Elise est une jeune citadine quarantenaire mère d'un petit Antoine et récemment séparée de son compagnon.
Elle décide de repartir à zéro. La vente domaniale pour cause de succession vacante d'une demeure de 108 m2 datant du XIXème , mise à prix 25000 € est pour elle une opportunité à ne pas rater. Elle en fait donc l'acquisition sans l'avoir visitée.
Quand elle pénètre dans cette demeure , c'est un véritable capharnaüm. Tout est resté figé en l'état, comme si le propriétaire venait la quitter précipitamment : mobilier, vaisselle, affaires personnelles, vêtements, tout est là.
Philippe et Rachel, les parents d'Elise, accompagnés du petit Antoine viennent l'aider à débarrasser tout ce fatras. Au fil de leurs découvertes, ils sont un peu mal à l'aise avec cette intrusion dans l'intimité d'un inconnu, puis chacun se laisse aller à imaginer qui il pouvait être. Pour Elise qui découvre sa correspondance amoureuse, c'était un coureur de jupons. Pour Rachel qui découvre des tableaux, des dessins et des esquisses, elle voit en lui un peintre qui a raté sa vocation. Pour Philippe qui retape la vielle 2 CV qu'il a découvert dans la grange, c'était un voyageur libre. Pour le petit Antoine qui découvre un fusil dans une chambre, c'était un aventurier, un chasseur de fauve. Chacun lui invente un destin fantasmé dans lequel il se projette.
Le grand rangement auquel s'attelle Elise et ses parents est ponctué des projections mentales de chacun sur la vie fantasmée de l'ancien propriétaire.
La technique employée par
Simon Lamouret : dessin stylisé et naïf, volontairement chargé à l'extrême, comme réalisé au crayon ou à la gouache vive est extrêmement bien adaptée à cette antique demeure aux tapisseries d'époque, surchargée de meubles et d'objets en tout genre.
Nous avons avant tout ici une chronique sociale où chacun va tenter de surmonter ses douleurs, ses regrets, et aller au-devant de ses désirs en faisant de cet inconnu le miroir de leur âme où chacun projette, ce qu'il aurait aimé être, ce qu'il a raté, ce qui le fait souffrir.
Cet album est un très bel objet à la couverture originale : une silhouette découpée laisse voir l'intérieur de la maison et quand on tourne la couverture, on se retrouve dans cet intérieur avec cette même silhouette assise sur une chaise en bout de table. On comprend à la richesse du dessin pourquoi
Simon Lamouret a mis trois ans à réaliser cet album .
« Lu dans le cadre du Prix Orange de la BD 2024. Je remercie Lecteurs.com ainsi que les
Editions Sarbacane pour cet envoi. »