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Sylvain Lhuissier (Autre)
EAN : 9782374252261
128 pages
Rue de l'échiquier (18/06/2020)
4.5/5   16 notes
Résumé :
La prison est un endroit dont on parle peu et que l’on connaît très mal. Mais quand on critique l’emprisonnement systématique, on se voit souvent rétorquer : « Que proposez-vous de mieux ? »
L’objectif de Sylvain Lhuissier n’est pas de désigner un coupable, mais de comprendre pourquoi, gouvernement après gouvernement, rien ne change ; d’identifier comment chaque acteur, d’un bout à l’autre de la chaîne, participe à maintenir le système en place ; mais surtout... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« S'il nous faut apprendre à donner une seconde vie aux produits, sachons déjà le faire pour nos concitoyens. » Un petit livre de réflexions interpellantes sur l'efficacité de l'emprisonnement rédigé par un homme de terrain.

Sylvain Lhuissier est actuellement chargé de mission auprès de l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle au sein du ministère français de la Justice. En 2014, il a cofondé l'association Chantiers-Passerelles pour développer des alternatives à la prison et changer le regard des citoyens sur la justice et la peine. C'est donc un homme de terrain qui nous livre ici son analyse.

L'auteur introduit le sujet dans un premier chapitre où il démontre quelques lieux communs tels que « la prison, c'est le Club Med ») et où il rappelle que, en France, 42 % des prisonniers ne sont pas des condamnés mais des personnes en détention provisoire et que seuls 1,5 % des condamnés sont des criminels (« Cessons de construire tout notre système carcéral sur 1,5 % des cas. »).

Il pose ensuite les questions centrales dans les deux chapitres suivants, qui sont intitulés « La prison: efficace ou dangereuse ? » et « À quoi sert vraiment la prison ? ». Il y attire l'attention sur tous ceux qui sortent de prison diminués, tant sur le plan psychologique que sur le plan physique (« Des années après leur libération, certains attendent toujours qu'on ouvre la porte de leur chambre pour en sortir ou celle d'un magasin pour y entrer. D'autres, trop habitués à vivre avec un champ de vision de 10 mètres maximum, ont développé une phobie des grands espaces. »). Pour ceux-là, la prison est plus une école de dépendance qu'une école d'autonomie. Il fait ensuite remarquer que la prison n'est pas un moyen efficace de dissuasion et il remet en question la prison comme moyen de mettre les délinquants hors d'état de nuire. À l'homme de la rue qui se réjouit de voir un délinquant emprisonné, il rappelle au même moment, un autre délinquant en sort, que la prison n'aura probablement pas rendu meilleur. Certes, il admet que la prison peut être un moyen de mettre un délinquant hors d'état de nuire, mais cette situation doit être temporaire et accompagnée d'actions visant à éviter la récidive.

L'auteur termine son analyse en proposant des peines alternatives telles que le travail d'intérêt général. Il insiste sur la mise en place de parcours de sortie de la délinquance, parcours qui, si je comprends bien, est actuellement quasi inexistant (« Autre preuve que l'insertion est en réalité une mission très secondaire: l'absence totale d'évaluation. le ministère de la Justice ne dispose d'aucune statistique sur les parcours d'insertion des personnes après la peine. »).

Ce petit livre tranche avec les monographies des penseurs en chambres. Les questions qu'il pose sont assurément fort intéressantes. Je pense néanmoins qu'il gagnerait en force s'il pouvait s'appuyer sur une étude plus approfondie. Par exemple, l'auteur clame à plusieurs reprises qu'il ne faut pas construire un projet de prisons en se focalisant sur le petit pourcentage de véritables criminels qu'elles renferment, mais il ne donne pas d'indications sur la répartition des durées d'emprisonnement, ni sur une éventuelle corrélation entre la durée de l'emprisonnement et les risques de récidive (une courte peine pourrait dans certains cas s'avérer efficace sans trop d'effets indésirables). Il ne donne pas non plus la parole aux juges qui prononcent les peines d'emprisonnement. Bref, il faudrait approfondir et nuancer. Mais je conviens que cela demande des moyens. Un livre comme celui-ci a ses limites mais il a le grand mérite de mettre le débat sur la place publique et d'inciter les citoyens à pousser leurs représentants à mener les actions politiques qui débloqueront les moyens nécessaires à l'amélioration de l'efficacité des peines.

