Jérusalem en Dalécarlie

En 1900 Selma Lagerlöf se rend en Palestine pour rencontrer les membres de la colonie américaine de Jérusalem, une communauté créée par une poignée de riches protestants américains, rejoints plus tard par plusieurs familles suédoises. Fondée sur des idéaux d'égalité, de fraternité et de charité, la communauté ouverte à tous - quelque soit sa religion - se consacre aux activités d'abord philanthropiques puis mondaines.
De ces rencontres Selma en tire matière à écrire une oeuvre de fiction. Son roman parait en deux volumes, Jérusalem en Dalécarlie (1901) et Jérusalem en Terre sainte (1902).

Le premier opus se passe à la fin du XIXe siècle dans une région du centre de la Suède, la Dalécarlie. Il raconte comment sous la houlette d'un prédicateur charismatique, les habitants d'un petit village décident de vivre une vie plus vraie et plus pure en formant une grande famille vouée à aider les malades et les pauvres. Pour ce faire, ils doivent rompre avec leur vie paysanne, abandonner tous leurs biens et quitter leur pays pour émigrer vers "la ville céleste" où est attendu le retour imminent du messie.
Construit autour de l'histoire d'une vieille famille de fermiers prospères sur trois générations, c'est un roman dépaysant, presque exotique tant les moeurs et la façon de parler sont parfois désuètes. Il fait découvrir les espoirs et les déceptions de personnages à la fois délicats et forts dont le destin est bien souvent mis à rude épreuve. Une lecture plaisante et facile même si les affaires religieuses peuvent sembler nébuleuses à qui ne connait pas les complexités du protestantisme. Avec la création d'une église dissendente, dirigée par un laïc dont l'influence bouleverse toute une communauté jusqu'alors fort paisible, l'auteure évoque l'apparition de l'un de ces mouvements du Réveil qui ont fleuri en Suède au cours du XIXe siècle. J'ai tenté d'en apprendre un peu plus, ambition vite abandonnée tant le sujet m'a semblé trop vaste et ardu et tant me tardait de partir, moi aussi, à Jérusalem pour découvrir la suite de cette histoire.

Jérusalem en Dalecarlie, écrit en 1901 par Selma Lagerlöf, prix Novel de littérature 1909.

J'ai beaucoup aimé ce roman. Il est tout d'abord très bien écrit et les personnages y sont très attachants. C'est un peu comme un huis clos dans un village de la région, avec les fermiers, certains plus prospères que d'autres, le pasteur et l'instituteur. Mais ce petit village accoutumé à sa routine et aux prêches de son pasteur va être pris dans une tourmente de religiosité nouvelle, un pasteur américain venant prêcher un retour aux sources et une vie en petite communauté. Cette petite communauté de « purs » décidera de partir pour Jérusalem. (et cela donnera d'ailleurs le sujet d'un deuxième roman, intitulé « Jérusalem en Terre sainte »)

Ce roman parle beaucoup de religion et se situe dans une période particulière du renouveau du protestantisme en Suède à la fin du 19è siècle (Pentecôtistes, Armée du Salut, Anabaptistes,… et d'autres groupes protestants viennent s'y installer). En faisant quelques recherches sur Internet, j'ai découvert qu'une région de la Suède a bien été évangélisée par ces différents groupes au point d'être appelée la « Jérusalem de Suède » :

« Selon toute vraisemblance, ce sobriquet serait apparu au courant du XIXe siècle lors du développement industriel de Jönköping et de l'apparition de nouveaux mouvements populaires (folkrörelser), parmi lesquels on compte les fameuses Églises libres. Ainsi en 1860, pour la première fois dans l'histoire de la Suède, il devint possible pour quiconque d'appartenir à une autre Église qu'à l'Église luthérienne-évangélique d'État qui jusque-là possédait un monopole sur le culte. Jönköping voit dès-lors surgir en son sein le premier mouvement de réveil, d'inspiration piétiste7. Ce mouvement était apparu en 1853 en tant qu'association dont le but était de distribuer des tracts (traktatsällskap) afin de répandre la foi chrétienne. En 1861, il devint l'association évangélique de Jönköping (Jönköpings missionsförening) puis se transforma en Alliance Évangélique Suédoise (Svenska alliansmissionen) en 19198. La mémoire locale veut que cette Église ait attiré vers elle l'ensemble des croyants de la région qui traversaient le Småland jusqu'à elle, en file et en chantant, les jours de célébrations chrétiennes. Ces files humaines errant dans la région pour se rendre à Jönköping pour célébrer la foi auraient ainsi été comparées aux vagues de juifs qui se rendaient en pèlerinage vers Jérusalem pour honorer les hauts temps du calendrier israélite. En 1897, on écrivit dans le journal local Sanningsvittnet : « Quelque chose de comparable à ce qui se passait autrefois à Jérusalem attire les gens vers les quatre réunions annuelles – « les réunions trimestrielles » – de l'association à Jönköping »9. de là viendrait le surnom de la ville : « Jérusalem du Småland », ou bien « Jérusalem de Suède ». « (source : https://journals.openedition.org/amnis/1739)