Et puis il y avait les livres, ces fameux livres qui suscitaient de longues discussions entre mon père et Renduel douze années auparavant sitôt que je mis le nez dans cette bibliothèque, je n'arrêtai plus de lire, et je fis connaissance avec toutes ces productions- types du romantisme, avec Champavert et Madame Putliphar, avec les Intimes, Une Grossesse et Plick et Plock. J'avais la révélation de tout un nouveau monde littéraire, et je m'y plongeai avec délices. Alors Renduel, heureux de me voir captivé par tous les ouvrages qui avaient rempli sa vie, évoquait peu à peu ses souvenirs, se remémorait une anecdote, une rencontre, ouvrait les tiroirs où il conservait les premières épreuves de ses chères gravures, allait chercher une vieille lettre, un traité jauni, et me mettait sous les yeux ces précieuses reliques du romantisme.
Aujourd'hui tous sont morts, mes parents, mes amis; les choses seules demeurent. Presque tous ces livres, ces autographes, ces traités, ces dessins, ces gravures, ces tableaux sont arrivés entre mes mains, et si je n'ai pas livré plus tôt au public des papiers qui ne changeront rien à l'histoire littéraire de notre temps, j'en conviens, mais qui en éclaireront certains petits côtés amusants, c'est que j'ai voulu, par convenance, attendre au moins que tous les gens dont il devait être ici parlé fussent passés de vie à trépas et même entrés dans l'histoire.
C'est seulement en 1830 que son nom commença à se répandre dans le monde des lettres. Il avait eu, en effet, le mérite de pressentir quelle force, quel avenir il y avait dans le mouvement littéraire qui ne faisait que de naître, et il eut l'adresse de grouper autour de lui tous ces écrivains, aujourd'hui célèbres, alors modestes débutants, qui allaient frapper à la porte des différents libraires pour leur glisser subrepticement quelques volumes de prose ou de vers.