Je vous incite donc à confronter vos a priori aux arguments de « Décarcérer », qui se lit fort agréablement, et je remercie vivement les éditions Rue de l'échiquier de me l'avoir fait découvrir, dans le cadre d'une opération Masse critique de Babelio. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que Rue de l'échiquier suscite mon intérêt: j'avais déjà commenté ici « Heineken en Afrique : Une multinationale décomplexée » d'Olivier van Beemen. le catalogue joint à l'envoi a retenu toute mon attention !
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Petit livre (80 pages) mais d'une grande efficacité pour nous affuter à expliquer l'aberration de nos prisons, ces paradoxales écoles de la récidive.
Et démontrer que des solutions alternatives existent et profiteraient à tous.

Construit autour du fil rouge d'un dîner de famille animé où chaque membre ressort, de l'entrée au dessert, des lieux communs comme "la prison c'est le club med" ; "il faut bien qu'ils paient pour ce qu'ils ont fait" etc... - que Sylvain Lhuissier déconstruit, consciencieusement, un à un.

Imprimé en mai 2020, ce livre n'intègre pas la refonte de l'échelle des peines du 24 mars 2020. Réforme bien timide mais qui va dans le bon sens : l'article 131-3 du code pénal - qui énumère les différentes peines correctionnelles- insère désormais le bracelet électronique en 2ème place et fait passer le travail d'intérêt général de la 6ème à la 3ème place, rendez-vous compte !
Bien sûr, l'emprisonnement reste, indétrônable, à la première place mais il lui est aussi ajouté "pouvant être assorti d'un sursis, d'un sursis probatoire ou d'un aménagement".
Bref, on avance, mais si peu, si lentement.

Que ce petit livre, clair et si convaincant, puisse faire progresser la réflexion collective sur ce sujet tant débattu et si méconnu.

Un grand merci à son éditeur Rue de l'échiquier et à la masse critique de Babelio pour m'avoir fait connaître ce texte.
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Merci à Babelio et aux éditions Rue de l'échiquier pour l'envoi de ce livre en échange d'une chronique honnête, dans le cadre d'une Masse Critique.

Les prisons et le système pénitentiaire font partie des sujets qui m'intéressent et sur lesquels j'aimerais en apprendre plus, parce que ma façon de voir l'incarcération a beaucoup évolué au fil des années, notamment avec mon intérêt pour le féminisme et le militantisme. du coup je suis absolument ravie d'avoir eu Décarcérer entre les mains parce que c'est la synthèse dont j'avais besoin pour comprendre les bases du système et ses dysfonctionnements. le tout dans un livre clair, très abordable dans ses explications et de moins de cent pages !

Le livre est construit sur la base d'une discussion houleuse lors d'un repas de famille où la question de la prison serait abordée, il s'agit alors de répondre à chaque préjugé et de les déconstruire, avec des chiffres et des définitions à l'appui. le tout est à la fois précis et concis, mais les sources sont disponibles en notes de fin si on souhaite explorer un sujet plus profondément.

Pour commencer, Décarcérer explique de quoi on parle et fait la distinction entre les maisons d'arrêt (peines de moins de deux ans ou détention provisoire), les centres de détention (peines de plus de deux ans) et les maisons carcérales (peines plus longues ou personnes considérées comme dangereuses). Sylvain Lhuissier reprend donc les bases pour expliquer le fonctionnement du système judiciaire et pénitentiaire français, avant d'entrer dans la réalité de ce qu'est l'incarcération aujourd'hui en France. Des prisons surpeuplées, où le minimum d'hygiène est très bas (par exemple, trois douches par semaine) et n'est en plus pas respecté dans de nombreuses institutions, où les personnes se retrouvent coupées de la société et encore plus à l'écart qu'auparavant. Les démarches de « réinsertion » sont en effet loin d'être la priorité de ce système, où il y a plus de 59 % de récidives pour les personnes sorties de prison.

