AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782228891639
304 pages
Payot et Rivages (07/05/2004)
4.08/5   19 notes
Résumé :

"Nous marchons, vers une ville de bout du monde. L'une de ces cités baroques, un peu mythiques, comme nous les aimons en Bretagne.

L'un de ces hauts lieux de naufrage dispersés dans le monde, avec lesquels l'humanité errante aime à entretenir d'illusoires rendez-vous."Chapeau et manteau de feutre, besace au côté, bourdon en main : depuis plus d'un millénaire les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle nourrissent l'imaginaire occidental.... >Voir plus
Que lire après Le Grand Chemin de CompostelleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Je viens de finir ce livre que j'ai failli ne pas lire... Et, je dois reconnaître qu'il m'a un peu ébranlé dans mon désir de « faire Compostelle » un jour. Voici pourquoi.

Tout d'abord, j'ai eu beaucoup de mal à m'habituer à l'écriture hybride de Jean-Claude Bourlès (JCB). En effet, il alterne récit du chemin, réflexions personnelles et digressions historico-sociologiques qui m'ont semblé assez lassantes au début.

Heureusement, j'ai persévéré et je ne le regrette pas. J'ai appris un tas de choses intéressantes comme, par exemple, le fait qu'à l'origine (IXe siècle), le Camino avait pour objectif de repeupler le nord de l'Espagne avec des chrétiens de toute l'Europe centrale et occidentale. Dans les vastes territoires plus ou moins libérés de la « menace » arabe, il y avait des terrains en jachère, des cathédrales à construire, bref, des places à pourvoir. Beaucoup de pèlerins se sont installés en Espagne où, au gré des opportunités, ils ont (re)fait leur vie.

Mais, ce que j'ai le plus apprécié dans cet ouvrage atypique, c'est le détachement avec lequel l'auteur évoque ses sentiments en chemin. Ainsi, Bourlès n'hésite pas à raconter la délicate cohabitation entre cyclistes et marcheurs : « Les relations toujours un peu houleuses peuvent, dans la seconde, devenir franchement difficiles et font voler assez bas, en cet endroit où on ne les attend guère, injures bras d'honneur et menaces. C'est comme ça, même ici. »

Un autre péril qui guette le pèlerin, c'est le doute : « même si le corps, parfaitement rodé, fonctionne comme une mécanique dispensée de douleurs, crampes et ampoules (...) C'est le psychisme qui, pour je ne sais quelle raison, renâcle. Une voix de contrebande ne cesse de me répéter que tout cela ne sert à rien, que je serais mieux chez moi, etc., etc. La décision de capituler n'a pas besoin de lieu. C'est ce qui rend le chant des sirènes si dangereux. »

Et de poursuivre : « Je suis de nouveau face à moi-même, assiégé de questions auxquelles, tôt ou tard, il me faudra répondre. C'est peut-être ce que l'on appelle un peu légèrement “l'heure de vérité”, ce moment où l'individu se doit de rendre des comptes à lui-même. Exercice d'introspection auquel, en principe, nul n'échappe dans les passages obligés que sont l'âge, la maladie, la mort ou certaines expériences, dont le pèlerinage. Instant de nudité absolue. Il me semble qu'après m'avoir tant appris sur lui-même, le chemin attend que je lui rende des comptes. Que je mette en règle en quelque sorte. »

Or, lorsque les tourments ne sont pas intérieurs, c'est le décor qui s'occupe de déprimer le marcheur : « La sortie de Leon est aussi longue que décevante. Décharges, ruines, cabanes de planches. Où sommes-nous ? Dans les favelas de Rio ? Comme tout cela me devient soudain insupportable ! Autant de mauvais goût, de saleté exhibée, de détritus abandonnés, de carcasses oubliées au hasard d'un terrain vague, dans un pays moderne qui prétend à juste raison jouer un rôle de premier plan en Europe ! Ou je rêve, ou l'on se moque de moi ! »

JCB mentionne aussi quelques rencontres avec des ex-immigrés espagnols dans l'hexagone : « La France, il ne la regrette pas. Comme il ne regrette pas d'y avoir passé vingt-cinq ans. Vivait dans le Nord. Près de Lille. Dit que les Français se montraient injustes avec les travailleurs migrants. Qu'on l'a toujours traité comme un moins que rien, jamais reconnu, régulièrement exploité, même des ouvriers. Quant aux syndicats ! “La France, pays des droits de l'Homme : laissez-moi rigoler ! Un truc d'intellectuel, oui, mais sorti des grands mots, la réalité c'est le coup de pied au cul et les menaces... Vous ne pouvez pas imaginer ce qu'ils m'ont en fait voir vos compatriotes.” »

Au bout du chemin, après des centaines de kilomètres de joie, de peine et de sueur, se présente la ville de Saint-Jacques de Compostelle. Et, contre toute attente, « chez les pèlerins rencontrés, ennui et déception font des ravages (...) C'est comme si la privation soudaine de l'effort et des heures de silence ne pouvait se combler (...) L'extraordinaire impression de vide dans laquelle je me consume se traduit par une agressivité injustifiée envers les autres... »

