Or, pour écouter, et c'est tout un art, il nous faut avoir un certain sentiment de calme dans le cerveau. Le cerveau chez la plupart d'entre nous est en incessante activité ; il réagit à la provocation d'un mot, d'une idée ou d'une image, et ce processus constant de réponses à des provocations n'engendre pas la compréhension. Ce qui permet la compréhension, c'est d'avoir un cerveau très tranquille. Le cerveau, l'instrument qui pense, qui réagit, est, en somme, l'entrepôt de la mémoire, le résultat du temps et de l'expérience, et il ne peut pas y avoir de compréhension si cet instrument est perpétuellement agité, en train de réagir, de comparer ce qu'on dit avec ce qui a déjà été emmagasiné.
Donc, si vous voulez découvrir ce qui est vrai, il vous faut rompre toutes vos attaches et explorer non seulement l'extérieur, vos relations avec les choses et les personnes, mais vous voir intérieurement aussi ; tout cela constitue la connaissance de soi : non seulement la connaissance de la conscience de surface, éveillée, mais aussi celle de l'inconscient, des recoins cachés du cerveau et du psychisme. Cela exige une observation constante, et si vous consentez à vous observer ainsi, vous verrez qu'il n'y a pas, en vérité, de division entre l'extérieur et l'intérieur, car la pensée, telle une marée, va et vient, au-dehors et au-dedans.
Donc, comprendre l'autorité, aussi bien l'extérieure que l'intérieure, n'est pas affaire de temps. Compter sur le temps est une des erreurs les plus stupides, un des plus grands écueils. Le temps est en réalité un ajournement qui indique que vous prenez plaisir à votre sécurité, à votre conformisme, à vos appartenances, et que tout ce que vous dites c'est : « Ne me dérangez pas, je vous prie ; je ne suis pas encore prêt à être dérangé ». Mais je ne vois pas pourquoi on ne devrait pas être troublé ; quel mal y a-t-il à être troublé ? En réalité, c'est lorsqu'on ne veut pas être dérangé qu'on invite le désarroi. Mais celui qui veut découvrir la vérité, qu'elle soit inquiétante ou non, est libéré de la vérité, qu'elle soit inquiétante ou non, crainte d'être troublé. Je sais que quelques-uns d'entre vous sourient, mais la question est trop grave pour cela. C'est un fait qu'aucun de nous ne veut être dérangé. Nous sommes tombés dans une ornière, dans une routine étroite, intellectuelle, émotionnelle ou idéologique, et nous ne voulons pas être troublés. Tout ce que nous voulons, dans nos relations et dans tout le reste, c'est vivre une vie bourgeoise, confortable, tranquille et respectable. Et vouloir être antibourgeois, antirespectable, revient au même.
Or, pourquoi le psychisme et le cerveau humains cherchent-ils toujours un modèle auquel se conformer ? permettez-moi de dire ici que mon explication sera sans valeur, qu'elle n'aura aucun sens du tout, si vous n'êtes pas, chacun de vous, conscient de votre propre inclination à suivre : à suivre une idée ou un maître. Mais si l'explication éveille séance tenante votre propre perception de l'état de votre psychisme, alors les mots auront un contenu.
Extrait du livre audio « Un esprit calme et silencieux » de Jiddu Krishnamurti, traduit par Colette Joyeux, lu par Jean-Philippe Renaud. Parution numérique le 30 août 2023.
https://www.audiolib.fr/livre/un-esprit-calme-et-silencieux-9791035413361/