L'amour à 10 sous: Le roman sentimental québécois de l'après-guerre

Paradoxe : je n'aime pas tellement lire des romances. En revanche, j'adore lire des ouvrages analytiques sur les romances, sur l'histoire et l'évolution de ce genre littéraire, sur ses différents sous-genres, sur ses façons de se réinventer après Me too, etc. Aussi étais-je bien intriguée par ce petit essai historique qui ne m'a pas déçue.

Au Québec, les années 40 et 50 ont été marquées par l'explosion des « romans à 10 sous », notamment sentimentaux. Les auteurices analysent la composition de ces ouvrages, les thèmes et tropes narratifs récurrents, et en quoi ils s'inscrivent dans l'époque à laquelle ils sont parus, même si (presque) tout le monde les a oubliés aujourd'hui.

Un point assez intrigant est de constater l'ambiguïté de ces romans à 10 sous, au potentiel à la fois rétrograde et libérateur. Les hommes et les femmes sont représenté·es dans des rôles genrés très stéréotypés et toute transgression des personnages à cet égard est vivement sanctionnée, afin que la morale reste sauve. Mais on observe aussi une volonté de s'émanciper d'un contexte social très centré sur la campagne et la religion : les jeunes gens rêvent de vivre en ville, de sortir le soir, etc., des comportements représentés positivement. L'Église, paraît-il, condamnait ce genre de publications. Or, aujourd'hui, on situe généralement l'émancipation collective des Québécois·es aux années 60, lors de la Révolution tranquille : une conviction régulièrement remise en question par certains ouvrages historiques, dont celui-ci, indiquant que les germes étaient déjà en place.

On a également droit à une analyse des couvertures et beaucoup d'entre elles sont reproduites en exemple tout au long de l'ouvrage. En plus d'ajouter d'intéressantes informations, cela aère beaucoup la lecture et la rend très agréable. Les auteurices semblent d'ailleurs avoir un gros faible (assumé) pour les illustrations de l'artiste André L'Archevêque, lequel aurait réalisé au total plus de 6000 couvertures en seulement douze ans!

Aussi, contrairement à certains ouvrages d'analyse pointue au style plutôt aride, celui-ci est particulièrement fluide et accessible. Les auteurices ont fait un gros travail de vulgarisation qui a porté ses fruits.

Une lecture instructive et passionnante!

Le commentaire de Martine :
Les romans d'amour populaires des années 1940-1950, mettaient en cause les bases et les fondements du Québec d'autrefois, cela brassait la nation et le catholicisme. Ces publications sont des histoires sentimentales québécoises du temps de la guerre et de l'après-guerre, des récits qui intéressaient vraiment la population et qui se vendaient dans les kiosques de journaux, mais pas en librairie.
Les romans d'amour populaire, étaient destinés aux 15 à 20 ans, les chercheurs de cet essai, démontrant que ce genre de publication ne répondait pas aux besoins des élites conservatrices, qui les contrariaient, les indisposaient, même les scandalisaient, car elles trouvaient que cela causait des répercussions sur la vie des couples.
De plus, les couvertures de ces feuillets avec des titres accrocheurs, des dessins qui attirent la curiosité, tout pour que le roman d'amour soit attirant, fascinant et séduisant afin de promouvoir les ventes.
Dans cette étude, on découvre comment les auteurs et dessinateurs arrivaient à mystifier et à romancer leurs publications.
Une lecture intéressante, qui permet de comprendre la réalité des histoires d'amour québécoises. Dans L'amour à 10 sous, on voit que le coeur et l'argent sont inséparables, indivisibles et insécables.
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