête avance et plus le langage se "dégrade", en devenant plus prosaïque voire familier (par exemple, avec l'emploi de l'expression "tout de go"), ce qui tranche singulièrement avec ce qui a précédé...
• L'univers XVIIIe siècle que Parot restituait avec finesse est-il présent ?
Oui, mais avec un angle de vue différent que celui qu'avait choisi Parot. On ne retrouve plus les grandes tablées où Noblecourt siégeait en patriarche, conversant habilement avec ses invités, nous faisant découvrir le contexte artistique, musical ainsi que les potins de la cour et de la ville de cette époque, et qui permettait à Parot de développer les caractères de ses personnages, contribuant à nous les rendre sympathiques. Dans ce tome, les conversations sont uniquement orientées politique, contexte oblige. La seule chose qui m'a heurtée en les lisant, c'est l'absence de nuances dans les tirades de Noblecourt entre autres, et même de Nicolas parfois. Leurs avis sont beaucoup trop tranchés comparativement à ce qu'avait fait Parot. Et évidemment, comme pendant 14 tomes on était habitué aux échanges pleins de tact, le changement est un peu rude.
En ce qui concerne les recettes de cuisine, je ferai le même commentaire que pour le phrasé : au départ, elles sont détaillées et il y a effort pour les rendre attrayantes. Mais au fil de l'enquête elles finissent par disparaître. Cela ne m'a pas dérangé mais pour les férus de récits culinaires, attendez-vous à rester sur votre faim.
• Qu'en est-il des personnages ?
Beaucoup de déception de ce côté-là. Les personnages secondaires n'apparaissent pas et sont expédiés en 2 ou 3 lignes. En fait, il ne reste plus grand monde à part Nicolas, Bourdeau, Rabouine, Noblecourt, Semacgus et Awa. Et encore, ces trois derniers ne servent qu'à offrir le gîte et le couvert à Nicolas, entre deux chevauchées.
Je trouve l'absence de Louis (le fils de Nicolas) vraiment dommage, étant donné qu'il faisait parti des gardes du corps de la reine et que l'enquête se poursuit jusqu'aux journées des 5 et 6 octobre. Il aurait pu jouer un rôle important...
Donc beaucoup d'absents et les quelques personnages principaux gardés ne sont pas développés. Les réflexions intérieures de Nicolas sont pratiquement inexistantes, ce qui fluidifie le texte, mais fait perdre encore un charme au récit, charme auquel on s'était accoutumé avec Parot. Parfois, il se fait même avoir comme un bleu et ses conclusions hâtives le couvrent de ridicule (cf. l'épisode avec
Choderlos de Laclos)...
Un nouveau personnage apparaît cependant pour aider le commissaire dans ses enquêtes : Laure de Fitz-James. Chacun se fera sa propre opinion
• L'intrigue est-elle convaincante ?
Oui, c'est une enquête plutôt bien menée. Mais cela dépend des goûts de chacun et peut-être que certains resteront dubitatifs. Une nouvelle orientation aux journées d'octobre est donnée et les intrigues politiques s'entremêlent. Comme le texte est épuré de toutes les fioritures qu'ajoutaient Parot et qui pouvaient parfois égarer, on ne perd pas le fil de l'enquête. Étant donné qu'il y a autant de pistes qu'il y a de factions, cela nous permet de bien suivre l'enquête en cours.
En résumé, le premier tiers du roman est conçu dans un style qui se veut héritier de Parot, et qui est tout à fait correct malgré quelques maladresses. Mais les deux tiers suivants sont dans un style plus personnel qui fait perdre au charme originel des enquêtes de Nicolas le Floch. C'est dommage. C'est une enquête qui aurait mieux fait de ne pas être celle de le Floch pour être entièrement appréciée, comme le disait justement une autre critique.