Tragique, superbe, «
Confessions inachevées » est un livre perpétuel, un classique qui perdurera dans la nuit des temps. Cette histoire déchirante, belle de nuit, est à l'instar d'un film en noir et blanc. Insistante et grave, dramatique mais sans pathos. Ecrite en 1936,
Ye Lingfeng est projeté au coeur de son récit. Dès les prémices, l'auteur est au front des turbulences sentimentales. « Ah ! je savais que monsieur aimait acheter des livres, c'est pour ça que je l'ai attendu, quatre jours de suite. Mes efforts sont enfin récompensés. Permettez-moi de vous demander une faveur. » Han Feijun au préalable riche et esthète plus qu'une ombre devenue veut confier à Monsieur Ye (écrivain) (suivez mon regard) le mélodrame de sa vie. Han Feijun lui confie ses carnets exutoires, tracés indélébiles. Monsieur Ye va les lire. Dans cette transmission «
Confessions inachevées » semble l'immanence. La symbolique de la Dame aux camélias de
Gustave Flaubert. Nous sommes aux prémices du XXème siècle à Shanghai. Une femme Chen Yanzhu, avant-gardiste, danseuse côté ville, ose le pas de côté, affranchie. A contrario, en manichéenne posture, elle est de blessures et de solitude. de risques et de méprises, abandonnée, ivre d'hommes, d'éphémères chimères, fourrures jetées en pâture sur les trottoirs gorgés de pluie. Chen Yanzhu est fragile, happée par les lumières, foudroyée, femme fatale, femme brouillard. le romantisme à mille mille de son existence ployée comme un roseau. Han Feijun est fou d'amour pour cette femme torturée et inconstante. Jaloux, possessif, pris en tenailles entre l'éducation reçu par son père, la richesse de ce dernier qu'il dilapide pour le confort outrancier de Chen Yanzhu, le relationnel est un grand écart, l'évènementiel à fleur de peau. « Dans un avenir chimérique, le bonheur m'attendait déjà en battant des ailes. » Han Feijun est pris au piège sournois d'un amour impossible. le radeau de Géricault, gouffre abyssal. L'écriture est un charme qu'on effeuille page après page. le style romantique, en plein midi, socle, affûte les tragédies. On est en transmutation dans cette capacité d'irréalisme. Les entrechocs d'une littérature renouée de
Flaubert et
Ye Lingfeng. Han Feijun, Icare aux ailes brûlées, égaré, ruiné sera-t-il abandonné par Chen Yanzhu ? «
Confessions inachevées » est à l'instar des romans qui traversent le temps et restent graver dans nos mémoires. C'est un livre poignant, magistral, un camélia éternel retour. Traduit du chinois, annoté et postfacé par
Marie Laureillard. Publié par les majeures Éditions
Serge Safran.