"Hey you, it's just another bombtrack
Hey you, it's just another bombtrack...yeah"
Ça commence comme ça, direct.
Quand cet album est sorti, il m'a fait, comme à beaucoup, l'effet d'un gros uppercut. D'un coup quelque chose sortait du black-out Nirvana. Ça ne ressemblait pas tout à fait à ce que j'écoutais à l'époque, ça ne ressemblait à rien d'existant. du rap, du métal, du funk, du hard-core...de la musique...
Pour commencer,
Christophe Levaux replace rapidement la naissance du groupe dans le contexte socio-historique du début des années 90, aux USA, sur la côte ouest. La naissance du groupe : « Cherche chanteur socialiste pour un groupe de métal dans le style de Public Enemy ». Tel est le texte de l'annonce par
Tom Morello auquel répondra Zack de la Rocha. Ce qui est la définition fondamentale du groupe.
Ce premier album, sort en cd, cassette et vinyl chez Epic, pas vraiment un label indépendant. La production et le mixage sont assurés par une paire de gars ayant travaillés avec les Red Hot Chili Peppers, Nirvana, Sepultura, etc, au studio Sound City, poids lourd parmi ceux de Los Angeles.
On pose le disque sur la face A.
"Bombtrack" d'entrée.
Christophe Levaux nous explique, exemple à l'appui, comment RATM réussit enfin la fusion du rap et du metal quand d'autres n'ont réussi qu'un collage : le mur sonore de Metallica ajouté à la virulence des textes de Public Enemy. le résultat est la parfaite coordination entre le chant de Zack de la Rocha et la musique du trio, la Protest Song parfaite.
"Take The Power Back" : mon morceau préféré, déjà le titre est un vrai programme, la basse de Timmy C. est redoutable. Ce morceau est emblématique de l'album : la cohésion entre le phrasé duchant et la musique est totale, la puissance est dévastatrice comme pour le titre précédent : "Killing In The Name". Sur ce titre, l'auteur s'adresse surtout aux musiciens, on discute technique, pour ma part je suis perdu.
Le morceau suivant est différent à la fois muscialement mais aussi dans les textes. Les paroles, au lieu d'être politiques sont plus personnelles, la musique est beaucoup plus proche du metal, avec un solo jazz par
Tom Morello. Ce "Settle For Nothing" est dur à supporter en entier, heureusement pour terminer cette face A il y a "Bullet In The Head" : le seul morceau enregistré avant de passer à l'épreuve de la scène.
Christophe Levaux, dans un passage technique mais pédagogique, désosse le jeu de guitare de Morello et nous explique comment ça fonctionne. Ce titre est encore et toujours une déclamation politique très à gauche, surtout pour les USA.
On retourne le disque pour un second round avec la face B.
"Hey we're coming back with another bombtrack" : première phrase de cette face avant le début du chant de "Know Your Enemy". Cette répétition est symptomatique de cette face B.
Après un nouveau paragraphe technique pour lequel une traduction aurait été nécessaire à ma lecture, l'auteur profite de ce titre pour discuter production et mixage, les rôles de Garth Richardson et Andy Wallace et leurs incidences sur le son de l'album, et ce qui a fondamentalement changé par rapport aux démos, ou pas.
Après ce chef d'oeuvre, je suis d'accord avec l'auteur, l'album lasse. Non que les morceaux soient mauvais ou même plus faibles, ce qui lasse c'est la similarité des compositions. Il ne faut pas écouter cet album en entier d'un seul coup. C'est tout l'intérêt du vinyl : un jour la face A, un autre la B.
"Fistful Of Steel" est l'occasion d'une nouvelle charge anti-institutionnelle pour Zack de la Rocha.
Christophe Levaux, pédagogue une deuxième fois, décortique le jeu de guitare de
Tom Morello, son utilisation des micros, des pédales, etc, et ce qui caractérise son jeu. Ce qui fait que le groupe se passe de samples, et le revendique. Pour quelle raison d'ailleurs ?
Malgré des critiques élogieuses et méritées, des tournées à succès, des ventes faramineuses, le groupe aura de moins en moins de succès.
Christophe Levaux dans les dernières et passionnantes pages de son livre discute de la notoriété de l'album et du groupe. Il souligne ce qui faisait déjà la faiblesse des derniers titres, la même recette refera de bons albums, mais justes bons. Et c'est ce qui tuera le groupe et flinguera sa notoriété.
Mis à part quelques passages trop techniques pour moi qui ne suis pas musicien, le livre permet de faire le point sur ce disque. L'auteur n'hésite pas à poser la question sur ce qui reste de ce brûlot musical des années plus tard. Ses réponses sont instructives, pas seulement pour
Rage Against The Machine, mais aussi pour ces groupes ou ces albums que, tous un jour, nous avons mis sur un piédestal. Il est un temps où l'écoute doit se renouveler. C'est tout le mérite de ce livre.