Voilà un ouvrage que j'ai lu avec attention et en préparation à la table ronde à laquelle j'ai participé le 9 octobre et qui d'intitulait : « France, qu'est-ce qu'elle t' a fait ma gueule ? ».
L'ouvrage est intéressant de prime à bord puisqu'il s'intéresse aux réussites professionnelles « ordinaires » de français issues de l'immigration maghrébine.
Arnaud Lacheret, l'auteur, est titulaire d'un doctorat en sciences politiques. Néanmoins, il existe un certain nombre de biais et de contre-vérités qui sont sans doute dues à un manque de connaissances du Maghreb.
Dans son livre, Lacheret s'appuie sur une approche inductive, des entretiens individuels et des observations personnelles, pour établir de nouvelles connaissances. Dans ce type de recherche, les résultats sont censés émerger spontanément pendant l'étude et ne doivent pas forcément coller à la théorie que le chercheur veut énoncer. La recherche qualitative répond à une méthodologie précise, or ici il ne m'a été possible de définir laquelle. de plus les critères de validité et de rigueur de ce type de données semblent manquants :
équité et saturation de l'échantillon, triangulation des sources de données par plusieurs méthodes, triangulation lors de l'analyse (analyse croisée validée par un tiers de relecture ou groupe de recherche).
L'autre point gênant est de croire que la réussite des jeunes femmes issues de l'immigration maghrébine serait le résultat d'un stratagème mis en place par les femmes pour échapper à un mariage arrangé... c'est sans compter sur le profond désir des immigrés de voir tout simplement leur progéniture réussir leur vie !
Surtout lorsqu'on connaît l'histoire de la Tunisie et depuis l'indépendance en
1956, l'école publique tunisienne a toujours été une fierté, car elle émanait d'une nouvelle idée de la société voulue par Bourguiba, celle de l'école gratuite et pour tous.
Outre la méthodologie, la comparaison des femmes issues de l'immigration maghrébine aux femmes du golfe me semble inappropriée. le plus gênant est de considérer que les français issus de l'immigration maghrébine doivent s'intégrer car « ils n'ont pas les codes ». J'aurai apprécié que ces fameux codes manquants soient clairement énoncés : quels sont-ils ?
Je regrette que ne soit pas rappelé l'impact positif des immigrés sur la société française avant celui de leur descendance.
L'intégration pourrait être définie comme la capacité des immigrés à atteindre les mêmes résultats socioéconomiques que les personnes nées dans le pays d'accueil, tout en tenant compte, bien sûr, de leurs caractéristiques. Or parler d'intégration pour des personnes nées en France est pour moi un non-sens et constitue une violence de plus attestant une fois de plus d'un racisme décomplexé vis-à-vis des français issus de l'immigration maghrébine. Ce rejet se nourrit des amalgames et des préjugés négatifs où l'on associe souvent maghrébins à « musulmans », puis un glissement vers islam, islamisme et terrorisme.
L'identité devient alors figée et non évolutive, les français issues de l'immigration maghrébine se voient classés de facto dans la case «musulman », qu'elle que soit leur croyance réelle. L'identité religieuse devient alors une identité dans laquelle on les enferme et de la naissent toutes les injonctions dont ils deviennent comptables. Or croire que les français issus de l'immigration maghrébine est un tout homogène d'où proviennent tous les maux de la société française est une rhétorique fructueuse pour l'extrême droite et personne n'en est dupe. Mais qu'un politiste fasse ce même postulat est surprenant. le Maroc, la Tunisie et l'Algérie, chacun de ces pays a une histoire qui lui est propre avec la France, le colonialisme et le décolonialisme ont laissé un « attachement » qui est spécifique à chaque pays. Les Maghrébins ne constituent donc pas un tout homogène.
Je suis d'accord avec
Arnaud Lacheret, les français issus de l'immigration maghrébine réussissent aussi brillamment que la population générale car ils sont avant tout français et élevés en tant que tel, et ce malgré un traumatisme lié à l'exil transmis par les parents, malgré des discriminations et parfois même malgré une double exclusion en lien avec l'histoire de la xénophobie, le racisme et l'histoire coloniale, mais aussi les processus d'exclusions plus contemporains en lien avec l'histoire migratoire et l'exclusion territoriale dans les quartiers populaires.