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Laure Bataillon (Traducteur)Abel Gerschenfeld (Traducteur)Claude Couffon (Traducteur)
EAN : 9782070384532
352 pages
Gallimard (21/02/1992)
3.76/5   29 notes
Résumé :
Coups d'éclat et coups de gueule, joutes pour rire qui débouchent sur la mort, feux de la rampe braqués l'espace d'un soir sur un champion déchu, une courtisane défraîchie : les personnages de Juan Carlos Onetti sont ceux des tangos populaires que l'on fredonne en Uruguay, en Argentine. Minables héros d'une aventure frelatée avant d'être vécue, ils ont pour rendez-vous Santa María. Santa María : c'est dans cette ville imaginaire, quintessence de la vie provinciale, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Juan Carlos Onetti signe treize récits étincelants, tous affiliés à la ville imaginaire de Santa Maria, non-lieu archétypal de l'espace urbain exotique, à l'orée de l'enfer. Il trace les trajectoires de personnages louches aux contours décalés et à l'identité trouble que le narrateur observe et fréquente dans les lieux chers à la littérature d'Onetti : les bas-fonds, leurs vices, leur dénuement et leur perdition.
Juan Carlos Onetti décortique ici la construction de la fiction, scrute l'origine de la création et le pouvoir de la narration au sein même des bas-fonds de l'âme, là où rien ne compte, où tout est possible. D'un puzzle morcelé de rêves débridés, Onetti empile, recolle, joint, change, superpose jusqu'à la brume, le flou, la contradiction, l'anéantissement de l'histoire : il propose de dessiner l'anatomie de la création littéraire.
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Le monde d'Onetti est celui des gargotes où traînent des ivrognes et des filles, de petits escrocs, toutes sortes de naufragés qu'une ville a engloutis, Santa Maria, une ville imaginaire du Rio de la Plata. le ton est donc plutôt au sarcasme et au cynisme, mais c'est peut-être trompeur, car il y a, dans ce monde qui semble contaminé par le mal, des gestes étonnants de pitié et aussi parfois la volonté, même illusoire, de reconquérir son destin. Onetti aime brouiller les pistes, fausser le sens des situations, en usant des ressorts de la fiction. Ses histoires, le plus souvent, ne nous arrivent que par bribes et ne se révèlent pas toujours en entier, en sorte que le lecteur est amené à les remodeler à l'infini, comme dans un jeu. Son style nous envoûte de sa puissante mélancolie, où tous les sens, cependant, sont éveillés et où une humanité vibre et résiste, au milieu des excès et de la décomposition.
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Il s'agit d'un recueil de treize nouvelles qui appartient au cycle de Santa Maria, cette ville imaginaire crée par Onetti et dans laquelle il a situé nombre de ses romans ou nouvelles. Il ne précise pas dans quel pays elle se situe, il parle d'autres villes d'Amérique du Sud, mais concernant Santa Maria, les indications géographiques restent vagues, elle est au bord de la mer, il y a un fleuve, des montagnes autour, c'est une ville qui représente toutes les grandes villes d'Amérique du Sud. La ville est plus qu'un lieu, c'est le personnage principal du livre.

Les héros de ces nouvelles sont des êtres plutôt paumés, dont une partie travaille au journal local, le Libéral. Ils sont alcooliques et désabusés, le ton de ces nouvelles est plutôt cynique et c'est le récit d'échecs divers. Les héros sont des naufragés perdus dans la grande ville, ils n'attendent plus grand chose de la vie, même si parfois ils ne s'avouent pas vaincu et se battent pour sauver leur rêve. Les récits sont souvent partiels et le lecteur est libre de les compléter à sa guise car Onetti ne nous fait voir que des fragments de la vie des habitants de Santa Maria. Son monde est onirique, même si ses héros vivent plutôt une sorte de cauchemar. Son univers est en tout cas extrêmement étrange et déroutant.

