Ely M. Liebow nous avait enchantés il y a un peu plus de deux ans (pour la traduction française aux éditions Baker Street, en 2009 précisément) avec "L'homme qui était
Sherlock Holmes", ouvrage devenu depuis une quasi bible pour tout Holmesien qui se respecte, il récidive ici avec ce qui pourrait être une suite au précédent, qui peut se découvrir indépendamment il va de soi, mais l'un invite à la lecture de l'autre et vice versa, car Liebow est tout simplement passionnant et diablement passionné par son sujet.
Nous nous retrouvons donc à Edimbourg, en pleine deuxième moitié du XIXéme siècle, alors que la médecine progresse à grands pas (découverte de l'asepsie, de l'anesthésie etc...), en compagnie du fameux et brillant docteur Bell, celui-même qui inspira notre Sherlock et à des années de distance, j'en suis quasi certaine, le non moins fameux docteur House.
Mais si la science évolue vite, il n'en va pas de même des conventions sociales, loin de là, les préjugés restent immenses tant à l'égard des "gueux", entendez par là les pauvres qui de toutes façons ne sont bons qu'à s'abrutir au pub, qu'à l'égard des femmes relégués aux tâches ménagères et encore (leur cerveau est trop petit, parait-il, pour y receler la moindre intelligence, et tout juste à peine assez grand pour y contenir de l'amour).
Le docteur Bell s'était battu, quasiment littéralement, pour que les infirmières puissent accéder à une formation digne de ce nom, "Sept femmes contre Edimbourg" nous narre cette fois l'épopée d'un petit groupe de femmes qui eut l'idée totalement incongrue, pensez donc, de devenir médecins ! L'histoire part de faits réels, ces femmes, à la tête desquelles se trouvait Sophia Jex-Blake (l'une des premières femmes médecins du Royaume Uni) eurent à souffrir du rejet quasi viscéral des hommes, humiliations, brimades, violences, rien ne leur fut épargné....
Partant de cette histoire et en brillant spécialiste de
Sherlock Holmes,
Ely M. Liebow nous entraîne à sa suite dans les tours et les détours d'Edimbourg, braquant son objectif sur les plus pauvres, les misérables, les oubliés et les asservis de la "bonne société" édimbourgeoise. On a beau s'y attendre, avoir lu Dickens, on en reste tout de même pantois, et un peu ébranlé, si le sort fait aux femmes n'étaient pas très brillant, celui fait aux enfants pauvres ne l'était pas moins.... Et c'est là bien sûr que les médecins pouvaient agir, selon leur degré d'altruisme, et c'est là bien sûr que les femmes avaient toute leur place, et qu'elles se sentirent des fourmis dans les jambes devant toute l'étendue du travail à fournir, pour aider les plus pauvres et les.... femmes.
Et c'est là (également et encore) où Liebow est génial, il aurait pu se contenter de nous conter comme il sait si bien le faire et par le détail (expressions écossaises en sus, et des plus croustillantes) , la situation sociale, économique, sociologique des écossais de l'époque victorienne, mais suivant l'exemple de
Conan Doyle, il en profite pour nous entrainer dans une histoire policière (qui ne prend réellement son ampleur que dans la deuxième partie du livre, une fois le décor bien planté, il faut être patient, mais cela vaut le coup, croyez-moi), où les lettres anonymes, les oreilles coupées, les flèches empoisonnées, sont autant d'indices pour notre docteur Bell - Sherlock.
Qui peut en vouloir à ce point à des aspirantes étudiantes en médecine ? On a envie de dire, un peu sottement, pourquoi tant de haine ? Il y est bien sûr question d'intérêts, les hommes n'ont pas franchement envie de partager "le gâteau" que représente la médecine en pleine expansion à l'époque, comme ils n'ont pas envie que leur fameuse morale bourgeoise ne se fendille et laisse paraître les manquements, les mensonges, les grimaces de l'hypocrisie.
Un livre qui tout comme le premier se dévore, vous l'aurez compris, pour un peu que l'époque victorienne vous concerne, ou l'histoire de la médecine, ou celles des femmes, ou
Sherlock Holmes tout simplement....
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