«
LUI à deux pas de moi »
J'ai dévoré en une nuit le roman de
Guyette Lyr
Quel feu dans l'écriture, quelle puissance d'amour est à l'oeuvre dans cette relation Père Fils –Fils Père qui enracine profondément le fils dans la vie.
Lui le Père dit : « Force un peu fiston ! Et les jours les plus durs avec le brouillard, le froid, les montées, Respire, large, prends ton temps, on s'entraîne, on a la vie, toute la vie devant nous ! »
Lui le fils
P13 « Et moi aussi je vais gagner, j'apprends à signer en suivant les jambages de sa grande signature. On s'ajoute lui et moi sur les pages de cahiers et sur les certificats de famille, ma mère, et ma soeur Jeannette s'ajoutent aussi. le grand V de Vialle nous prend tous les 4. »
« Son pas toujours en avancée, Allez on y va fiston ! Il marche le premier avec des enjambées si grandes que j'en compte trois pour en égaler une. Il est toujours plus loin dans un espace neuf, inconnu mais promis. le grand Vialle connaît l'endroit où la vie est faite à sa mesure et à la mienne, suffit de gagner en force et en poids, Courage , fiston, pas de mollesse ! Il faut se dépêcher, s'essouffler car au bout de la route, de la rue, de la fatigue, le lointain nous attend, c'est pas pour rien qu'on se démène, mon fils ! »
Moi lectrice je me laisse emporter dans ce torrent de vie. J'y crois. Je m'enracine aussi dans l'amour de ce Père là et ça me fait du bien. Plongée dans ma lecture j'entends, au pied de mon immeuble de la rue Saint -Maur, le tapage nocturne d'une bande de jeunes, tous des fils en errance, enivrés d'alcool, de drogue, n'existant que par le bruit abrutissant de leur moto, faute d'avoir rencontré aux heures de leur enfance un « Vialle » comme Père- repère. Alors j'imagine des lectures de ce roman-bombe d'amour filial dans les classes des quartiers dits défavorisés.
Et puis au cours du récit l'image idyllique de cette famille unie par l'amour et la force de vie d'un Père, commence à se fissurer sur les pièges tendus par le miroir aux alouettes du paraître et du consumérisme, où l'on croit que pour exister il faut « ressembler » à la norme, Il faut Avoir plutôt qu'Etre dans sa simplicité et sa singularité.
Au fil du temps du roman on comprend que côté « généalogie » tout n'est pas si simple. Alors la représentation de la filiation se diffracte et la dernière page se tourne, laissant en suspens le lecteur ...
Que reste t il de ma nuit de lecture ? Une immense bouffée d'amour, de force vie, qui fait revivre en moi l'archétype du Père aimant et structurant. et de superbes pages d'écriture. Une écriture d'une grande puissance qui est chair et musique, qui incarne la vie. Merci à l'auteur.
Nadine OUTIN