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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Seules à Berlin est une BD dans laquelle Nicolas Juncker nous invite à visiter un coin obscur de la Seconde guerre mondiale.
Berlin, avril 1945. Autant vous dire que la guerre est presque finie et dans ce « presque » il y a beaucoup de choses qui peuvent encore se passer. C'est dans cette anfractuosité du temps que le récit s'engouffre et nous révèle la rencontre improbable de deux femmes qui n'avaient pas lieu de se retrouver sur le même chemin, qui plus est elles sont ennemies, l'une est allemande, l'autre russe.
Elle s'appelle Ingrid, elle est allemande, vit à Berlin, son compagnon est engagé dans les Waffen SS quelque part dans la guerre sur un de ses multiples fronts, sans qu'elle ne sache où. Elle subit de manière passive comme tant d'autres femmes et hommes depuis plusieurs années l'enfer du régime nazi. Sans doute fut-elle proche de ce régime comme tant d'autres citoyens allemands sans pour autant être engagée dans sa vision politique. Evgeniya est russe et vient d'arriver à Berlin avec l'armée soviétique pour authentifier les restes d'Hitler dont on vient d'apprendre le décès, son suicide dans son bunker. Elle fait partie du N.K.V.D. (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures).
Le hasard va les faire se rencontrer sous le toit de la même logeuse.
Dès les premières pages de cet album graphique hors du commun, j'ai été saisi dans le dessin, dans les traits des personnages par cette ambiance crépusculaire, de fin de règne.
L'originalité de cette BD, même traitée sous l'angle de la fiction, est la rencontre de deux personnages féminins ayant réellement existé et qui nous transmis leur récit respectif des événements de cette guerre dont elles ne seront jamais plus tard sorties indemnes.
L'une d'elle, je vous en ai déjà parlé dans ma chronique du récit Une femme à Berlin : journal, 20 avril-22 juin 1945, de Marta Hillers. Ce récit m'avait beaucoup touché. L'autre récit que je n'ai pas lu est Carnets de l'Interprète de guerre d'Elena Rjevskaïa.
Il est probable qu'elles ne se soient jamais rencontrées alors qu'elles étaient toutes deux plongées dans un Berlin apocalyptique au même moment. Il est possible cependant que cela fut. Dans un décor proche de l'enfer, Nicolas Juncker a l'excellente idée de les réunir dans cet album magnifique, bouleversant et passionnant.
Ce sont tout d'abord deux femmes que tout oppose et qui pourtant vont devoir cohabiter durant quelques semaines en raison des aléas de la guerre. Elles ne seront jamais proches mais vont cependant tisser un lien étrange et presque invisible entre elles. J'ai aimé l'écriture et les dessins qui participent à cette rencontre, chacune d'elle écrit son journal, relate les difficiles et éprouvantes journées, ce que chacune voit, ce dont elles sont témoins ou carrément victimes. Elles disent la violence de la guerre, le viol aussi. Ingrid fut violée comme tant d'autres femmes berlinoises durant cette période s'écoulant d'avril à juin 1945. Deux millions de femmes allemandes furent violées sur cette période par les soldats soviétiques, participant en tant qu'alliés à l'effondrement du régime du IIIème Reich.
Ingrid et Evgeniya se retrouvent ainsi dans cette violence exercée à leur encontre parce qu'elles sont femmes dans une guerre faite par les hommes, c'est cela qui les rapproche brusquement...
Ingrid fut violée peut-être par plusieurs soldats russes, en général c'était comme cela que les choses se déroulaient, continue de se dérouler d'ailleurs. Les récents événements relatant le conflit entre l'Ukraine et la Russie l'attestent. J'en veux pour preuve notamment les massacres de civils qui furent perpétrés dans la ville ukrainienne de Boutcha entre les 27 février et 31 mars 2022. C'est une pratique historique de l'Armée rouge, cela fut, cela le sera, fait partie d'une systématisation de masse qui dépasse la notion d'exaction. Non seulement les autorités russes ferment les yeux sur ces faits, les couvrent, mais les encouragent aussi. Il faut punir l'ennemi de toutes les manières possibles. Cela fut toujours ainsi. C'est une sorte de manière de servir dans son ensemble la grande cause patriotique qui anime le fameux dessein russe, depuis Alexandre 1er jusqu'à Vladimir Poutine en passant par Joseph Staline.
Dans ce chaos au bord de l'abîme, chacune écrit son journal, tente de survivre à travers les mots pour dire l'horreur, le désarroi, leurs émotions souterraines. Ces deux voix féminines sont extrêmement touchantes, rendues vraies par la sensibilité du texte et du dessin de Nicolas Juncker. Elles seront éternelles.
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Au premier abord ce n'est pas un roman graphique que j'aurais lu, pas le style de dessin que j'affectionne. Mais j'aurais fait une erreur ! le style est le style idéal pour cette terrible histoire. Aucun autre dessin, aucune autre palette de couleurs n'aurait pu mieux retranscrire ce pan de l'histoire ! Il faut le mettre en toutes les mains ! Et l'actualité me donne malheureusement raison. Il ne faut pas oublier, il faut ouvrir les yeux.
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Berlin, 1945, deux femmes que tout oppose vont se rencontrer. Ingrid, allemande, tente de survivre dans une ville en ruines. Tandis que Evgeniya, russe, travaille au N.K.V.D.
.
Un sujet difficile qui parle de la femme en temps de guerre de différents points de vue.
Un graphisme très intéressant et qui sert bien le récit qui est d'ailleurs très bien écrit. Une lecture forte.
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Seules à Berlin retrace le parcours de deux femmes, l'une allemande Ingrid et l'autre russe Evgeniya à la toute fin du 3ème reich. Elles sont toutes deux ancrées dans l idéologie de leur pays et ne peuvent s'entendre, mais elles restent femmes avec tout ce que ça comprend. Ce sujet est admirablement traité par Nicolas Juncker avec toutes les atrocités de l'époque qui paraissent assez crues.
Graphiquement ce roman graphique est traité sans encrage et avec une belle nuance de gris fait au crayon graphite. La lumière est elle bien présente et très bien étudiée. Heureusement que lf charadesign s est assez éloigné de l hyper réalisme car le thème est assez lourd comme ça et le choix du graphique allège un peu le fond du récit. Pour moi ce choix de l auteur est vraiment judicieux.
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SEULES À BERLIN

