La tentation de replonger à nouveau et si rapidement dans l'univers de
Stephen King s'est faite sentir en voyant la superbe couverture dont la route laisse entrevoir de manière astucieuse deux aspects du livre : le road trip et un récit gigogne.
C'est avec un plaisir non dissimulé que j'ai ouvert ce livre d'une belle épaisseur. Dès les premières pages, il m'a été impossible de ne pas être projetée dans l'ambiance noire de
Billy Summers. Loin de l'épouvante ou du fantastique, ce récit joue à la fois sur le roman policier, le thriller, le récit de guerre, le road trip et l'histoire sentimentale.
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Billy Summers, ancien tireur d'élite dans
le corps des Marines et vétéran décoré de la guerre d'Irak, s'est reconverti en tueur à gages. Il fait parti des meilleurs dans sa profession. Malgré tout, il a une éthique : il n'accepte que des contrats où la cible est un vrai méchant.
« Que des méchants le paient pour liquider d'autres méchants ne lui pose aucun problème. Il se voit comme un éboueur armé d'un flingue. »
Avant de prendre définitivement sa retraite, il prépare un dernier coup qui va lui demander de se couler dans le costume d'un écrivain pendant plusieurs semaines. Il pressent bien le coup de trop, mais deux millions de dollars ne se refusent pas et il s'est trop engagé pour faire machine arrière. Alors, il endosse cette nouvelle identité et se prend au jeu, décidant même d'écrire sa bibliographie en attendant le moment où il pourra exécuter sa cible.
« L'écriture … est également une forme de guerre, qu'on livre contre soi-même. L'histoire, c'est ce qu'on porte, et chaque fois qu'on y ajoute quelque chose, elle devient plus lourde. »
Bien évidemment, tout ne se passe pas comme prévu, l'histoire devient vite passionnante à suivre, avec des virages auxquels on ne s'attend pas, des sauts dans le temps et l'apparition de personnages secondaires pittoresques qui introduisent de
nouvelles intrigues dans la trame principale.
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Une des premières qualités de ce roman réside dans l'efficacité de l'écriture. Il faut reconnaître que
Stephen King maîtrise parfaitement l'intrigue et sait toucher ses lecteurs, déployant un univers visuel, cinématographique, riche en descriptions et en beaux personnages.
Le début de l'histoire pourrait paraître assez classique et manquer d'originalité, mais c'est sans compter le talent incroyable de cet auteur qui sait surprendre, émouvoir. le roman est fluide, très agréable à lire avec du suspense, des rebondissements, des temps forts et des émotions. On sent chez l'auteur la volonté d'écrire un texte en apparence simple, de rechercher le mot le plus juste, tout en multipliant les différentes identités de
Billy Summers, les points de vue.
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Ce que j'aime également chez
Stephen King, c'est sa manière de donner vie à des personnages marquants, authentiques, complexes, emplis d'humanité.
A la fois sombre et tendre, implacable et touchant,
Billy Summers est le genre d'antihéros ni bon, ni mauvais, auquel je ne n'ai pu que m'attacher. J'ai trouvé intéressant que l'auteur retrace son parcours par le biais du livre qu'il écrit. Cette mise en abyme éclaire en effet les traumatismes de son enfance, sa formation dans l'armée et son expérience de la guerre.
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King évoque à nouveau la fragilité de l'enfance, la solitude, le bien et le mal, les violences et les traumatismes, l'amitié et l'amour, la liberté d'écrivain, le pouvoir de l'imagination et l'acte d'écrire.
A ce propos, j'ai franchement aimé l'originalité du dénouement imaginé par Stephen King : avec une habileté remarquable, l'auteur explore d'autres possibilités dans le scénario, nous montrant comment il est facile pour un auteur de manipuler son lecteur tout autant que ses personnages. Ainsi, s'il en avait décidé autrement, la fin aurait pu tout autre !
« Dans la réalité, les événements ne ressemblent jamais à ce que vous voyez dans votre tête, mais ce travail commence toujours par la visualisation. À cet égard, c'est comme la poésie. Les choses qui changent, les variables imprévisibles, les modifications : tout cela doit être géré sur le moment, mais au départ, il y a la visualisation. »
De plus, ce roman célèbre la littérature, source de réflexions et outil libérateur pour comprendre ses pensées, exprimer ses émotions, mettre des mots sur ses souffrances et ses blessures passées.
En effet, l'auteur nous fait voyager dans les livres qu'il affectionne :
Billy Summers est cultivé, bibliophile. Ainsi, le roman d'
Emile Zola «
Thérèse Raquin » devient le fil conducteur du récit.
Thomas Hardy,
William Faulkner,
Charles Dickens occupent aussi une place de choix dans ce roman.
L'auteur n'hésite pas non plus à critiquer certains aspects de la société américaine, notamment la misère sociale dans certains quartiers, en nous plongeant dans le quotidien d'une petite ville américaine et même, au détour de quelques phrases, de lancer des piques à l'ancien président américain,
Donald Trump.
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Alors, que dire ? «
Billy Summers » est un roman efficace, tendre et fort, surprenant et percutant à la fois. Je l'ai dévoré en peu de temps, ce qui montre une nouvelle fois que
Stephen King reste un étonnant conteur. Je quitte à regret ce roman qu'il m'a été difficile de lâcher, preuve de sa justesse, de son efficacité et de sa charge émotionnelle.
Billy Summers fait désormais partie de ces personnages inoubliables, incroyables d'émotions.
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Merci à mes compagnes de lecture, Nicola (@NicolaK), Doriane (@Yaena), Chrytèle (@HordeDuContrevent) et
Anne-Sophie (@dannso) pour cette lecture commune. C'est toujours un plaisir de lire
Stephen King avec vous.