Terre sainte en vue ! Pour ce groupe de paysans suédois partis pour s'installer à Jérusalem, c'est l'aube d'une nouvelle vie. Convaincus par un prédicateur itinérant, ils ont choisi de rejoindre une communauté sur la terre natale de Jésus pour mener une vie simple, au service des pauvres et des malades (histoire racontée dans
Jérusalem en Dalécarlie). Mais la terre promise va vite se révéler beaucoup moins paradisiaque que prévu. La rudesse du climat, les maladies emportent plusieurs membres de la communauté. Dans ce melting-pot religieux où chacun cherche à attirer les âmes à soi, la petite communauté est mal vue et victime de médisance.
Au départ, l'histoire paraît assez générale. Les morts semblent s'enchaîner à raison d'une par chapitre. N'ayant pas lu
Jérusalem en Dalécarlie, la disparition de ces personnages que je ne connaissais pas me touchait sans doute moins. Cependant, peu à peu, l'intrigue se resserre autour de trois personnages : Gertrud, Ingmar et Gabriel. Dans le tome précédent (d'après ce que j'ai compris), Ingmar a abandonné Gertrud, sa promise, pour la fille d'un riche fermier et la perspective de pouvoir redevenir le maître de la ferme familiale. Mais il n'est pas heureux en ménage et sa femme finit par le convaincre elle-même de divorcer et de partir chercher Gertrud. de son côté, Gabriel, depuis la mort de la jeune fille qu'il aimait, s'est rapproché de Gertrud, la meilleure amie de celle-ci. Et il essaie de se convaincre qu'il n'a pour elle que la tendre affection d'un frère...
Malgré le handicap que constituait le fait de prendre l'histoire en marche, je me suis très vite attachée à cette communauté d'âmes simples mais sensibles et touchantes. Sans compter le plaisir que j'avais à retourner à Jérusalem, ne serait-ce qu'en pensée.
Selma Lagerlöf connaissait bien son sujet car elle a elle-même rencontré quelques membres de cette communauté américano-suédoise lors de son séjour en Palestine, aux alentours de 1900. Cela donne à son récit une tonalité très réaliste même si, parfois, il prend soudain des airs de conte arabe ou de légende populaire. Ce mélange des genres est une des caractéristiques surprenante mais intéressante de ce roman. Son histoire a en même temps une profondeur philosophique et psychologique qui en fait un classique d'une qualité intemporelle, même si le contexte (le protestantisme et ses mouvements de Réveil) peut paraître difficile à appréhender pour ceux qui n'en sont pas familiers.
Jérusalem en Terre sainte n'est ni ennuyeux, ni abscons. C'est une histoire aussi simple, belle, touchante et profonde que ses personnages, un roman empreint d'un charme indéfinissable.