On pense tous connaître les Phéniciens, au moins un minimum : on a tous en tête le passage des Alpes d'Hannibal avec ses éléphants, la ruse de la reine Didon fondant Carthage, les cités-états de Tyr, de Byblos et de Sidon.
Dans nos esprits, les Phéniciens forment un tout, et surtout un peuple. Mais ces Phéniciens de nos souvenirs scolaires et littéraires, se considéraient-ils, eux, comme un peuple ?
C'est la question que
Joséphine Crawley-Quinn, professeur d'Histoire de l'Antiquité à Oxford, s'est posée; et c'est sa réponse que son livre, A la recherche des Phéniciens, nous apporte.
Dans un minutieux travail d'investigation archéologique, s'appuyant sur les inscriptions, sur les monnaies de l'époque, sur les cultes,
Joséphine Crawley-Quinn mène l'enquête dans tout le bassin méditerranéen.
Elle cherche à savoir comment ces peuples s'identifiaient eux-mêmes, s'ils se considéraient comme un seul peuple et se comportaient comme tel, si le partage de traditions sociales et culturelles, s'appuyant sur la pratique de la langue punique, suffisait. Si, face aux Grecs et aux Romains, se dire Phéniciens n'était pas plus un moyen de lutte politique que la revendication d'une identité ethnique.
Joséphine Crawley-Quinn apporte la preuve que, non seulement les Phéniciens ne s'identifiaient pas comme tels, mais, encore plus, pour la citer ,"qu'ils ne s'identifiaient d'aucune manière".
Elle démontre que notre vision des Phéniciens, en tant que peuple, relève de la notion très récente de nation, née dans un XIXè siècle qui cherchait à faire un parallèle entre ces Etats-nations modernes en création et les peuples de l'Antiquité.
En bonne historienne, elle conclut que, face à cette image mentale des Phéniciens que nous avons, le mieux est de s'appuyer sur les connaissances dont nous disposons, de nous en tenir aux certitudes, en évitant de vaines spéculations.
Cette approche des Phéniciens fait de l'ouvrage de
Joséphine Crawley-Quinn un livre dont la construction a-chronologique peut sembler d'une lecture difficile - car très différente de celle à laquelle nous sommes habitués pour les livres d'Histoire - mais on ne peut que saluer la démarche de cette archéologue qui a eut le courage de se demander si les populations qui sont à la base de ses travaux existaient vraiment.