Quand les gens dorment

Un roman tout en délicatesse sur l'amour et le désir. Pierre et Janet (on ne peut s'empêcher de penser à la chanson) sont amants. Lui, "Max von Sydow en plus chevelu ", réalisateur de cinéma jadis connu, dont la carrière prometteuse fut brutalement interrompue par la mort tragique de sa fille. Elle, "quelque chose de Barbara ", infirmière, active, mère d'un grand fils parti par amour en Amérique latine. On se demande ce qui a pu réunir ces deux là. le désir, le plaisir, ça oui. Outre la difference d'âge (15 ans), ils sont chacun d'un autre côté de la vie. Pierre ne fait rien, sinon attendre Janet, dans un appartement exigu où il passe beaucoup, trop, de temps à dormir. A quoi tient la relation amoureuse ? On la traverse du point de vue de Janet. La douceur, l'ivresse, les rires, l'abandon, le bonheur des moments partagés, les retours sur terre, la tristesse, l'agacement, la fin annoncée. Une tranche de vie. La vie, joyeuse, sinueuse, brusque, inconstante. Ariane le Fort saisit avec précision, tendresse et ironie toutes les nuances de la relation amoureuse, qui vit, jouit, peine, meurt, revient. Elle explore ce qui nous échappe, les petits moments doux, les dérapages, les faiblesses. Avec une douceur et un réalisme qui n'appartiennent qu'à elle.

Un très beau roman. Une autrice qui excelle a faire palpiter les lieux, les sens, les atmosphères. Elle donne une réelle épaisseur à un propos qui pourrait être ténu avec une capacité inouïe de donner corps et vie à ses personnages. Une histoire d'amour et de désir à ce point improbable qu'elle n'en est que plus réelle, plus palpable. Et même les lieux se mettent à parler : de la cathédrale jaune à la route bordée de rhododendrons en passant par la mousse roses des cerisiers du japon... Un bonheur de lecture dans un très bel écrin de mots.