Que s'est-il passé sur le mont Cheon ? Comment toute une communauté religieuse a-t-elle pu disparaître sans que personne ne s'en rende compte ? Et, surtout, que signifient les innombrables citations de la Bible qui recouvrent les murs de ce monastère abandonné ? Faut-il y voir, comme le suggère Cha Dong-yo, jeune professeur en histoire de l'Église, une tentative de lier le sacré et la beauté, l'art et la croyance ? Il est bien décidé à percer les mystères du Château d'Hébron après avoir lu le manuscrit inachevé de l'écrivain voyageur Kang Yong-ho.
Roman à tiroirs naviguant entre passé et présent,
le Chant de la terre dévoile des personnages tourmentés en quête de salut et de paix intérieure. le jeune Hou est amené au monastère par son père, en pleine nuit. Tous deux fuient l'acte que Hou vient de commettre : il a poignardé le lieutenant Pak suite au départ précipité de sa cousine Yonhi. Pak était amoureux de la jeune femme, qui fuyait les assiduités de ce lieutenant qui n'avait même pas le bon goût de cacher ses sentiments aux villageois. Pak finira par violer Yonhi. Hou ignore tout de ce viol, ce qu'il sait, c'est la douleur insurmontable qui a poussé sa cousine à s'enfuir après avoir été rejetée par le lieutenant. Et ce qu'il pressent vaguement, c'est qu'il ressent un peu plus qu'un simple amour familial pour sa cousine. Traité comme un enfant par le responsable de son malheur, il se venge. Et commence sa longue pénitence au Château d'Hébron, dont les moines l'accueillent sans poser de question. Là-bas, Hou découvre la Bible et la discipline qui l'oblige chaque jour à recopier le texte pour mieux s'en imprégner. le plus ancien de ses coreligionnaires lui enseigne que la Bible est le miroir exact de l'âme humaine, et qu'il ne se passe rien dans la réalité qui n'ait déjà été inscrit dans le texte sacré. Mais alors que Hou commence à entrevoir la vérité de son acte à travers l'histoire d'Absalom et Ammon, un militaire fait son apparition et le voilà soudain chassé de la communauté religieuse, parmi d'autres moines. Pour Hou, commence une vie d'errance à la recherche de Yonhi.
Jang est un homme bien âgé, au seuil de la mort, qui vit ses derniers jours cloîtrés dans une maison de retraite. Il y a des décennies que sa conscience le tourmente. Alors, quand il apprend l'existence d'un article sur le mystère du château d'Hébron et les recherches entreprises par Dong-yo, il l'invite à écouter son histoire. Son désir : soulager son âme en livrant une partie du mystère qui entoure l'abandon de ce monastère. S'ouvre alors un autre récit, celui de Han Jong-hyo, bras droit du général Park Chung-hee qui dirigea la Corée du Sud suite à un coup d'État. Han le servit fidèlement jusqu'à ce qu'il retire ses lunettes noires : là, il vit les effets de la politique du dictateur. L'ami devint l'ennemi, et la nécessité de le faire taire s'imposa. Et le monastère isolé du mont Cheon ferait une parfaite prison…
Le Chant de la terre est un roman éminemment introspectif et méditatif, il s'interroge sur la nature humaine, sonde les âmes et questionne le désir, la culpabilité, l'envie de se couper du monde, de fuir les vicissitudes de la réalité. Il présente une réflexion sur la foi et la façon de la vivre dans un monde à l'histoire tragique et mouvementée – ici, les remous impétueux de la dictature militaire mise en place dans les années 60. le récit est lent, et le lecteur devra accepter d'abandonner un pan de l'histoire et des personnages pour mieux les retrouver et les voir s'imbriquer avec subtilité. Comme Han, Hou, ou Jang, le chemin vers la paix prend des voies détournées et sinueuses, et la route est parfois longue avant de trouver les réponses qui apaiseront les doutes qui nous assaillent.
Je remercie une nouvelle fois les éditions Decrescenzo pour l'envoi de ce roman, à l'occasion du lancement de leur nouvelle collection en poche.
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