🔴Auteur : Nicolas Junker
🔴Editions : Casterman
🔴198 pages.
🔴Résumé en 2nde photo.

📖 Nous voici plongés auprès d'Ingrid, à Berlin en Avril 1945.
La ville est détruite et continue de subir des bombardements.
Ses habitants (des femmes, des vieillards et des enfants dont les plus âgés composent les Jeunesses hitlériennes) réalisent que le IIIème Reich leur a tout fait perdre. Ils se terrent tels des rats dans des abris en attendant l'arrivée de l'armée Russe.

📖Evgeniya Levinsky nous raconte également, dans son journal, au jour le jour, ce qu'elle observe en tant qu'officier interprète au sein du N.K.V.D. mais aussi en tant que femme lors de l'arrivée des Russes en Allemagne et donc à Berlin puisque c'est la ville où se trouvait le bunker de Hitler.

📖 Cet album nous narre la rencontre entre ces deux humaines que tout oppose de manière officielle. Mais officieusement, c'est une autre affaire.

📖 Les femmes subissent leur condition bien souvent au quotidien et ce partout dans le monde ou presque mais il faut savoir qu'en temps de guerre elles font malheureusement parties du butin et les Berlinoises ont dû faire face à la cruauté sans nom de certains soldats sanguinaires de l'armée rouge.

📖 « La guerre est une affaire d'hommes. La guerre est leur royaume. »

