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EAN : 9782253247739
312 pages
Le Livre de Poche (06/03/2024)
3.66/5   43 notes
Résumé :
Si le talent comme capacité innée ne repose sur aucune réalité scientifique, il nous est difficile de renoncer à cette fiction. Pourtant, invoquer un ingrédient magique pour expliquer que certains échouent quand d’autres réussissent a des conséquences sociales terribles, creusant les inégalités.
À partir des dernières données de la recherche et en s’appuyant sur des figures de la culture populaire, Samah Karaki, docteure en neurosciences, déconstruit la ficti... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Remarquable essai qui démystifie un grand nombre d'idées reçues sur les façons dont se forge le talent des gens qui en ont. Il ne procède pas d'un facteur unique qui serait la manifestation de gênes spécifiques, mais d'un ensemble d'évènements qui se conjuguent dans un sens favorable ou non à son émergence : prédisposition génétique, environnement social et familial, relations, interactions avec les autres, volonté, travail et hasard…...L'autrice récapitule avec de nombreuses références à des travaux scientifiques l'évolution des connaissances qui s'appuient sur des outils modernes d'investigation du cerveau (IRM ..) Quelle est la part d'inné et d'acquit ? Libre arbitre ou déterminisme ? Elle démontre le poids des traditions culturelles qui continuent à exister, malgré les preuves de leur vacuité (le cerveau serait différent selon le genre !…) Elle esquisse le besoin de faire émerger des intelligences collectives plutôt que se fier à des intelligences individuelles forgées dans les moules des grandes écoles. L'ouvrage représente un gros travail d'investigation dans des domaines variés qui cohabitent et met un peu les pieds dans le plat de certitudes passées et présentes qui méritent bien d'être piétinées.
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Toi qui me lis peut-être régulièrement, tu sais que les essais n'est pas ce que j'affectionne le plus. le dernier qui m'a passionnée est « Les Grandes Oubliées » de Titiou Lecoq que j'avais écouté, lu par l'autrice - autant te dire que cela remonte un petit peu... Depuis, il y a eu celui-ci, signé Samah Karaki qui m'a à la fois passionnée, rassurée et bluffée. Cette autrice est docteure en neurosciences et fondatrice du Social Brain Institute, cette association qui favorise la créativité sur la base de sciences cognitives et qui fait, notamment, dialoguer biologie et sciences sociales - rien que ça. Dans cet ouvrage, elle va, à grand renfort d'études, de travaux de chercheur•ses, de références à des expérimentations souvent édifiantes, nous expliquer en quoi le talent est, selon elle, une fiction. Et vous dire qu'elle est convaincante...

Elle va déconstruire ces idées reçues (qui vont paraître bien absurdes après son argumentation, comme le sont souvent les idées reçues après analyse) qui rôdent autour de la notion de talent. Naît-on avec du talent, inscrit dans nos gênes, comme avec des yeux bleus ou un nez en trompette ? Par quel hasard miraculeux un prodige devient un prodige, un génie, un génie ? Sommes-nous déterminé•es à être doué•es en mathématiques parce que nous sommes naturellement prédisposé•es à cela ou - pire - parce que nous sommes nés garçon - passons outre le caractère un poil sexiste de ce total cliché - et non fille ? Plusieurs facteurs peuvent, pour elle, être à l'origine de ce talent et ils n'ont à peu près rien à voir avec de quelconques prédispositions. Parmi les exemples qu'elle mentionne, nous pouvons citer ceux, éloquents, de Mozart, des soeurs Williams, Darwin ou encore Tiger Woods. Des personnes qui ont été, depuis petites, bercées dans un environnement propice, poussées par des parents ou entraînées pour développer un talent - qui n'a donc, par définition, rien d'inné.

Samah Karaki va également nous parler de cet organe fascinant qu'est le cerveau, malléable à merci, plastique comme du chewing-gum, que l'on peut s'amuser à modifier en répétant des choses (ces mouvements de doigts sur un clavier, ces phrases à déblatérer sur scène) qu'il va automatiser. Il va s'imprégner, aussi, de notre vécu. Tout au long de notre vie, il va se transformer, s'adapter.

Autre idée reçue : la théorie bien connue des 10 000 heures, selon laquelle ce paquet d'heures suffirait à nous rendre expert•es dans n'importe quel domaine. Une théorie qui n'a que faire de l'investissement que nous mettons réellement dans ce temps, ni l'énergie, ni la concentration.
Pour cette neurobiologiste, l'importance de l'environnement social, familial ou encore social, dans la « naissance » et le développement d'un talent, est incommensurable. le travail, aussi, bien sûr. L'implication. Mais réduire le talent à un niveau biologique... C'est non.