Alors, juste avant de prendre congé des personnes avec lesquelles il a fait un bout de chemin, c'est l'heure du dernier repas partagé en commun. « Fraternité de l'utopie, l'instant parfois prête à l'envolée lyrique. L'homme est bon, nous sommes tous frères, l'apôtre (Saint-Jacques) est bien là, et les temps changent. Nous levons nos verres, les larmes aux yeux, persuadés de vivre un moment capital de notre existence et c'est sans doute vrai. Mais, le monde n'est pas meilleur, la guerre poursuit son oeuvre, et la misère régente les trois quarts de l'humanité... »

Qui n'a jamais passé de tels moments de pseudo fraternité ? A part des souvenirs qu'en reste-t-il quelques heures plus tard ? Que vont-ils changer dans notre vie et dans nos comportements à venir ?
Commenter  J’apprécie          141
Un seul avis sur le site de Babelio, assez surprise, bien que non car le livre date de 1993 et pourtant c'est à ce jour un livre qui reste intéressant à lire pour découvrir le chemin de Compostelle d'un moins une partie du chemin celui qui part de la frontière franco-espagnole pour aller au saint Graal tant convoité.

Un récit qui nous apprend beaucoup tout le long de la lecture au fil du chemin sur l'histoire, la géographie, l'architecture, c'est en cela que ce récit est captivant et intéressant. On ne retrouve pas comme beaucoup de livres sur le chemin toutes les balivernes, j'ai fait cela et ceci , j'ai mal aux pieds Etc... une évidence marcher autant ne peut que blesser le corps mais qu'en est-il de l'âme ?
on ne fait pas le chemin tous pour la même raison et l'auteur arrivé au bout de son périple ne le sait pas non plus. Il l'a fait voilà tout par besoin, ce besoin de dépouillement, sans doute, ce besoin de marcher dans les pas du passé retrouver un peu d'authenticité. Sans doute une nécessité de trouver un sens à sa vie...
"Je boucle mon sac devant la porte quand il termine en disant qu'ici on vit bien de pas grand-chose, et que c'est cela qui est important...Il répète : " c'est important parce que tu ne passes pas ta vie à courir après l'argent qui, de toute façon, ne servira à rien le jour où" S'il savait combien ses paroles rejoignent celles que je répète, chaque jour inlassablement, la voix qui m'accompagne !
Entre ce genre de réflexions qui nous laissent en méditation, et les extraits du carnet de route de Gisèle, on se surprend à vouloir rejoindre ce chemin.

"très beau matin d'été dans une nature exceptionnelle. Dans les champs, les paysans coupent les foins à la faux. Maisons anciennes, le chemin longe un torrent qu'il franchit à plusieurs reprises par une série de ponts de bois. Rude montée jusqu'au Cebreiro par le Camino Primitivo. Tranquillité et recueillement ne sont hélas pas à l'ordre du jour de ce haut lieu transformé en terrain de camping ! Que sera l'arrivé à Saint-Jacques !"

Voilà aussi le revers de la médaille et ce livre date de 1993 où l'auteur s'interrogeait déjà au devenir de ce chemin, le côté touriste, tapageur, commercial, font de ce chemin un lieu en perdition authenticité et de simplicité. Et effectivement l'arrivé à St Jacques fut une "déception" pour cette vision trop commercial, foule amassée dans cette ville.
"Chaleur, cohue, odeurs de parfums lourds, gras jusqu'à l'écoeurement, parcourus par les pointes aigres de la sueur, je bats en retraite vers la porte. Attente. le sermon traîne en longueur. il est question de moeurs, de désordre. "
Partir sur le chemin ce n'est pas une partie de plaisir, si ce n'est le plaisir d'accomplir un acte pour soi, un cheminement personnel vers une quête d'un "rêve" d'aboutir ce besoin de trouver.
"Cherche,
dans tout arbre nu
le poids de sa lumière
et au-delà de l'ombre
sa mesure de silence.
Cherche,
au bout de ton chemin
le vrai commencement."

Ce petit poème, résume en quelques lignes, les longs questionnements, les km avalés dans le silence, dans le vide, sans doute faut-il marcher pour trouver au bout de la route, un début de réponse.
Merveilleuse lecture, apaisante, tout en restant réaliste pour le côté parfois "aberrant des pèlerins" qui se prennent pour des superhéros, des touristes plus que des marcheurs. Il n'en est rien pour ce couple qui sont au coeur de ce récit, ils m'ont été sympathiques, un peu de mal de les quitter.

J'ai découvert cet auteur, et je m'en vais en quête sur ses autres récits.


