Magistral, la féminité en diapason, l'épure à fleur de peau. Retenir les mots, criant vital. «
Corps étranger » est une cartographie sensorielle. Un hymne au corps, aux entrechocs intérieurs. Fusion sentimentale, lave volcanique.
Poésies vives, acidulées, ne cédant rien sous le vent des ivresses, des certitudes. Cascades, ressacs, le corps à la renverse, l'appel sourd vers ce qui n'est plus. Désirs, manque, microcosme de fièvre, de sensualité. Les échappées contemporaines ajustées au pli des errances infinies, affirmées et volontaires. le corps liane s'invite au ballet des ressentis, des torpeurs. Draps froissés, contre-jour, l'âpre, le rugueux, le crissant. « Je savais pas que je mendiais avant que tu jettes tes yeux dans ma main, avant que d'être miettes d'amour lancées aux moineaux et à moi qui connaissais pas ma misère et piaillait paume tendue par là. » « L'amour à Montréal pousse comme du chiendent fauche en fouets les êtres moi et les filles au premier salut. » Les textes sont liant, serment, sceau. Saut dans la flaque des retournements, verre brisé. « le tubercule du mot. Non. Reste. » le vide affectif, trou noir, glacé figé. le corps se rebelle. Face à face. L'amour. Amort. Les voiles gorgées de vent et de fragments d'étoiles égarées. L'amour endormi, inachevé,
Catherine Lalonde marche dos au vent. Sème les langages apeurés, les déchirures, résurgence. « Les structures de ma détresse sont piliers de mes amours (ce qui viendra) c'est du solide (et je pleure en dormant). »
Corps étranger » vibre. Appel d'air, l'enfance revenante, cheveux dans les yeux, les pavloviens souvenirs. le contre-chant amarré au port des nostalgies. Que c'est beau, claquant et apothéose. « Les frères étaient des jambes des poids cueillir et voler on courait plus vite qu'eux dans le grand noir des cendres (et je savais pas encore). « En toute première notion de rompre en deux le pain de l'âme au moins une fois avant que de mourir. » « Les structures de ma détresse sont piliers de mes amours (ce qui viendra). « Les papillons me collaient aux joues, aux lumières de feux de camp. » Et là ! la beauté théologale échange l'heure, détourne les méandres, les noeuds, les prières vierges. le chant est grave, cygne (signe). le socle affirme sa nouvelle adresse. «
Corps étranger » est fondamental, une aurore boréale. Ce bel écrin paru au préalable chez « Québec Amérique » a obtenu le majestueux Prix Émile-
Nelligan en 2008. Publié par les Éditions Quartanier.