Cet essai est tellement bien expliqué qu'il a allumé plein de petites loupiotes d'espoir en moi, m'invitant à combattre certaines croyances qui ont fini par s'ancrer dans mon esprit. le fait que je n'arriverai jamais à ceci, car je n'avais pas « ce don pour », qu'il était trop tard pour me lancer dans cela... « le talent est une fiction » a un côté assez rassérénant, en somme.

Je terminerai en parlant du style extrêmement clair et accessible de l'autrice, auquel on aimerait avoir affaire quand on aborde n'importe quel essai - surtout s'il porte sur des sujets complexes.

À mettre entre toutes les mains et à faire pénétrer dans tous les cerveaux !
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Quel plaisir de lire un livre intelligent ! Je rejoins totalement l'auteure. Pour moi, je vois du travail, du travail et encore du travail derrière le "talent". Il est évident que le milieu, les conditions sociales, les interactions intra-familiales et hors familiales jouent. L'ouverture sur d'autres univers, la culture sont des évidences. Mes parents étaient des gens issus de milieux modestes, mais m'ont transmis le goût de la lecture, de l'écriture et la curiosité. J'ai fait la même chose avec mes propres enfants. . Evidemment, il faut être là au bon moment pour que ça marche, le succès et ce n'est pas simple, non plus. le réseau reste le privilège d'une "élite" qui a force de jouer l'entre soi, bride la créativité de bien des personnes
Je n'ai aucun titre universitaire. J'ai juste un baccalauréat, mais le discours de l'auteure m'a semblé juste le reflet de ce que je pensais depuis longtemps.
Je remercie l'éditeur JC Lattès et Net Galley de m'avoir permis de lire ce texte passionnant.
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Juste après avoir découvert cet essai grâce à Guillaume Meurice, j'ai eu le plaisir de le voir dans la dernière Masse critique Babelio spéciale non-fiction, et le plaisir plus grand encore d'être choisie pour le lire.

Cet essai déboulonne les croyances liées au talent et aux réalisations apparemment sorties de nulle part des grands artistes, sportifs ou scientifiques : parmi les mythes les plus courants, ceux selon lesquels le talent et le succès se cacheraient dans un gène particulier, ou dans un travail individuel acharné, ou dans la maxime « quand on veut, on peut ». Mais ce que montre Samah Karaki au travers de multiples études interdisciplinaires et des évolutions des connaissances (notamment en générique ou en neurosciences) est le rôle crucial, l'impact capital, des déterminismes sociaux, économiques, culturels ou même géographiques.
Elle expose comment ces postulats ont permis – et permettent encore – de justifier la domination des riches, des hommes et des Blancs, comment la biologie a été instrumentalisée pour justifier des thèses racistes, sexistes, essentialistes. Au fil des décennies, les tests de QI ont été utilisé pour « prouver » des tests racistes, la méritocratie a facilité la culpabilisation des classes modestes en les mettant face à une supposé responsabilité dans leur place sociale, les biographies des « génies » ont été écrites de manière à atténuer l'importance d'avantages indéniables en terme d'accompagnement, d'exposition précoce, d'éducation, de ressources, d'opportunités. Et malgré des preuves scientifiques, certaines idées reçues ont la vie dure et continuent de nourrir le sexisme, le racisme ou les inégalités sociales et, par-là, des stéréotypes qui pèsent lourd dans la réalisation de soi et l'accès à la reconnaissance.

L'idée n'est pas de nier les succès, de dénigrer les performances impressionnantes, mais simplement de reconnaître ce qui a permis à leurs auteurs et autrices de les créer, de les accomplir, et de ne plus évaluer la valeur individuelle de chacun à l'aune de ses succès.
De même, l'autrice invite à repenser le système scolaire et universitaire pour valoriser les intelligences diverses et non seulement les parcours millimétrés au sein des grandes écoles, récompensés par certains diplômes plutôt que d'autres, qui reproduisent indéfiniment le même schéma. Elle prône ainsi des projets collectifs pour repenser notre rapport au succès et à la compétition perpétuelle au profit de l'apprentissage pour soi (et non pour battre et dominer) et du plaisir, autorisant ainsi la liberté de ne pas exceller. Elle souligne l'importance de reconnaître enfin la diversité des intelligences, des parcours, des chances et des ambitions personnelles.

Un essai passionnant, d'une fluidité qui le rend agréable à lire (étant donné que je lis peu d'essais, je reconnais que ça reste important pour moi). À titre personnel, j'y ai trouvé des pistes de réflexion qui ont amené des prises de conscience, ainsi qu'une forme de soulagement à lire ces propos intelligents et étonnamment libérateurs.
Pour celles et ceux qui voudront creuser le sujet, le livre s'appuie sur une riche bibliographie et publications scientifiques.
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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Dense ! Profond et consistant ! Un essai qui tranche sans détour dans le sujet repris en titre et qui laissera une marque certaine sur le lecteur tant il est difficile d'y rester indifférent après la lecture.