📖 Il faut préciser que si cette histoire est une fiction, elle a néanmoins été inspirée à l'auteur par deux femmes ayant témoigné séparément (elles ne se sont en réalité jamais rencontrées) de leurs vécus durant ces épreuves (Une Femme à Berlin d'une auteure anonyme et Carnets de l'Interprète de Guerre d'Elena Rjevskaïa).
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Je n'aurai pas les mots pour dire mieux que certains ne l'ont déjà fait, l'effroi, la peur, l'inéluctable de ce récit. Cependant, je ne pouvais pas ne pas laisser ici une trace de cette lecture éprouvante bien que nécessaire. J'ai tremblé et pleuré en découvrant le destin de ces femmes dans ce roman graphique unique. Sa qualité artistique, le travail sur les expressions, les gros plans, le jeu des couleurs nous font partager les souffrances et les violences physiques, psychiques, sexuelles des femmes dans le Berlin de 1945... Ces témoignages, récits de survie, sont d'une puissance rare. *-*
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"Seules dans Berlin", bande-dessinée de Nicolas Junker a d'office un intérêt évident : celui d'avoir été écrit, pour pouvoir être lu et que soit enfin connu un sujet longtemps passé sous silence.

Si la période de la seconde guerre mondiale a été maintes et maintes fois revisitée, je n'avais jusqu'alors rien lu qui relate le sort des femmes allemandes, à l'issue de la bataille de Berlin du 16 avril au 02 mai 1945, lorsque les Russes l'emportent contre les dernières résistances de la Wehrmacht.
Si je connaissais approximativement L Histoire, je n'avais en tête, pour ce qui fit alors le quotidien des Berlinois, que ces images en noir et blanc de ces habitants hagards, principalement des femmes évidemment, qui déblaient des monceaux de décombres dans un paysage apocalyptique.
Mais il existe tout un pan de cette période qui fut tu, ou du moins assourdi. Celle des femmes. Et particulièrement celle de Marta Hillers.

Nicolas Junker dans "Seules dans Berlin" livre une fiction, s'appuyant cependant très pertinemment sur deux témoignages de femmes, retranscrits dans :
• "Une femme à Berlin" (anonyme à sa publication, puis attribué à Marta Hillers en 2003)
• et "Carnets de l'Interprète de guerre" d'Elena Rjevskaïa (de son vrai nom Kagan), interprète membre du NKVD au sein de l'armée soviétique.


Nicolas Junker s'est inspiré du journal intime de Marta la Berlinoise, tenu entre le 20 avril et le 22 juin 1945, publié sous le titre "Une femme à Berlin", mais qui restera cependant anonyme... jusqu'en 2003!
Et pour cause, au vu des évènements qu'elle y rapporte et qui la marquèrent intimement:
entre avril et septembre 1945, environ deux millions d'Allemandes ont été violées par des soldats russes.
Marta Hillers a 34 ans à l'époque. Elle fera partie des nombreuses victimes de ces viols "de masse". Elle relatera la vie quotidienne des Allemands après l'arrivée des Russes dans Berlin : on manque de tout, nourriture, eau, électricité... A ces journées décharnées s'ajoutent les viols. Lorsque l'on connaît le "parcours du combattant" en 2021 d'une femme ayant subi un viol, pour faire entendre sa voix, accéder au droit à porter plainte et, à l'arrivée de ces procédures, au peu de condamnations, on imagine aisément comment furent traitées les femmes victimes de viol en 1945... Marta Hillers restera anonyme, car la publication de son journal (en anglais aux Etats-Unis, en 1954, puis en 1959 dans une version suisse germanophone) fait scandale: la journaliste est accusée de s'être "prostituée"!

Nicolas Junker casse enfin cette chape de silence et nous donne à imaginer ce que ces 2 millions d'Allemandes vécurent.

Pour mettre en perspective ces événements, l'auteur fait se rencontrer cette journaliste berlinoise qu'il nommera Ingrid, (personnage inspiré donc de Marta Hillers), avec Elena Rjevskaïa, cette engagée volontaire aux côtés de l'armée soviétique qui se révélera précieuse, car maîtrisant la langue allemande. Ses carnets sont une mine d'or, un témoignage de l'intérieur tout particulier en ces jours de guerre puisqu'émanant d'une femme. Elena y consignera ses journées, les derniers moments du Reich, sa découverte du bunker d'Hitler et de ses restes carbonisés, les nombreux interrogatoires d'Allemands et ses impressions.

Les deux regards de ces femmes, non seulement parallèles, mais en plus croisés et confrontés (puisque Nicolas Junker les fait cohabiter sous le même toit), enrichissent le récit et opèrent une mise en perspective passionnante, car nous voyons L Histoire avec les yeux du vaincu, mais aussi du vainqueur, véritable choc des propagandes, et cependant toujours avec le vecteur d'être femme dans ces événements.

