Le Chemin oublié de Compostelle

Après avoir dévoré l'excellente « Immortelle randonnée » de Jean-Christophe Ruffin, il me tardait de découvrir enfin un second point de vue sur un itinéraire qui reste injustement sous les radars des éditeurs francophones : le « Camino del Norte » qui relie Irún à Santiago en longeant la côte atlantique de l'Espagne.

Randonneur-écrivain professionnel, Philippe Lemonnier s'est intensément documenté sur la grande variété des tracés historiques méconnus de cette pérégrination millénaire. Il a donc opté pour un parcours assez atypique : Soulac-sur-Mer (Gironde), Biarritz, Santander, Oviedo.

Depuis la capitale des Asturies, il s'est même permis l'audace de rejoindre le Camino Primitivo. « Ce chemin est le premier, l'original. C'est la voie où les pèlerinages à Saint-Jacques-de-Compostelle ont commencé au IXe siècle, après la découverte du tombeau de l'Apôtre Jacques. » (https://www.caminodesantiago.travel/fr/camino-primitivo)

Mais, ce qui caractérise avant tout ce tracé, c'est qu'il traverse des zones dépeuplées avec des paysages préservés à couper le souffle. Enfin, à cause de son relief accidenté, il exige un bon entraînement pour parvenir à Melide en Galice (260 km) où on rejoint « l'autoroute » du Camino Francés. Il ne reste alors « plus que » 100 km jusqu'à Compostelle.

Tout au long de son parcours, le narrateur franchit avec élégance le mur du temps et se retrouve fréquemment en l'an de grâce 1175 en compagnie du moine poitevin Aimery Picaud, l'auteur du premier « Guide du Pèlerin » connu à ce jour et de ces compagnons de marche laïques, Robert et Guillaume.

Cette présence imaginaire lui permet des flashbacks historiques qui éclairent la notion de pèlerinage sous un jour médiéval qu'on a trop tendance à méconnaître. En effet, si cheminer 25-30 km au quotidien n'est déjà pas en soi une sinécure, comment faisaient les pénitents de l'an mille pour se loger et se nourrir ? Sans parler des brigands et autres « gens d'armes » parfois mal intentionnés qu'ils croisaient.

J'ai passé un excellent moment en dévorant les cent-cinquante feuillets de cet auteur relativement peu commenté (du moins sur Babélio !) et je vais profiter de mon prochain séjour au Pays basque pour lire son dernier carnet de route paru un an avant l'ère du Coronavirus : « Íñigo, chemin faisant : sur les pas d'Ignace de Loyola » l'illustre fondateur de l'ordre des jésuites.