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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce livre est à la fois un cri contre la dictature qu'était devenue l'Égypte de 1967 et une lamentation, le deuil des espoirs nés de la révolution de 1952 (*).

Illustré par une petite société de quelques personnages emblématiques, dont les histoires sont suivies par un narrateur qui reste moins engagé.

On voit ainsi comment la fougue et les idéaux de la jeunesse sont brisés par une répression aveugle. Entraînant malheur pour leurs proches et désillusion pour les autres personnages plus âgés.

Par une histoire très courte et apparemment très simple, il tape au coeur d'émotions fondamentales : l'amour, le pouvoir, l'avidité, le reniement, l'incommunicabilité.

La position du narrateur et la progression de l'intrigue par des dialogues rendent le récit extrêmement efficace. Ni développements psychologiques barbants, ni pathos exagéré.


C'est le premier Mahfouz que je lis qui allie son écriture simple et lumineuse (celle que je croyais réservée à ses ouvrages se déroulant dans un contexte historique ancien) à la chronique et critique de la société égyptienne contemporaine (dans des romans que je trouve habituellement plus lourd à lire).
J'adore.

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(*) Étonnant qu'il ait pu paraître en 1974 et être adapté au cinéma en 1975 dans l'Égypte d'Anouar El Sadate qui, s'il a fait basculer le pays de la sphère soviétique à l'influence américaine, était resté un héritier du régime nassérien. Il faut croire qu'il y a eu une relative libéralisation de la parole à cette époque, peut-être parce que la répression s'y recentrait sur les seuls islamistes.
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Quelque part en Egypte, aux alentours de 1965-66, dans un café : le Karnak Café, quelques personnages, comme dans leur brève vie de papier, passent et se livrent.

Après une coup d'Etat de 1952, tous les espoirs semblent permis et les idéaux sont légion. Chacun aspire au changement, pendant cette décennie la population oscille entre communisme et islamisme, démocratie à l'égyptienne et théocratie, s'inspirer du modèle occidental ou s'en éloigner. Puis il faut se positionner car d'un côté il y a les Américains, mais aussi les Israéliens et les Palestiniens. Qui est ami ? Qui est ennemi ? A-t-on seulement le temps de savoir ?
Révolution ou tradition ? Quelque soit le choix à adopter, il semble que l'intérêt de l'individu et sa recherche du bonheur fassent mauvais ménage avec la politique qui se résume en grande partie à la corruption du pouvoir et aux méthodes abjectes qu'elle utilise pour régner sans partage.
Les personnages de Naguib Mahfouz ainsi que ce café qu'il imagine comme leur quartier général, leur bulle placée hors du réel (ou presque...) apporte la légèreté dont chacun arrive encore à faire preuve malgré le contexte tragique... Enlèvement arbitraires, disparitions, absence de procès, tortures,...


Oublié au fin fond de ma PAL, les défis de lecture ont été une occasion de l'en extraire et quelle surprise ! J'ai été complètement transportée dans ce huis-clos très théâtral - que ce soit dans la mise en scène, l'économie de passages narratifs ou l'expressivité et la passion des dialogues. J'ai également été conquise par la plume de Naguib Mahfouz à la fois fluide, intelligente, poétique et efficace le tout avec une économie de mot et quelque chose d'envoutant, comme les conteurs arabes savent le faire !
C'est simple , j'ai lu ce petit roman (113 pages) d'une traite en tournant les pages s'en m'en rendre compte. J'étais comme une cliente oubliée au fond de ce café à les observer. En dépit du contexte des années 1960, j'ai trouvé ce texte très actuel et plein de vérité. Etonnant que ce récit n'ait pas été adapté sur les planches.

Un auteur que je relirai, c'est certain !
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Ce petit roman est un coup de coeur pour moi.
L'histoire se déroule en Egypte, dans un café, où se retrouvent aussi bien les anciens pour jouer aux cartes, que plusieurs étudiants aux idées révolutionnaires.
C'est d'ailleurs de trois d'entre eux dont il s'agit.
Après une première disparition, il réapparaissent amaigris, tristes et beaucoup moins virulents quant à leurs idées. Cela ne fait aucun doute, ils ont été enlevés par les renseignements égyptiens et interrogés, voire intimidés.
Et des disparitions, il y en aura d'autres par la suite...
Le récit se compose de quatre parties.
La première est la version des faits vues de l'extérieure : les disparitions, es quetionnements, l'attente au café de leur retour, les angoisses...
Les trois dernières partie concernent la version de chacun des trois étudiants enlevés.
L'écriture de ce roman est superbe (comme tous les romans de Mahfouz), douce, juste, poétique et délicate, parfaite pour traiter d'un sujet si dur que la liberté d'expression et la censure en Egypte.
Les thèmes de l'humanité, de la liberté, de la construction de soi dans un pays en révolution sont au centre de ce roman.
J'ai vraiment adoré cet ouvrage qui ne peut qu'interpeller et pose les questions suivantes:
"La violence et la torture pour défendre la liberté sont-elles acceptables?"
" Jusqu'où peut-on aller sous prétexte que l'on défend la révolution de son pays?"