Les planches en noir et blanc traduisent les abîmes dans lesquelles sont plongés les personnages, la dureté de la période, la violence et la brutalité partout. Et parfois, la couleur vient mettre en exergue un moment puissant : que ce soit la découverte d'une compote de pommes et l'explosion de sa saveur dans une bouche affamée, ou bien la prise du Reichtag tout en tons de rouge sombre.
Les visages peuvent paraître ébauchés car représentés sans bouche, mais ils donnent en réalité toute son ampleur aux regards. Des regards creux, absents ou hallucinés de ceux qui ne sont plus rien, le regard en bille noire d'Elena, pétrie de l'idéal communiste, mais qui conserve une forme de distance et lui permet une attitude quasi journalistique.

Difficile d'aborder en quelques planches et peu de textes la période majeure que constitua cette fin de guerre:
• l'auteur évoque ces jeunes totalement endoctrinés et lancés en victimes sacrificielles dans les derniers combats
• la violence de l'entrée dans Berlin des troupes russes dont les soldats, éprouvés par des années de combat, seront sans aucune pitié pour les civils, tous assimilés à des nazis
• le sort dramatique des soldats russes prisonniers en Allemagne et traités par leur propre pays comme des traîtres !
• le rôle très discutable De La Croix rouge allemande
• le "réveil" de tout un peuple qui semble soudain ouvrir les yeux sur la folie d'un régime qui les a menés en enfer; le déni face aux 1ers témoignages sur l'existence des camps de concentration
• l'opportunisme gras de ceux qui ne voient que leur intérêt et sont prêts, tout pro-nazis qu'ils étaient hier, à accueillir et nourrir les Russes...

Nicolas Junker sait restituer sobrement toute la cruauté de cette période, la désillusion et la résignation des vaincus, mais aussi le cynisme et l'ironie dans l'attitude des vainqueurs.
L'auteur dépeint un monde où plus rien n'a de sens, où des enfants au cerveau labouré par la doctrine nazie prennent les armes, où les femmes d'un peuple vaincu sont traitées pire que des bêtes. C'est l'horreur rajoutée à l'horreur. Si tant est que le nazisme n'avait pas aboli encore toute forme d'humanité, les exactions qu'engendre la fin de cette guerre parachèvent ce tableau dramatique.

J'ai trouvé très puissant et saisissant l'insertion des extraits, manuscrits, du journal intime du personnage d'Ingrid. Elena découvre ce journal et le lit. Elle y découvre les horreurs subies par Ingrid, relatés avec une telle honnêteté et tant de réalisme qu'on se retrouve nous aussi plongés dans ce cauchemar.

L'auteur a eu la sobriété de ne pas remettre dans le contexte de toute une guerre et de la montée du fascisme ces abominations vécues par les civils. Car évidemment, quand on lit ce témoignage, comment ne pas penser à tous ceux qui ont péri, massacrés, torturés pendant que bon nombre défilait le bras levé?
Comme il serait facile de fermer les yeux sur les exactions commises sur les civils.... À l'aune de combats barbares, il fut évident pour des soldats russes de ne voir dans ces femmes vaincues que des représentantes "pur jus" d'un nazisme déchu. Je salue l'intelligence de l'auteur à n'être pas tombé dans cette facilité sordide. Car la violence de la vengeance est un cercle sans fin. La question est si difficile, "L'ordre du jour" d'Eric Vuillard notamment éclaire en partie sur la complexité de cette guerre.

