De mon bref séjour au Québec me reste en mémoire cette expression populaire :
“Mais ça n'a point de bon sens …! “
Vous éprouverez ce sentiment à la lecture - voire double lecture - de ce court roman qui tient du compte rendu /bilan d' action des divers corps de métier intervenant au long de ce récit dramatique.
D'entrée, la description du ressenti de la petite Juliette ,fille de la victime ,lors de la cérémonie d'hommage de la population donne le ton: de belles pages d' émotion ,les seules d ailleurs ,
Corinne le Bars en professionnelle avertie évite l' étalage des sentiments (vrais ou projetés)
Ce n'est pas le but, au contraire .
Même le Président du Conseil Départemental saura ôter de son discours toute allusion à l' identification et au sensationnel.
Cette tonalité “neutre “ des rapports produits tant par les travailleurs sociaux que la gendarmerie où les faits -et rien qu'eux - viennent retracer le déroulé des évènements .
Je ne reviens pas sur le scénario, ici tout est dit et minutieusement décrit (trop parfois ).
Comprendre les mobiles d' une action imprévisible ou inexplicable : que se passe-t-il dans la tête d' un forcené ?
On est en France mais bien sûr on pense à ces jeunes qui “pètent les plombs” et font un carton dans une salle de classe, une boîte de nuit, un supermarché …
Et l'on a bien sûr, l'exemple des Usa où ces drames sont si fréquents .
Les renforcements de la loi à des fins sécuritaires peuvent nous indigner mais les caméras de surveillance s' installent même dans les petites communes ; jouer de la peur pour mieux mailler l'espace public de moyens d observation et de contrôle :l'attitude des élus est parfois ambivalente et les pressions sont fortes. Et en Chine le contrôle social est installé tous azimuts.
Cette diagonale du vide ,concept flou des socio démographes , est sensée provoquer une “fracture géographique “ de notre cher hexagone.
Je l' ai ressentie une fois dans un hameau du nord-est, un été 2008 où plusieurs groupes de “communautaires chevelus “ accompagnés de chiens patibulaires écoutaient de la techno à l'heure de l' apéro .
Trois maisons délabrées les hébergeaient ,les jardin n' étaient qu' un souvenir mais en interrogeant “les locaux” on constatait que ces jeunes globalement “se tenaient bien” ,envoyaient les enfants à l'école et donnaient un coup de main aux récoltes (pratique du woofing).
J' avais abordé une jeune maman cueillant des marguerites au bord du chemin avec ses deux enfants ,norvégienne, elle m' avait répondu dans un anglais parfait que la France est un pays merveilleux où l' on est libre et qu'elle ne souhaitait plus rentrer en Scandinavie .
Fin de mon inquisition à caractère sociologique …
A l'issue de ce récit on se demande pourquoi un dialogue sincère n'a pu s'installer entre ces deux protagonistes : elle forçait le ton faussement enjoué mais n allait pas sur le terrain du vieillard que l on devinait anti social et mal à l'aise tant affectivement que socialement.
Au final se pose la question de l' objet du travail social :atténuer la misère ou mettre en avant les contradictions provoquant à terme une rupture ?
Interrogation qui refuse le “En même temps” à la mode et renvoie “au pognon de dingue” pour quel bilan?
Aujourd'hui
Christophe GUILLUY (et naguère Robert CASTEL) tire la sonnette d'alarme …
Suffit pas d' écouter l'Autre encore faut-il l'entendre.
Livre reçu via Masse Critique, lu et relu par un travailleur social retraité et fort inquiet...