Commenter  J’apprécie          85
« Dos cervezas, por favor »
Un objectif, atteindre Compostelle, un axe directeur, el camino, un moyen, a pedibus, une stratégie, se délester, intérieurement… Jean-Claude et Gisèle Bourlès se sont enfin lancés le 19 juin 1993, année jubilaire, sur l'antique tracé, le Camino francés, parfois bien mis à mal par l'urbanisation et les infrastructures routières. Après une brève introduction, une carte sommaire mais toujours utile permettant de visualiser l'itinéraire en Espagne avec les jalons des villes principales, le livre se chapitre naturellement selon les régions traversées : Navarre, Castille, Leon, Galice. Un index des noms de lieux et une bibliographie commentée en fin de volume auraient utilement complétés ce livre déjà conséquent en soi. Les journaux conjugués du couple marcheur, largement enrichis d'anecdotes, de réflexions et de considérations s'insérant dans la grande et la petite histoire sont de bonne tenue. L'esprit de « Giovanum-Claudum, Peregrinis de Sancti Jacobi » [Jean-Claude, pèlerin de Saint-Jacques] se lit entre les lignes. L'auteur a su s'immortaliser modestement dans son livre. On s'émeut ou on s'énerve selon ses dires, totalement conquis, même dans les atermoiements, les questionnements et les approximations de l'auteur. Certaines phrases possèdent l'allant et l'intensité d'une pensée en marche. Plusieurs remarques glanées dans le corpus ouvrent le regard du lecteur et donnent envie de se lancer dans la meseta pour traverser le désert afin de s'éblouir sous « une pluie torrentielle de lumière » dessinant « des ombres épaisses sur d'éblouissantes clartés » [Miguel de Unamuno]. Jean-Claude Bourlès n'use de rares citations qu'à bon escient afin d'accorder des visions complémentaires. Contrairement à bien d'autres opus sur le sujet, le grand chemin de Compostelle est une superbe invitation à pousser les portes du vaste monde histoire « de se mettre en marche vers soi-même ». « […] passé la porte, le monde est beaucoup plus grand et beau qu'on nous le laisse croire. »
Commenter  J’apprécie          30
Bien qu'écrit il y a plusieurs années, ce livre m'a plongé au sein du chemin de Saint Jacques, décrivant sans ambages ce que l'auteur a vécu et éprouvé.
On remet alors en perspective ce qu'on a pu voir dans de magnifiques livres et le quotidien de ce pélerinage, loin de la ballade bucolique.
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Je ne saurais dire si ma présence sur ce chemin a un rapport avec ⎩le désir de connaître, d'acquérir une culture religieuse qui, jusqu'ici, me faisait entièrement défaut⎭ cette recherche spirituelle. Je ne crois pas à la présence de l'apôtre à Compostelle. Trouve même son absence beaucoup plus belle, plus forte, car alors, le pèlerinage s'inscrit dans une idée, dans l'imaginaire pur, et transcende encore plus celui qui l'accomplit. J'ai marché sur un chemin sacré par la seule présence des hommes qui m'ont précédé et dans les pas desquels j'ai posé des centaines de milliers d'empreintes, aussitôt envolées, oubliées. Comme le sera ma présence ici.
Commenter  J’apprécie          10
Explorateurs et montagnards, randonneurs et vagabonds l'affirment: dès l'instant où elle s'inscrit dans la durée, la marche sécrète une sorte d'euphorie. Physiologiquement, cela s'explique par l'élimination massive de toxines, la perte de poids, une meilleure circulation sanguine. Certes. Mais il y a aussi l'environnement dans lequel évolue le marcheur, les rapports pas toujours faciles avec la nature, les autres, ou leur absence, les rencontres, la solitude. A cela s'ajoute une certaine révélation de soi-même dans le bonheur ou la détresse, face aux provocations de la fatigue. C'est de tout cela que se compose un cheminement accompli.
Commenter  J’apprécie          10
Catholique par mon baptême, je me demande où est mon église. A quoi elle ressemble. Cette question est assez nouvelle pour moi. Quelques années, six ou sept, tout au plus. Je ne pense pas que ce soit lié à l'âge. Plutôt à un désir de connaître, d'acquérir une culture religieuse qui, jusqu'ici, me faisait entièrement défaut. Les lectures de Saint Paul et de Saint Bernard furent de grandes rencontres, mais ce sont surtout les Evangiles qui m'ont ouvert la voie de la réflexion.
Commenter  J’apprécie          10
Tout se passe avec ce chemin comme s'il fallait le récupérer à tout prix. A trop en parler on se trompe, on dit un peu n'importe quoi et, ce qui est plus grave, en le sachant pertinemment. Cela permet d'ailleurs d'occulter certaines réalités historiques, sociales et religieuses tendant à prouver que le Camino fut, avant tout et très longtemps, un grand symbole d'oecuménisme. Alors, renouveau spirituel? Après tout, pourquoi pas?
Commenter  J’apprécie          10
Mes compagnons sont malheureux, et, comme moi, ne savent pas le dire. Fraternité de l’utopie, l’instant parfois prête à l’envolée lyrique. L’homme est bon, nous sommes tous frères, l’apôtre (Saint-Jacques) est bien là, et les temps changent. Nous levons nos verres, les larmes aux yeux, persuadés de vivre un moment capital de notre existence et c’est sans doute vrai. Mais, le monde n’est pas meilleur, la guerre poursuit son œuvre, et la misère régente les trois quarts de l’humanité...
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : espagneVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (52) Voir plus



Quiz Voir plus

Voyage en Italie

Stendhal a écrit "La Chartreuse de ..." ?

Pavie
Padoue
Parme
Piacenza

14 questions
601 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , voyages , voyage en italieCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..