"Seules dans Berlin" est un ouvrage pour moi nécessaire, témoignage douloureux de celles qui se turent pendant des décennies, un pan de l'Histoire qui ne pouvait plus rester méconnu.
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Librement inspiré par deux témoignages, Une femme à Berlin (anonyme) et Carnets de l'Interprète de guerre d'Elena Rjevskaïa, l'album Seules à Berlin est l'histoire de la rencontre de ces deux auteures. Cette histoire est une fiction, mais ces deux femmes qui ont servi de modèles à Nicolas Juncker ont réellement vécu. L'auteur en adaptant ces deux écrits, en les mêlant, réussit un album magnifique, bouleversant et passionnant.
L'une, Ingrid est allemande, proche du régime nazi, travaille pour la Croix-Rouge, et est aussi interprète russe, tandis que l'autre Evgeniya, russe, vient d'arriver à Berlin et fait partie du N.K.V.D. (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures).
Dans une première partie, nous faisons connaissance avec Ingrid pour les quelques journées du 20 au 27 avril .
Le récit débute donc le 20 avril 1945, à Berlin, le jour de l'anniversaire du Führer, mais l'ambiance n'est pas à la fête car le IIIème Reich vit ses derniers instants. Les habitants affamés se terrent dans les caves pour échapper aux bombardements alliés, tels des rats. La ville n'est que ruines et les Russes vont arriver. Parmi les Berlinois Ingrid, 28 ans, survit tout en continuant à écrire son journal et note « Les Russes… Ils seront bientôt là. Nous le savons tous. Les Russes… Avoir faim… Attendre. »
Une deuxième partie est consacrée à Evgeniya et couvre les journées du 30 avril au 3 mai avec la prise du Reichstag et le suicide d'Hitler. La jeune interprète de l'état-major russe de 19 ans, dont le supérieur est chargé de retrouver les restes d'Hitler après son suicide devra l'aider à procéder à son identification. Elle aussi tient un journal intime.
Les deux jeunes femmes vont avoir à se côtoyer, puisque Evgeniya va loger chez Ingrid. Nicolas Juncker décrit et illustre très bien cette cohabitation qui s'avère difficile, depuis le 3 mai jusqu'au 11 mai, date à laquelle « C'est désormais officiel. Nous avons trouvé Adolf Hitler. »
L'épilogue nous rend compte de l'après 11 mai jusqu'au 18 mai 1945 où Evgeniya quitte Berlin.
Nicolas Juncker a eu la fabuleuse idée de faire se rencontrer ces deux femmes, de faire croiser les deux destins de cette soviétique et de cette allemande proche des nazis, deux femmes que tout oppose et qui pourtant, devant cohabiter, ne seront jamais proches mais vont tisser un lien entre elles. L'écriture participe à cette union, chacune d'elle a à coeur de relater dans son journal ces difficiles et éprouvantes journées avec tout ce dont elles sont témoins ou carrément victimes. Elles se retrouvent d'ailleurs, dans une forme de violence exercée à leur encontre.
Les viols de guerre massifs commis par les soldats de l'Armée rouge ne sont pas omis et élément moins connu, l'une des premières consignes enseignées à ceux qui s'engagent « Il ne peut y avoir de prisonniers dans l'armée rouge, que des traîtres. »
Leurs journaux intimes respectifs dans lesquels elles content les derniers instants de Berlin sous le joug nazi sont des écrits essentiels.
En adaptant et en croisant deux romans, Nicolas Juncker réalise une sublime performance.
Si l'écriture est réussie, les dessins et les couleurs sont à la hauteur et le tout se combine parfaitement. le ton est donné dès le départ avec ces premières lignes « Berlin est un champ de gris. » et l'écrivain saura utiliser toutes les nuances de ce gris pour accompagner son récit illustré par les bâtiments en ruine et les visages émaciés et décharnés des Berlinois. Seules quelques touches de rouge sombre viendront rompre cet univers grisé lors de l'arrivée des Russes avec la prise du Reichstag.
Par le biais original de ces deux voix féminines extrêmement touchantes et vraies, Nicolas Juncker signe un formidable bouquin aussi passionnant qu'instructif.
Un grand merci à Vincent pour m'avoir permis cette belle découverte.

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La prise de Berlin par les Soviets en avril/mai 1945 vu par le regard de deux femmes. Ingrid, allemande travaillant pour la Croix-Rouge et Evgeniya, russe interprète du NKVD. Nicolas Juncker s'est inspiré de deux récits réels pour créer cette rencontre fictive.