Ainsi nous croiserons une courtisane sur le déclin qui attire un jeune homme dans ses filets, un ancien champion de lutte à qui son manager ne fait plus confiance, mais qui remportera son défi, un mari trompé, un couple qui voulait peut être s'emparer d'un héritage ou peut être pas ou encore une immigrée danoise qui a le mal du pays, ainsi que plusieurs autres personnages à la vie triste et naufragée.

Le sang ne coule pas, il n'y a ni assassin ni monstre assoiffé de sang, on est à des années-lumières de l'univers de Stephen King ou autre maître de l'épouvante, et pourtant j'ai eu l'impression de lire un livre d'horreur, mais d'une horreur banale et quotidienne, celle que vivent les personnes sans espoir et aux rêves brisés.


Lien : https://patpolar48361071.wor..
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Treize nouvelles donnant à voir et à connaître Santa Maria, la ville fictive de toutes les failles sud-américaines.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/08/06/note-de-lecture-les-bas-fonds-du-reve-juan-carlos-onetti/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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critiques presse (1)
Lexpress
31 juillet 2012
D'un récit à l'autre, les "bas-fonds" de Santa Maria servent de repaire à des vagabonds en quête d'identité, à des femmes usées par le cafard et l'alcool, à des champions déchus, à des schizophrènes au cerveau saccagé, à des danseurs aux costumes élimés qui esquissent d'ultimes tangos et à des solitaires qui jouent leur destin au poker, entre tripots et lupanars.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Malgré les années, les modes et la démographie, les habitants de la ville étaient toujours les mêmes. Timorés et vaniteux, obligés de juger pour se donner confiance, et jugeant toujours par envie ou par peur. Le plus clair à dire sur eux était qu'ils étaient dépourvus de joie et de spontanéité, qu'ils ne pouvaient être que des amis tièdes, des ivrognes agressifs, des femmes qui ne cherchaient que la sécurité et étaient interchangeables comme des jumelles, des hommes frustrés et solitaires. Je parle des Sanmariniens ; peut-être les voyageurs ont-ils aussi constaté que la fraternité humaine est, dans les circonstances défavorables, une vérité décevante et étonnante.
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Presque appuyé sur l’horizon, tout petit, le bac s’était immobilisé. Je remontai vers la ville. J’avais déjà oublié la femme à la valise et je n’éprouvais plus ni amour ni curiosité pour cet appel, cette allusion que je lui avais vu établir dans l’espace qui nous séparait entre le coin du Berna et celui du Liberal. Désespéré, affamé, avalant le goût de phosphore de la pipe, je pensais : « Une mesure arbitraire, approuvée de façon inexplicable par les autorités dont nous dépendons, vient d’autoriser l’entrée de vingt-sept bushels et demi de blé dans le port de Santa Maria. Avec la même indépendance de vues qui nous a poussés à applaudir l’oeuvre réalisée par le nouveau conseil, nous nous sentons cette fois dans l’obligation d’élever une voix réprobatrice mais au-dessus de tout soupçon. »
De L’Italie Nouvelle, j’appelai maman pour lui dire que je mangerais en ville afin d’arriver à l’heure au lycée. J’étais sûr que la femme avait été repoussée ou dissoute par la sottise de Santa Maria, très exactement symbolisée par les articles de mon père. « Un véritable affront, nous n’hésitons pas à le dire, infligé par ces messieurs les conseillers aux travailleurs austères et dévoués des communes avoisinantes qui ont fécondé de leur sueur, génération après génération, la richesse enviable dont nous disposons. »
À la sortie du cours, Tito voulut aller prendre un vermouth à l’Universal (pas au Plaza de peur d’y rencontrer son père) et me faire croire à une histoire d’amour avec sa petite cousine, la maîtresse d’école ; il insista sur des détails plausibles, répondit habilement à mes questions ; il était clair qu’il avait préparé sa confidence de longue main. Je pris un air grave, je pris un air triste, je m’indignai :
« Écoute, lui dis-je en cherchant implacablement son regard, il faut que tu l’épouses. Impossible de faire autrement ; même si elle ne veut pas. Si ce que tu m’as raconté est vrai, il faut te marier ; envers et contre tout ; même si la pauvre fille a les chevilles grosses comme ses cuisses et même si elle fronce la bouche comme une vieille. »
Tito se mit à sourire et à secouer la tête ; il allait me dire que c’était une blague quand je me levai et le fis rougir de peur, de doute.
