Sur les traces d'un docteur hors du commun…
Il est rare de trouver une biographie aussi détaillée et pourtant si digeste et intéressante. C'est pourtant bien le cas avec L'homme qui était
Sherlock Holmes!
Cette biographie est, de plus, une exclusivité car c'est la première fois qu'elle paraît en France, à l'occasion du 150ème anniversaire d'un des plus célèbres enquêteurs de l'histoire, j'ai nommé
Sherlock Holmes.
Nous immergeant immédiatement dans l'Edimbourg du début du XIXème siècle, l'auteur nous abreuve d'informations sur la société de l'époque et des conditions de vie des habitants de la ville.
Il commence par nous présenter le Docteur Benjamin Bell, père de Joe Bell, le fameux médecin qui inspira Doyle bien plus tard. le contexte familial évoqué,
Ely M. Liebow s'attache à nous relater la vie du jeune Joseph Bell, ses choix de carrière, sa vie sentimentale également… On sait ainsi tout sur son passage à l'université et les matières qui y étaient enseignées à l'époque. Les professeurs et les futurs collègues de Bell nous sont présentés grâce à des anecdotes et autres documents d'époque. Lorsque Bell devient professeur à l'université de médecine, on décèle déjà des traits qui inspireront
Conan Doyle : « Chacun put voir qu'il apportait quelque chose d'exceptionnel aux élèves. Ce n'était pas simplement un professeur. Il mettait l'esprit au défi; il innovait; il insistait sur l'observation, l'intégrité, le professionnalisme. »
D'ailleurs, l'un de ses élèves n'est autre que sieur
Conan Doyle, qu'il choisit d'ailleurs pour l'assister! Notre écrivain aura donc tout loisir pour s'inspirer de l'esprit de déduction que possédait Joe Bell pour en faire un mythe… Bell agit d'ailleurs comme un vrai détective pour nombre de ses patients, notamment dans le cas de l'empoisonnement étrange d'une femme, et il va même se passionner sur le « cas » de Jack l'Eventreur!
Grâce à différentes anecdotes véridiques, l'auteur nous explique en quoi Bell est le modèle incontesté de Holmes. Par exemple,
Arthur Conan Doyle se rappelle une scène entre Bell et un malade :
« - Alors, mon brave homme, vous avez servi dans l'armée.
- Ya, monsieur.
- Libéré tout récemment?
- Ya, monsieur.
- Sous-officier.
- Ya, monsieur.
- En garnison à la Barbade.
- Ya, monsieur.
- Vous voyez, messieurs, expliquait-il, cet homme est très respectueux mais il n'a pas ôté son chapeau. Ce n'est pas l'usage dans l'armée mais il aurait appris à le faire s'il était libéré depuis longtemps. Il respire l'autorité et il est manifestement écossais. Quant à la Barbade, il est atteint d'éléphantiasis, une maladie antillaise et non britannique. » Tout cela semblait miraculeux à son public de Watson, jusqu'à ce qu'il l'explique, et alors tout devenait simple. Il n'est guère surprenant qu'après avoir étudié un tel personnage j'aie utilisé et amplifié sa méthode quand dans une vie ultérieure j'ai voulu construire un détective scientifique capable de résoudre des énigmes à l'aide de ses seules facultés. »
Ce sens inné de l'observation ne vous rappelle-t-il pas un célèbre héros? Et pourtant, comme le lecteur le découvrira dans l'épilogue, il y eut de nombreux détracteurs après la mort de Bell, qui ont férocement soutenu que
Conan Doyle s'était basé sur lui-même pour créer son personnage.
De nombreux documents sont pourtant là pour prouver le contraire. .. mais dans ce conflit littéraire, comme le dit sagement l'auteur dans sa partie « Remerciements » : « Peu importe au fond si le Dr Bell fut le ou seulement l'un des modèles de
Sherlock Holmes. La « méthode » qu'il inculqua à ses étudiants et à sa famille était fascinante, et sans l'ombre d'un doute c'est bien cette méthode qui devint le trait marquant du célèbre détective. »
Modèle de générosité, de loyauté, d'intégrité et de malice -comme on le voit dans un des portraits chinois qu'il avait accepté de faire - Joe Bell a eu une vie passionnante et le lecteur savoure sa riche biographie. Ne se contentant pas de raconter ses exploits médicaux, l'auteur a effectué un travail de recherche sur le statut des femmes et des infirmières à l'époque, ainsi que sur le traitement des enfants dans les hôpitaux au XIXème siècle. En plus de sa richesse, cette biographie est écrire dans un style simple et la lecture est émaillée de nombreux documents et photographies.
Alors que sort au cinéma un film sur
Sherlock Holmes, pourquoi ne pas revenir à la source et se laisser entraîner dans l'Edimbourg du passionnant Joseph Bell ?