Un livre à ne pas manquer!
Lien : http://leslivresdagathe.over..
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(29/05/2016)

Les personnages principaux sont des étudiants idéalistes qui ont pour tort d'être communistes. Sans qu'ils ne comprennent pourquoi, ils furent jetés en prison et soumis à de terribles sévices.

Le livre, très court, revient sur la peur, l'angoisse, la désillusion et la tristesse qu'engendrent ces arrestations dans le microcosme du café Karnak, en décrivant ainsi les sentiments qui peuvent parcourir toute la société égyptienne dans cette ambiance de répression, d'espionnage, d'arbitraire et d'inhumanité suscitée par la dictature.

J'aurais aimé que le livre soit un peu plus long et qu'il revienne aussi sur la répression des militants islamistes qui ont été victimes des mêmes horreurs que les communistes. Mais le choix peut se comprendre car la répression des militants communistes illustre encore plus l'arbitraire de la dictature puisque les communistes réprimés pouvaient encore moins se douter qu'ils seraient persécutés par le pouvoir. le régime du "grand" Nasser proclamait en apparence les mêmes idéaux "modernistes", nationalistes et collectivistes.

Le film extrait du livre vaut le coup d'être vu. Dans le livre, tout est dit par allusion alors que dans le film, le propos est encore plus brut donc choquant. Il a été censuré sous Nasser et autorisé sous Sadate, qui se présentait comme un dirigeant "libéral" contrairement à Nasser. Bien évidemment, il n'en était rien, et on est encore plus triste pour les EGyptiens en songeant que de Nasser à As-Sissi, c'est toujours la même tyrannie, les mêmes injustices, les mêmes tortures, et que tous les Egyptiens sont susceptibles d'en être victimes .
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Voici un court roman si riche d'enseignement et d'amour, l'auteur Naguib Mahfouz peint son pays à travers quelques personnages ou l'amour reste en apesanteur dans cette atmosphère lourde et oppressante. L'auteur Égyptien, prix Nobel de la littérature en 1988, est l'ambassadeur historien de son pays, dans ce réalisme littéraire comme l'avait été Émile Zola et Dostoïevski, il a aussi ce romanesque faisant écho à d'autres auteurs comme Charles Dickens, Honoré de Balzac et Léon Tolstoï. Karnak Café écrit en 1971 se trouve dans la période réalisme de l'auteur, sous fond de rencontre de comptoir, distille une atmosphère post révolution de méfiance et d'espoir déchu.

Le roman débute dans un vagabondage inattendu, une montre cassée, le temps suspendu pour cette rencontre fortuite d'un café, celui du titre du livre, le Karnak Café. le narrateur reconnait dans la patronne une ancienne danseuse orientale, l'étoile de l'Imad Addine, Qurunfula, la star des années 40, de ces souvenirs une tendresse émouvante habille cet homme, encore surpris par la beauté de cette femme malgré son âge. Happé par l'ambiance de cet estaminet, notre narrateur va faire connaissance de tous ces habitués pour se lier d'amitié avec certains et être le confident pour d'autres. le pays est dans l'espoir de la révolution de 1952, de cette révolution porteuse de changement et de beaucoup d'espérance, surtout pour la jeunesse, nous sommes surement autour de l'année 1967, juste avant le conflit israélo-arabe, à la fin du roman, l'Égypte est dans la tourmente avec Israël, c'est cette spirale qui va gangréner la géopolitique de la région, d'ailleurs en 2024 le génocide des palestiniens reste la pire horreur non dénoncée par des occidentaux prisonniers d'un aveuglement d'idéaux sociétaux et financiers.

Naguib Mahfouz structure son roman en quatre chapitres distincts, chacun portant le titre d'un personnage du café, Qurunfula, Ismaïl al-Shaykh, Zaynab Diyab, et Khalid Safwan, les trois premiers sont des habitués parmi eux la patronne, Qurunfula, Ismaïl al-Shaykh, un étudiant en droit, comme Zaynab Diyab sa petite amie, ils sont du même milieu social, étouffée par les traditions et la misère qui les noient dans un précipice inévitable, les éloignant l'un de l'autre par cette malédiction des conséquences de la terreur qui suit une révolution et de la cupidité virale qui infecte la pauvreté des âmes misérables ! le dernier n'est pas un habitué, un homme de passage, un homme faisant partie de la terreur, un homme brisant les rêves de ce jeune couple d'étudiant, un homme sans charité, sans compassion, un homme sournois et machiavélique à la solde d'une cabale contre la multiple pensée, pour la linéarisation de l'expression et de cette pensée unique, comme dans une dictature. La peur anime cette forme de terreur, comme celle que nous vivons actuellement dans notre France monarchique d'un Macron roi et de sa gouvernance de ploutocratie. Je m'éloigne un peu du livre, mais je m'aperçois que rien ne change au fil de notre histoire, Naguib Mahfouz s'interroge de la façon dont les hommes abusent du pouvoir, et de leur forfaiture à oeuvrer dans l'abus.

