Conduite au rythme paisible et attentif de la marche à pied, une formidable leçon de géographie psychologique, politique et humaine, conduite au fil des imaginaires du rail, de la désaffection et du toujours-en-devenir, au long de 50 km d'anciennes voies ferrées.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/01/02/note-de-lecture-
archeologies-ferroviaires-bruno-lecat/
En partant de la gare désaffectée de Vendargues, quelques kilomètres au nord de Montpellier, le poète, photographe et détective
Bruno Lecat a parcouru à pied, l'oeil et l'intellect en éveil mais parfaitement prêts tous deux à dériver, une cinquantaine de kilomètres d'anciennes voies ferrées. Publié aux éditions Jou, disponible en librairie à partir de cette première semaine de janvier 2021, le résultat en est cet «
Archéologies ferroviaires », un étrange voyage dans le proche entre nature et culture, entre humain et végétal, entre technique et minéral, qui nous propose comme incidemment d'extrêmement lointaines lignes de fuite.
Comme celles et ceux qui suivent ce blog de proche en proche le savent, étant l'un des animateurs des éditions associatives Jou, je ne peux être totalement objectif vis-à-vis de ce texte (mais le suis-je jamais ?), ce qui ne m'empêche pas, modulo ce modeste avertissement, d'avoir diablement envie de partager avec vous la beauté de cette expérience, et la joie que nous avons à la publier.
On se situe ici comme naturellement aux frontières acceptées de la psychogéographie, en heureux cousinage avec des expériences d'arpentage comme celles de
Philippe Vasset (« Un livre blanc », 2007) ou de
Xavier Boissel («
Paris est un leurre », 2012). «
Archéologies ferroviaires » s'en distingue peut-être d'abord par son extrême attention portée aux choses rencontrées, et pas uniquement dans leur essence symbolique multivariée. L'herbe folle, pourtant bien précise, celle qui donnait sa tonalité rare, là aussi sur une passerelle ferroviaire désaffectée, à la «
Passerage des décombres » d'
Antonin Crenn, devient vite un personnage à part entière de ce périple faussement modeste, comme la pièce mécanique abandonnée, dont le rôle semble perdu, provisoirement ou définitivement, lorgne et s'affirme du côté de la superbe « Esthétique du machinisme agricole » de
Pierre Bergounioux. La présence animale fantomatique, comme l'excursion industrielle en direction des mines et des carrières, renforce à chaque pas ou presque cette impression d'abord diffuse que, sous couvert d'observation mélancolique et technique, une étonnante entreprise de reconquête de l'imaginaire du rail se déroule sous nos yeux.
Si l'on ajoute parmi les ingrédients de cette rare alchimie, ne devant toutefois pas grand-chose au hasard, un sens de la formule poétique sachant surgir des détours les plus inattendus du périple, et une capacité peu commune à mobiliser des registres le plus souvent considérés comme forcément disjoints (littéraire et économique, anthropologique et industriel, personnel et politique) – marque d'une curiosité tous azimuts sachant se réorganiser au pied levé, curiosité dont témoigne par ailleurs nettement le blog de l'auteur, « L'Oeil a faim » -,
Bruno Lecat nous offre certainement avec ces «
Archéologies ferroviaires », en à peine 100 pages, l'un des ouvrages les plus stimulants du moment et d'après.
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