« Je ne veux ni ne peux plus te voir tant que tu n’es pas fiancé. Et paie les consommations, c’est toi qui as invité. »
Une fois seul, je n’eus de repentir que le temps de faire trois pas, le temps de traverser le trottoir du café en cachant les cahiers et le livre d’anglais dans la poche de mon imperméable. Grassouillet, rose, vaniteux, servile, les yeux mouillés peut-être à présent, idiot, mon ami. Le temps était toujours humide, tiède aux ouvertures des carrefours, indécis à l’ombre des patios, chaud au bout de cent mètres à pied. Tout en descendant vers le port, je me sentis heureux, en dépit de toute ma volonté, et je me mis à fredonner la marche innommable qui couronne les retraites sur la place, je décelai une odeur de jasmin dans l’air, je me souvins d’un été, très ancien déjà, où les jardins avaient lancé des tonnes de jasmin sur la ville et je découvris, m’arrêtant à demi, que j’avais déjà un passé. (« L’album », traduction Laure Bataillon)
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Le gardien du cimetière avait une matraque inutile qui pendait à son bras. Il sortit dans la rue et regarda des deux côtés. Moi je fumais, assis sur une pierre ; les deux types en bras de chemise se taisaient, adossés au mur, les bras ballants, les mains dans les poches ou dans la ceinture du pantalon. Exactement ça : un cactus, le mur du cimetière en pierres sèches, un mugissement répété sur le fond invisible de l’après-midi ; et l’été encore indécis avec son soleil blanc et tâtonnant, le bourdonnement des mouches, l’odeur d’essence qui me venait de la voiture, indolente ; l’été, la sueur comme de la rosée, la paresse. Le vieux toussa à ma place et finit par émettre quelques jurons. Alors je me levai pour me détendre, j’aperçus le chemin dénudé, je regardai sur ma gauche et j’esquissai lentement une grimace de haine et de méfiance. (« À une tombe anonyme », traduction Abel Gerschenfeld)
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Je la vis depuis les hauteurs gazonnées de la promenade ; la silhouette grandissait à l’autre bout de la jetée, à mesure qu’elle avançait vers la brume de l’eau, sa valise et son manteau d’hiver tantôt apparaissant, tantôt se confondant avec le fond.
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« J’ai relu ton poème », dit-il, et il leva son verre crasseux, décoré de fleurs, qui devait servir de verre à dents, ou à tisane. « Et quoi que tu en dises, il n’est pas mauvais. Il y a beaucoup de fumée, veux-tu que j’ouvre la fenêtre ? »
À Santa Maria, quand la nuit tombe, le fleuve disparaît, il recule dans l’ombre comme un tapis qu’on roule. À pas lents, la campagne envahit le paysage par la droite – à cette heure, nous sommes tous tournés vers le nord -, elle nous occupe et occupe le lit du fleuve. La solitude nocturne au-dessus de l’eau, sur les rives, peut nous offrir, sans doute, le souvenir ou le néant ou un avenir décidé. La nuit de la plaine qui peu à peu s’étend, irrésistible et ponctuelle, ne nous permet, elle, que de nous retrouver nous-mêmes, lucides et au temps présent.
« Ce n’est pas un poème », dis-je avec douceur. Tu fais croire à tes parents que tu travailles et tu t’enfermes avec des revues cochonnes, qui sont à moi, d’ailleurs. Ce n’est pas un poème, c’est l’exposition de l’idée que j’ai eue pour faire un poème, mais je n’y suis pas arrivé.