Tous les oppose mais elles ont l'avantage de se comprendre. Et puis surtout elles sont des femmes dans une guerre qui n'est pas la leur. Evgeniya a un désir de retranscription de tous les récits qu'elle entend, sans curiosité malsaine mais avec un enthousiasme naïf déconcertant pour qui vit le truc en pleine face. Elle se donne un rôle d'archiviste, ce qui est très mal vu par l'administration soviétique. Elle va s'intéresser au récit d'Ingrid. Mais il est marqué par les viols et les privations

Le dessin est tout en nuances de gris, le gris de la poussière et de la cendre. Quelques touches de couleurs mais elles sont rares. C'est signifiant ce gris, il ouvre et clot le récit.

Cette BD m'a transpercé le coeur. Elle est bouleversante de la première à la dernière page. Elle est très dure à lire.
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Il faut plonger dans cet album graphique hors du commun, se laisser prendre par cette ambiance de fin du monde, cette fin de Reich dans ce qui fut la capitale d'une folie aux conséquences inquantifiables autant qu'épouvantables.
Tellement de vies ont été bouleversées, brisées, abrégées à cause d'une idéologie imposée puis acceptée par la majorité d'un peuple cultivé et discipliné, ce qu'il ne faut surtout pas oublier.
Avec Seules dans Berlin, Nicolas Juncker révèle non seulement un talent de dessinateur très original mais il réussit aussi une oeuvre d'historien que j'ai pu découvrir grâce à Vincent que je remercie.
Les deux femmes que tout oppose : une jeune russe, agent du NKVD, la police politique soviétique, et une berlinoise, bourgeoise qui aime un waffen-S.S. Toutes les deux, elles ont existé et ont livré chacune leur témoignage sur lequel Nicolas Juncker s'est appuyé pour bâtir son album.
En trois grandes parties se déroulant dans les derniers jours d'avril et au début du mois de mai 1945, ces deux vies qui se rencontrent, concentrent tous les drames et toutes les atrocités apportées par la guerre.
Dès le début, c'est Ingrid qui me plonge sans ménagement dans ce que vivent les Berlinois terrés dans leurs immeubles en ruine, dans des caves, alors que leur ville est bombardée et que les Russes approchent. Certains y croient encore comme Lothar, adolescent embrigadé dans les jeunesses hitlériennes. D'autres espèrent pouvoir manger avec l'arrivée de l'Armée rouge. Ingrid travaille avec le docteur Müssling pour la Croix-Rouge allemande.
Celle qui arrive avec l'armée russe est interprète. Malgré son appartenance au NKVD, cette police politique qui donnera le tristement célèbre KGB, Evgeniya Abramovna Levinsky, tente d'apporter un peu d'humanité au cours de ses rencontres.
Justement, pour se loger, elle se retrouve dans la même chambre qu'Ingrid Schneider (28 ans) puisqu'elle veut bien l'accepter. Evgeniya note tout car elle veut rédiger ses mémoires. Ses fonctions l'amènent au coeur du Führerbunker où elle est chargée de traduire les documents abandonnés par Hitler, Goebbels et consorts. Justement, où sont passés ces sinistres personnages ? Recherche et identification des corps ou de ce qu'il en reste sont bien démontrées par l'auteur.
Dans cet album graphique, il y a d'abord à voir et je reconnais avoir eu du mal avec les dessins de Nicolas Juncker. Pourtant, ils sont parfaitement adaptés à ce que vivent les gens au cours de ces journées terribles où l'on massacre et viole sans la moindre gêne.
La relation entre Ingrid et Evgeniya est très bien démontrée car ces deux femmes sont partagées entre compréhension et incommunicabilité.
Parce qu'elle a visité le camp de Theresienstadt avec la Croix-Rouge allemande, Ingrid rejette ce qu'Evgeniya lui apprend sur Treblinka et ce qu'on nommera plus tard, la shoah. Violée à de nombreuses reprises par les Russes, soldats et officiers, Ingrid tient son journal et sa lecture est terriblement impressionnante. C'est d'ailleurs une des caractéristiques de Seules à Berlin : des pages entières de dessins éloquents sans un mot et d'autres pleines d'une écriture dense.
L'horreur d'où qu'elle vienne est intolérable et j'ai trouvé de très haute tenue le travail de Nicolas Juncker. Seules à Berlin permet de ne pas oublier l'Histoire mais c'est d'abord une oeuvre artistique dont je tiens à souligner l'immense qualité.
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