Le roman s'articule beaucoup autour de l'amour, ce sentiment qui véhicule l'espoir et aussi la folie, les personnages ont de l'amour en eux, comme Qurunfula, dans sa jeunesse, l'amour sincère lui a permis d'être tranquille face à l'agitation du monde du spectacle auquel elle appartenait, comme celui qui l'anime avec l'un des étudiants de son café, une relation qui la consume de l'intérieur tout en lui donnant l'énergie de sa jeunesse passée, il y a aussi ce jeune couple d'étudiant, s'aimant dans une société clivée par les traditions, les filles, promissent à des hommes par leurs familles, devant garder leurs vertus afin d'éviter le déshonneur, je n'oublie pas ce livre de Chahdortt Djavann, Les putes voilées n'iront jamais au Paradis ! de 2016, racontant la déchéance de ces femmes avec leurs vertus volées.

Naguib Mahfouz, avec ce roman compact, dévoile l'atmosphère d'une Égypte en transition, basculant dans le monde vers des choix importants pour son avenir, où la population se devise sur la politique extérieure à adopter, cette géopolitique du monde Arabe, avec Israël, les États-Unis, la Russie, la religion musulmane en pleine expansion et se divisant vers un intégrisme violent et devenir un pays avec une parole forte par sa puissance. C'est un roman qui nous aspire vers une période instable de l'Égypte et nous éclaire beaucoup sur la mutation fragile de ce pays tiraillé par tant de discorde et d'alliance opposante. Cet auteur fût censuré, comme le film tiré par ce roman, c'est la liberté que tente souvent à être bâillonnée par une minorité pour museler la vérité dérangeante de leur inaptitude à diriger pour le bien de leur pays !
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Ce livre court est une fenêtre ouverte sur un pays, une période, une histoire, une culture Par cette fenêtre étroite le lecteur embrasse le point de vue de Naguib Mahfouz, lui même observateur plus que protagoniste, mais ce n'est pas une observation froide ou clinique qu'il nous livre mais un regard bienveillant et engagé.
Le lecteur apprend à aimer cette micro société des habitués du café Karnak et les personnages, jouets brisés du flot de l'histoire et de leurs idéaux.
Comme c'est le cas de l'immeuble Yacoubian, Karnak Café nous rend très attachants ces personnages ordinaires et populaires d'une Égypte moderne souffrant de ces contradictions et de la violence du régime.
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J'adore Naguib Mahfouz. Ce n'est un secret pour personne (du moins ceux qui sont abonnés à mon blog de littérature africaine). C'est un écrivain qui sait si bien parler des différentes époques de son pays. Des gens dont personne ne se soucie. Ce qu'il fait, encore, dans ce roman. Il a toujours posé un regard acéré, sans fard, sur la société qui l'entourait. Un regard qui lui a valu quelques soucis avec le pouvoir politique de son pays. Qurunfula, ancienne danseuse populaire, a ouvert un café où se retrouvent d'anciens fans et des jeunes qui représentent l'espoir de l'Egypte. En toute apparence. Ce petit monde vit en vase clos.

Le Karnak Café est un microcosme qui représente le peuple égyptien et son histoire. Les jeunes étudiants sont ceux qui reprendront le flambeau de la politique. du moins, c'est ce que tout le monde pense. Les anciens sont le passé traditionnel et historique de cette Égypte qui se complait dans un monde envoie de disparition. Ce café, bien que situé dans un quartier populaire, représente le pays avec son futur cornélien. Tandis que ses habitués représentent le peuple pris entre deux feux: La révolution de 1952 et le mouvement des frères islamistes. Qui paye le prix de cette dichotomie? Les jeunes étudiants qui révent de renouveau avec une ferveur égale à leur soif d'indépendance, de changement. Les autres? Ils savent manier le profil bas. Finalement, les repères se perdent et l'amertume, le désarroi voient le jour et s'incrustent dans le quotidien. Ainsi que le climat de suspicion qui entrave les discussions.

Les écrits de l'auteur lui ont souvent valu des problèmes avec les autorités. Avec la censure. Ce à quoi n'a pas dérogé ce roman. Nous découvrons une Égypte au temps de la Guerre des Six Jours. Une époque où tout citoyen égyptien devait afficher son lien avec le gouvernement régnant. Ce café représente le peuple égyptien perdu par les actes des nouveaux gouvernants. Un peuple qui ressasse la même chose car il a perdu tous ses repères. Parviendra t-il à retrouver l'estime d'elle -même? Restera t-il abîmé définitivement? Malgré toutes les violences subies, le peuple retrouvera t-il sa confiance envers ses dirigeants? A travers Karnak Café, un peuple tente de se chercher. de se trouver. Mais, dans quel état?
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Ce livre nous raconte le mal être de la jeunesse cairote des années 1960. L'État essaie de tout contrôler et les répressions policières sont violentes. Ce texte est complétement d'actualité avec le Printemps arabe de 2011.
Sur le même thème vous pouvez aussi lire "l'immeuble Yacoubian" d'Alaa al Aswani
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