– Je te dis que c’est bon », répondit Tito, entêté, émouvant, avec un léger coup de poing sur la table.
Quand vient la nuit, nous n’avons plus de fleuve, et les sirènes qui vibrent dans le port se transforment en mugissements de vaches perdues, et les tempêtes sur l’eau résonnent comme un vent parmi les blés, dans les bois rabattus. Que chaque homme demeure seul et se regarde jusqu’à ce qu’il tombe en poussière, sans mémoire et sans lendemain ; un visage sans secrets pour toute l’éternité. (« L’album », traduction Laure Bataillon)
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Videos de Juan Carlos Onetti (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Juan Carlos Onetti
« […] « La poésie est parole dans le temps », Machado (1875-1939) n'a pas cessé de l'affirmer. Encore fallait-il que le temps ne se résumât pas à la pression immobile du passé sur la circonstance, ni la parole au simple ressassement de l'irrémédiable. Certes Machado […] a éprouvé une manière d'attirance étrange devant la négativité et la noirceur du destin de l'Espagne. Il ne s'y est point abandonné. Ou plutôt, avec une véhémence souvent proche du désespoir, une tendresse mêlée de répulsion et de haine, il a tenté, longuement, d'en sonder les abîmes. […] La poésie - Machado, seul de sa génération, s'en persuade - n'a plus pour tâche de répertorier pieusement les ruines ; elle se doit d'inventer le futur, cette dimension héroïque de la durée que les Espagnols ont désappris dans leur coeur, dans leur chair, dans leur langue depuis les siècles révolus de la Reconquête. […] […] Nostalgique de l'Inaltérable, à la poursuite du mouvant… Par son inachèvement même, dans son échec à s'identifier à l'Autre, la poésie d'Antonio Machado atteste, et plus fortement que certaines oeuvres mieux accomplies, la permanence et la précarité d'un chemin. Hantée par le néant, elle se refuse au constat de l'accord impossible. Prisonnière du doute et de la dispersion, elle prononce les mots d'une reconnaissance. Elle déclare la tâche indéfinie de l'homme, la même soif à partager. » (Claude Esteban.)
« […] “À combien estimez-vous ce que vous offrez en échange de notre sympathie et de nos éloges ? » Je répondrai brièvement. En valeur absolue, mon oeuvre doit en avoir bien peu, en admettant qu'elle en ait ; mais je crois - et c'est en cela que consiste sa valeur relative - avoir contribué avec elle, et en même temps que d'autres poètes de ma génération, à l'émondage de branches superflues dans l'arbre de la lyrique espagnole, et avoir travaillé avec un amour sincère pour de futurs et plus robustes printemps. » (Antonio Machado, Pour « Pages choisies », Baeza, 20 avril 1917.)
« Mystérieux, silencieux, sans cesse il allait et venait. Son regard était si profond qu'on le pouvait à peine voir. Quand il parlait, il avait un accent timide et hautain. Et l'on voyait presque toujours brûler le feu de ses pensées. Il était lumineux, profond, car il était de bonne foi. Il aurait pu être berger de mille lions et d'agneaux à la fois. Il eût gouverné les tempêtes ou porté un rayon de miel. Il chantait en des vers profonds, dont il possédait le secret, les merveilles de la vie ou de l'amour ou du plaisir. Monté sur un Pégase étrange il partit un jour en quête d'impossible. Je prie mes dieux pour Antonio, qu'ils le gardent toujours. Amen. » (Rubén Darío, Oraison pour Antonio Machado)
0:00 - Titre 0:06 - Solitudes, VI 3:52 - du chemin, XXII 4:38 - Chanson, XLI 5:39 - Humour, fantaisies, notes, LIX 7:06 - Galeries, LXXVIII 7:54 - Varia, XCV, Couplets mondains 9:38 - Champs de Castille, CXXXVI, Proverbes et chansons, XXIX 10:14 - Champs de Castille, idem, XLIII 10:29 - Prologues. Art poétique. Pour « Champs de Castille » 12:17 - Générique
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