J'ai particulièrement apprécié que des problèmes de fond de la société soient abordés, puisque bien sûr tout est lié, notamment les discriminations sur les personnes sans emploi, sans domicile ou nées à l'étranger qui sont bien plus susceptibles de finir en prison que d'autres. Encore une fois, on déplore le fait que les statistiques sur les origines ethniques soient si laborieuses et contrôlées en France, je pense que les chiffres sur une telle question seraient encore plus terrifiants.

L'auteur donne plusieurs chiffres et statistiques pour nous aider à mieux comprendre les enjeux et les problèmes, le tout sans nous écraser sous les pourcentages. Mais s'il y en a bien un qui m'a surprise et que je retiendrai, c'est que seulement 1,5 % des personnes incarcérées le sont pour des crimes (c'est-à-dire qu'elles ont commis des meurtres, viols ou violences pédocriminelles).

Décarcérer présente donc la réalité du système judiciaire, où l'emprisonnement est privilégié, avec de nombreuses conséquences néfastes, mais l'auteur ne s'arrête pas là et propose des solutions. Certaines sont déjà mises en oeuvre en France ou ailleurs et de façon plus ou moins importante : notamment le travail d'intérêt général qui permet souvent aux personnes de sortir de la délinquance en gardant du lien social, familial, avec parfois de la formation et surtout un travail. Sylvain Lhuissier présente aussi les SPIP, que je ne connaissais pas du tout : les Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation, qui s'occupent de l'accompagnement des peines, et qui peuvent adapter ces dernières à la situation individuelle.

Le livre se conclu sur un épilogue écrit à la suite du confinement et qui explique que ces deux mois tout particuliers ont également eu des conséquences sur les prisons : la situation catastrophique d'un point de vue sanitaire avec la surpopulation a évolué puisque énormément de détenu·es ont été relâché. Comme quoi, il est possible de changer le système, ce serait bien de ne pas avoir à attendre une crise sanitaire mondiale pour le faire…

Un petit mot sur l'objet livre en lui-même : j'aime beaucoup le travail de maquette qui a été fait, c'est à la fois sobre et plus recherché qu'une mise en page toute simple, un grand bravo à l'équipe qui a travaillé là-dessus (et qui est créditée à la fin d'ailleurs). En plus j'ai vu que l'impression est faite en France, avec une certification PEFC et un label Imprim' Vert et je trouve que c'est une chouette démarche de la part de l'éditeur.

Je recommande donc cet ouvrage à toutes les personnes qui s'intéressent à ces questions et qui souhaitent avoir une synthèse claire et abordable pour mieux comprendre les problèmes et les enjeux !
Lien : https://deslivresetlesmots.w..
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Excellent livre qui déconstruit une à une toutes les idées reçues sur la prison. Sylvain Lhuissier décrit page après page, chiffres à l'appui, la réalité du monde carcéral et du système judiciaire, de ceux qui les connaissent ou qui les ont connus.

Une fois lu tout ça, une fois intégré toute l'absurdité de notre système judiciaire, plus possible de regarder ailleurs. L'auteur nous encourage à parler autour de nous de la réalité de la prison, réalité si éloignée de ce que nous raconte la télévision, et de ses conséquences pour les détenus et pour la société. Il nous invite à valoriser toutes les alternatives qui existent pour éviter la plus grande partie des incarcerations et favoriser la réinsertion (la prison a tout l'effet inverse, c'est prouvé et re-prouvé).
L'auteur ici ne va pas jusqu'à parler d'abolir la prison, ce qui pourrait être discuté, mais il cherche, dans le système tel qu'il est, toutes les options possibles pour améliorer les choses. Il montre que c'est du domaine du possible, et ça fait du bien de savoir qu'on va pouvoir s'appuyer là-dessus pour alimenter les débats-prisons des repas de famille !