L'autrice est une neuroscientifique. Nous ne sommes pas dans un exercice de style : l'écriture est efficace, le contenu bien présent, dense et argumenté.

On progresse dans le livre petit à petit, en explorant de nombreuses thématiques : le talent évidemment, l'expertise, le déterminisme des gènes et leurs expressions dans un environnement, le succès et la méritocratie, l'automatisation comportementale et les effets de sa résistance, l'état d'esprit fixe contre celle de croissance, les stratégies de performance contre celles d'apprentissage, …

La démonstration des théories du livre est sans appel : peut-on encore croire au déterminisme lorsqu'on ressort de cette lecture changé, amélioré ? Preuve s'il en est que ce livre posé dans mon environnement proche m'aura assurément bien transformé. Pour ma part, je me donne rendez-vous à moi-même dans un an pour le rappel, comprendre la relecture bien plus assidue que ce que j'ai été capable d'avoir en première lecture. D'ici là, je ne ferai pas l'offense de le laisser s'empoussiérer : il démarrera son voyage parmi mes proches, accompagné de ce petit mot griffonné « recommandation de lecture intelligente de 2023 ».
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Répenser le talent, le mérite et la réussite représentent un des défis les plus urgents, surtout pour sonimpact sur la manière dont nous comprenons nous-mêmes et les autres. Ce défi a une large portée politique car il a des implications majeures sur les décisions et les objectifs qui régissent deux champs dans lesquels les fictions du talent sont les plus prégnantes et déterminantes : l'école et le monde du travail. Les conséquences sociales de la promotion des talents dans ces sphères sont discriminatoires et clivantes quand la notion de talent sert à masquer ou à justifier les inégalités de réussite et les écarts croissants d'opportunités et de récompenses en faveur des individus jugés les plus doués. L'enjeu sera également de comprendre comment les individus et leur contexte social coévoluent, et comment nous pouvons imaginer une société plus juste, qui prendrait en compte toutes ces dynamiques.
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Peu importe ce qu’ils ont accompli, les gens ont le droit de mener une vie décente et digne, de développer et d’exercer leurs capacités dans un travail qui ne conditionne pas leur estime humaine. La valeur humaine ne peut pas dépendre d’un attribut de talent, d’un diplôme ou d’un poste prestigieux.
Une fois que nous reconnaissons cela, nous pouvons commencer à concentrer nos efforts non plus sur la chasse à la douance mais sur la critique des systèmes qui rendent nos écoles et nos lieux de travail peu adaptés à nos intelligences diverses et collectives. Une fois que nous arrêtons de croire au talent individuel et hiérarchique, nous détournons nos ressources vers la connaissance adéquate de nos désirs, de la nature des déterminismes qui nous façonnent et de la marge de liberté qui nous est réservée.
Il y a une beauté flagrante et mystérieuse dans ces phénomènes et une douceur indéniable dans la réalisation que nos destins individuels tirent des racines interminables vers l’expérience des autres.
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Je souhaite par cet ouvrage défendre que le monde est complexe et, comme il faut toujours simplifier pour le comprendre, il faut veiller à ne pas le déformer. Nous sommes inévitablement liés aux milieux, aux géographies, aux histoires et surtout aux autres humains et nos conditions de vie, nos expériences et nos semblables nous influençant d'une manière beaucoup plus profonde que nous ne pouvons l'imaginer.
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Ce phénomène, consistant à blâmer l’individu plutôt que les structures, se détourne des problèmes politiques, économiques et sociaux plus larges et encourage les individus à se replier sur eux-mêmes et à travailler sur leurs mindsets comme moyen d’atteindre la meilleure version d’eux-mêmes. Cela renforce l’idée selon laquelle « le travail acharné est synonyme de succès », tout en ignorant tous les obstacles qui dictent où vous vous situez sur la ligne de départ vers le succès. L’état d’esprit, le mindset, le développement personnel renforcent ainsi de puissantes idéologies et mythes culturels sur le caractère individuel en supposant que le caractère et les comportements individuels sont principalement ou uniquement la source du succès et de l’échec.
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La mesure de l’intelligence devient dès lors une façon de convaincre une personne de sa propre valeur sociale, d’amener les gens à accepter la position particulière qu’ils occupent dans la société, de les convaincre que celle-ci est le reflet de leur mérite individuel. « Il n’y a pas de stabilisateur de classe sociale plus fort, au sein d’un système de classe sociale hiérarchiquement ordonné, que la croyance, de la part de la classe inférieure, que sa place dans la vie n’est vraiment pas arbitrairement déterminée par le privilège, le statut, la richesse et le pouvoir, mais est une conséquence du mérite, distribué de manière équitable », déclare [l’historien Clarence] Karier.
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