Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 4

L’ART ET L’INTUITION INTELLECTUELLE, essai du père Henri-Paul BERGERON.
Divisé en trois parties, l’essai d’Henri-Paul Bergeron, l’Art et l’Intuition intellectuelle, a pour objet l’étude de l’élaboration de la pensée artistique. D’une part, il dénigre la pensée discursive qui, tributaire d’un rationalisme esthétique, ne produit que des oeuvres dont le rendu n’est que la copie servile de la nature, du modèle. D'autre part, l’auteur s’attaque à l’esthétique du sentiment dont les diverses manifestations, à travers plusieurs écoles, telles l’impressionnisme ou le surréalisme, ne traduisent que la « puissance du sujet dans l’objet », ce dernier étant complètement évidé de sa substance spirituelle ou métaphysique. Dans la section la plus longue, qui clôt le livre, Bergeron énonce que la seule véritable esthétique doit se fonder sur le « respect de l’intuition intellectuelle ». Ce concept fixe en quelque sorte les balises de toute création artistique : l’intelligence doit présider à l’unification des sens et de la formulation picturale d’où peuvent jaillir l’harmonie et, de là, le Beau. L'activité intuitive de l’intelligence se mesure par les qualités spirituelles d’une production artistique, mais aussi par le respect de la morale qui s’en dégage, soit l’abdication d’une formulation du monde contredisant celle du Créateur, Dieu.
Malgré sa forme élocutoire spécieuse, l'Ar! et l’Intuition intellectuelle ne soulève ni ne résout aucune problématique. Ces considérations philosophiques relèvent davantage de la casuistique, qui s’inscrit dans le débat toujours vivant de l’art moderne.

PAYS VOILES et EXISTENCES, recueils de poésies de Marie-Claire BLAIS.
Le monde de Marie-Claire Blais, dans Pays voilés et Existences, tourne autour de l'enfant, de maisons, de regards, de souvenirs, de couples, d’êtres silencieux qui attendent, n'osent se parler ou si peu, de gestes obscurs oubliés dès qu’accomplis. Les deux recueils, formellement différents, puisent aux mêmes sources. Le lecteur est frappé par la récurrence obsédante des mêmes mots, attitudes et ambiances. Dans le premier ouvrage, les poèmes, plus courts, n’ont aucune structure évidente qui les lie entre eux. Ces souvenirs d'enfance évoquent un milieu humble, ayant presque toujours la maison comme espace. Des choses s’y passent sans importance à ce moment-là mais qui germent dans la paix de l'instant. Un voyageur énigmatique fait de fréquentes apparitions. Des enfants et un « je » enfant regardent et se taisent. Des instants de recueillement, de solitude, de sécheresse, de rêves sont offerts. Les femmes, épouses, mères, amantes, disent leur maternité, leur veuvage, leur union. La nature, présente de façon sélective, — herbe, forêt, arbre, roseaux, paille, mer, saison, vent, — par une
intimité et un échange constant, transmet les sentiments et apprend même à mourir. Plusieurs gestes sont attendus et invités mais n'arrivent pas à être posés. Et la vie quotidienne ponctue le récit, enracine les rêves.

L’ARBRE BLANC, recueil de poésies de Rina LASNIER.
PUBLIÉ à Montréal en 1966, /’Arbre blanc est le huitième recueil de poésies de Rina Lasnier. L'ensemble offre quatre parties : la première et la troisième célèbrent la neige et l’hiver, le blanc, tandis que les sections paires chantent l’envers de feu et de sang de cette saison. Les titres de ces dernières, « Fils du feu » et «l’Hiver du Christ », forment contraste avec l’anonymat glacial des premières. Une dizaine de pièces rédigées en langue anglaise ont été insérées dans les première et troisième parties. Présenté sous le signe d’une contradiction, le blanc de la neige et l’écarlate du sang, /’Arbre blanc impose par cette structure un remarquable équilibre, qu’il confirme à la fois au plan du langage et de l’aspect visuel du livre. Les poèmes du « blanc » sont courts, aérés systématiquement par des évocations de vent et de froidure ; ceux du « feu » forment des suites imposantes, bardées de citations et d’arguments dont ils constituent la paraphrase. Sans cesse l’étincellement du « blanc » se heurte à la générosité du «rouge », ces deux extrêmes rehaussés par la présence des ténèbres, « don ambigu », par le double abîme de la lumière et de l’ombre mis en comparaison.

LES ABÎMES DE L’AUBE, roman de Jean-Paul PINSONNEAULT.
LE TROISIEME roman de Jean-Paul Pinsonneault, les Abimes de l’aube, raconte sous la forme d’un journal intime la crise que traverse un adolescent de dix-sept ans, renvoyé du collège, en plein cœur d'année, pour avoir entretenu une liaison particulière avec un camarade. Sujet scabreux, au début des années 1960, mais traité avec tact par «un écrivain extrêmement consciencieux qui se refuse aux facilités du sentiment comme à celles de l’écriture », note avec à-propos Gilles Marcotte, lors de la parution du roman.