Ne parle plus…
— Ne parle plus de l’ombre, parle-moi de la nuit,
Ne parle plus de lumière, parle-moi du soleil,
Ne parle plus d’amour, parle-moi de caresse,
Ne parle plus de haine, parle-moi d’injure,
Ne parle plus de bonté, parle-moi du don,
Ne parle plus de beauté, parle-moi du regard,
Ne parle plus de paix, parle-moi du sourire,
Ne parle plus de tragédie, parle-moi d’enfants morts,
Ne parle plus de comédie, parle-moi du rire,
Ne parle plus de douleur, parle-moi des larmes,
Ne parle plus du désir, parle-moi des yeux,
Ne parle plus de famine, parle-moi du ventre,
Ne parle plus de moi, parle-moi de toi ;
Ne parle plus de la nuit, parle-moi de l’aube,
Ne parle plus du soleil, parle-moi de lumière,
Ne parle plus de caresse, parle-moi d’amour,
Ne parle plus d’injure, parle-moi de haine,
Ne parle plus du don, parle-moi de bonté,
Ne parle plus du regard, parle-moi de beauté,
Ne parle plus du sourire, parle-moi de paix,
Ne parle plus d’enfants morts, parle-moi de tragédie,
Ne parle plus du rire, parle-moi de comédie,
Ne parle plus des larmes, parle-moi de douleur,
Ne parle plus des yeux, parle-moi du désir
Ne parle plus du ventre, parle-moi de famine,
Ne parle plus de moi, parle-moi de toi ;
- Du silence naît la parole,
de lui elle se nourrit,
de lui elle reçoit ce qui la rend utile,
au silence elle confie ses déchets,
pour qu'il les recycle;
Du silence naît le rêve,
de lui il se nourrit,
de lui il reçoit ce qui le réalise,
au silence il confie ses scories,
pour qu'il les régénère,
Du silence naît la vie,
de lui elle se nourrit,
de lui elle reçoit ce qui la sacralise,
au silence elle confie ses restes,
dont la mort s'empare;
Je regarde…
— Je regarde,
je te regarde,
je regarde ton corps,
Je cherche à savoir
pourquoi et comment,
présent ou absent,
il irradie ma pensée,
mon sang et mes rêves,
Pourquoi, envahisseur accueilli,
il occupe mon corps,
mes émotions, mes gestes,
pourquoi et comment,
il m’a fait naître
une seconde fois,
Né de ton corps choisi,
mon corps se transfigure,
Je regarde ton corps,
non pas comme je regarde la mer,
ses nuances, du gris sombre
au bleu translucide,
dont je goûte la fraîcheur, la saveur,
dont je suis le flux et le reflux,
Non, je regarde ton corps,
comme je ressens le vent,
réel car invisible,
qui rafraîchit mon visage,
dessèche ma peau,
fait trembler les feuilles,
fait voler les oiseaux,
qui, s’il s’emporte,
abat qui lui résiste,
siffle, souffle, s’apaise,
est présent, actif, toujours,
sait aussi être discret,
imperceptible presque,
au point de n’être plus
que l’idée du vent,
Je regarde,
je te regarde,
je regarde ton corps,
je lui confie le mien,
je lui confie la maîtrise
de mon désir de vivre,
le pouvoir ultime,
de ma mise à mort ;
Ce que tu es, peu m’importe …
— Ce que tu es, peu m’importe,
que tu existes, seul m’importe,
j’ai besoin de tes rires,
j’ai besoin de tes larmes,
j’ai besoin de tes joies,
j’ai besoin de tes cris,
pour savoir que j’appartiens au monde réel,
Aucune idée ne vaut la chaleur de ton corps,
aucune image ne vaut la douceur de ta peau,
aucune parole n’a de sens si elle ne t’incarne,
le temps a commencé avec ta naissance,
le temps s’achèvera lorsque tu mourras,
Mon corps a besoin de ton corps,
par lui je connais ta pensée,
par lui seul aussi, mon âme
touche l’âme qui le contient ;
J’ai voulu modifier le temps…
— J’ai voulu modifier le temps,
brouiller les heures et les jours,
me souvenir des lendemains,
imaginer de possibles passés,
donner à chaque instant présent
l’imprécision de l’instant vécu,
l’attrait trouble de l’instant à vivre,
J’ai voulu modifier l’espace,
donner au lieu où je vis
la forme d’un lieu d’ailleurs,
confondre les éléments communs
à tous les paysages connus,
définir le lieu où je vis
ni par son nom ni par son histoire,
mais par le ciel, le vent, le froid,
la chaleur, la vallée, le fleuve,
la montagne, le rivage, la mer ;