Philosophie Greque : Les Présocratiques

La grande idée des sophistes fut que la connaissance objective, et partant, la notion de vérité est un leurre. La conscience individuelle invente un ordre humain qui, de ce fait, apparait comme conventionnel. La vérité dans la cité, c'est la doxa, l'opinion. Dès lors qu'il n'y a plus de vérité objective, le discours opportun (kairos), la rhétorique, «l'art de bien parler», devient instrument qui peut avoir tout pouvoir sur ľ'« autre» pour le charmer, nous l'avons vu, et le faire changer d'opinion. Plus de transcendance ou de logos fondateur. Sur l'être, il n'y a rien à dire. Dans ce contexte de relativisme, le soupçon atteint la morale elle-même, I'autorité des lois morales et politiques, leur normativité, dénoncée comme tyrannique à l'encontre de l'individu, de ses désirs, de ses appétits. Seules existent les apparences subjecives de vérité. À la place d'une science s'imposant à tous les esprits se substituent des opinions diverses, changeantes et contradictoires. [p.35]

Les philosophes sont aussi et plus souvent qu'on ne le pense, des aventuriers. Les idées communément admises en leur temps ne les satisfont pas. Esprits curieux, ils s'avancent alors avec une audace inouie et de fulgurantes intuitions sur une terre inconnue, l'observent et la déchiffrent comme nul ne l'avait fait avant eux. Il arrive que leurs questionnements plus que leurs réponses inaugurent une nouvelle façon de penser, ouvrent des chemins dont on ne sécartera plus. Tel fut le cas des premiers aventuriers de la raison, ces astronomes, géomètres, poètes, prophètes, mages, devins, philosophes enfin, que la tradition appela « pré- socratiques». [p.11]