A la fin, le pari de Sylvain Lhuissier est réussi : ce bouquin, j'ai l'impression qu'il faut que j'en parle et que je le fasse lire à tout le monde !
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Un livre court, mais extrêmement utile sur la question carcérale. Il répond aux principaux clichés de société sur la prison, en apportant une ouverture sur cette institution si peu connue, mais tant fantasmée.

Conditions de vie en détention, causes de la détention (seuls 1,5% des détenus sont des criminels !), alternatives à la prison.. Il parcourt le sujet de façon globale et tres accessible, et permet un regard nouveau et plus réaliste sur le problème de la politique carcérale en France
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Pourquoi la surpopulation carcérale persiste-t-elle ? Parce qu'on manque de place de prison, disent les uns. Parce que la délinquance et la criminalité augmentent, disent les autres. Les deux ont tort. La surpopulation carcérale persiste parce que les jugements sont de plus en plus sévères et les peines de plus en plus lourdes. On enferme plus et plus longtemps, indépendamment des délits.

Or, le fait de construire des prisons ne résout rien. Depuis les années 1970, nous n'avons fait qu'agrandir le parc pénitentiaire, sans aucun effet sur la surpopulation carcérale : en 1978, il y avait en France 30155 personnes détenues pour 25097 places soit 12,4 % d'occupation. Plus de 40 ans après, le taux de surpopulation est comparable, mais la population détenue a été multipliée par 2,3. Et ceci sans corrélation avec une augmentation de la délinquance !

Page 27
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Sachant que le délai moyen entre l’infraction et la décision du tribunal est supérieur à six mois pour les délits, ce sont parfois des personnes sorties de la délinquance qui se retrouvent en prison. […] Faut-il vraiment, au nom du besoin de punir, briser des parcours de vie en reconstruction ?
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Les journalistes ont une responsabilité colossale. Ils ont le pouvoir de faire monter le sentiment d’insécurité en mayonnaise et tourner au vinaigre la colère populaire. Ils ont aussi celui de vulgariser, de sensibiliser, d’éduquer. De faire preuve de justesse et de pédagogie. Ils pourraient informer davantage sur les conditions d’incarcération, sur la récidive et les freins à l’insertion en sortie de prison. Ils choisissent d’alimenter les fantasmes de l’opinion publique sur les figures des pires criminels. C’est un manque d’éthique honteux et une menace pour notre vivre-ensemble.
p. 73
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On ne peut pas construire notre politique pénale et carcérale sur 1,5 % de faits divers, aussi atroces soient-ils. […] Nous devons tous nous enfoncer cette donnée dans le crâne : ce ne sont pas les meurtriers, les violeurs ni les pédocriminels qui remplissent les prisons. Loin de là. Les infractions majoritairement sanctionnées par des peines de prison sont, dans l’ordre : les vols et recels (26 %), les délits routiers (19 %), les coups et violences volontaires (14 %), les infractions liées aux stupéfiants (13 %) et les outrages, rébellions et autres atteintes à l’ordre administratif et judiciaire (6 %). Oui, en France, on peut faire de la prison pour un délit routier, un vol en supermarché, une fraude aux transports en commun.
p. 25
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Parmi les agents du ministère de la Justice, on compte 28561 fonctionnaires chargés de la surveillance des prisons pour 4112 chargés de l’insertion des personnes condamnées. Résultat, la prison mène à bien sa mission de surveillance: on compte en moyenne moins de 20 évasions par an sur les dix dernières années. Mais toujours 59 % de recondamnations à la sortie de prison. Autre preuve que l’insertion est en réalité une mission très secondaire: l’absence totale d’évaluation. Le ministère de la Justice ne dispose d’aucune statistique sur les parcours d’insertion des personnes après la peine.
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