Je ne sais pas le nombre d'articles que j'ai pu lire de
Sylvie Kauffmann au fil des années, mais ils ont été nombreux et ils m'ont permis de mieux orienter mes pensées dans des dossiers complexes de l'actualité. Elle ne m'a jamais déçu. Il est vrai qu'elle dispose d'une solide formation, d'une curiosité à toute épreuve et de beaucoup de courage pour nous informer au mieux.
Le livre que le grand reporter du quotidien le Monde a envoyé fin août à l'imprimerie, fait un triste bilan de notre continent face aux ambitions territoriales de la Fédération russe sous le règne du mégalomane
Vladimir Vladimirovitch Poutine.
Il démontre que la politique de la France, de l'Allemagne et de la plupart des pays d'Europe occidentale, à l'exception peut-être dans une certaine mesure du Royaume-Uni, ont, comme le titre l'indique, fait preuve d'un regrettable aveuglement dans les bonnes grâces du maître du Kremlin. Ce qui s'est soldé par l'invasion militaire russe d'Ukraine, qui en est aujourd'hui à son 609e jour !
La chancelière allemande, Angela Merkel, et les présidents français de Chirac, en passant par
Sarkozy et Hollande, à Macron, tous ont pensé qu'il y avait moyen d'en arriver à une paix durable pour notre continent avec ce nouveau tsar de toutes les Russies. Ce n'est que trop tard que Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz ont compris la vraie nature et les visions coloniales du dirigeant russe et se sont probablement dit, comme en 1938 Neville
Chamberlain à propos de Hitler : Poutine n'est pas un gentleman !
Je fais abstraction ici de l'ex-chancelier allemand, Gerhard Schröder, et de l'ancien Premier ministre français, François Fillon, qui ont été gratifiés de nominations fort rentables dans des entreprises russes de gaz par Poutine en remerciement de leurs bons et loyaux services.
Si je comprends bien que nos dirigeants ont tout fait pour éviter une guerre, il n'en demeure pas moins qu'ils s'y sont pris de la mauvaise façon en multipliant les concessions et courbettes devant cet ex-officier du KGB et le capo mafioso qu'il est entretemps devenu.
Les indices ont pourtant été légion. de la liquidation de toute opposition à l'intérieur du pays, tels les journalistes
Anna Politovskaïa, Natalia Estemirova, le transfuge
Alexandre Litvinenko, empoisonné au polonium en Angleterre, les avocats Sergueï Magnitski et Stanislav Markelov,
Boris Nemtsov, gouverneur de la province de Nijni Novgorod,.... et le pauvre
Alexeï Navalny qui ne sortira pas de taule tant que Poutine est en vie, jusqu'aux fuites de capitaux à une échelle défiant l'imagination du kleptomane du Kremlin, considéré par certains comme l'homme le plus riche du monde. Une Douma (parlement) où ne siègent que ses potes, qui votent n'importe quelle stupidité poutinienne, une mainmise complète de la presse, qui ne débite que de la propagande, etc...
Je pourrais continuer la longue liste des signes avertisseurs, mais je m'arrête aux prouesses de sa politique étrangère : la 2e guerre en Tchétchénie, sa guerre en Géorgie, ses bombardements en Syrie, sa mainmise virtuelle de la Biélorussie, l'annexion de la Crimée, l'occupation du Donbass et finalement, le 24 février 2022, l'envahissement brutal de l'Ukraine.
La grande valeur de l'ouvrage réside dans le fait que tout au long de son exposé, qui est clair et net, l'auteure renvoie aux innombrables entretiens qu'elle a eus avec de nombreux protagonistes (sauf
Sarkozy qui lui a refusé 2 fois un entretien) de ce drame, dont elle trace, ainsi, un tableau humain et vivant.
Vivant aussi et intéressant sont les portraits qu'elle brosse de certains politiques et hauts fonctionnaires. Je pense ici en particulier à son portrait d'Angela Merkel, Viktor Orbán, les frères Kaczyński de Pologne, Vladislav Sourkov ("Le mage du Kremlin" selon Giuliano da Empoli),
Sarkozy et autres.
Personnellement, je trouve que l'ouvrage de
Sylvie Kauffmann devrait faire partie des lectures obligatoires dans les dernières années de l'enseignement secondaire.