Après un étrange
Indridason islandais, voici une autre curiosité avec ce déroutant Mankell suédois. Et ici, avec
le Chinois, on ne peut guère accuser l'éditeur de récupérer des fonds de tiroir pour surfer sur la succès de romans plus récents : le bouquin date de 2008 et résonne presque comme, sinon un testament, du moins un témoignage de notre fameux
Henning Mankell.
Ça commence plutôt bien avec un massacre inexplicable dans un petit village suédois. Tout le village y est passé, plusieurs maisons, plusieurs familles.
Et puis comme
Indridason, Mankell abandonne son Wallander fétiche et nous voici accrochés aux basques de deux dames : une fliquette un peu bourrue et une juge qui voudrait en savoir plus (elle a de vagues relations familiales avec les victimes de l'une des maisonnées du village).
Mais bien vite Mankell abandonne les traces de la fliquette (dommage, on s'y attachait) et nous emmène ... à la fin du XIX° siècle avec les coolies chinois (joli mot pour esclave, non, coolie ?) qui construisaient le chemin de fer de l'Oncle Sam.
Une échelle de valeurs assez rigoureuse régit alors la société progressiste américaine de l'époque : tout en bas les noirs, un peu au-dessus (à peine) les chinois et juste un cran plus haut les rares indiens qui restent. Les contremaîtres viennent d'Europe, parfois de Suède. Alors oui, on comprend bien vite que le massacre de 2008 est certainement une vengeance posthume (plusieurs fois posthume) de la famille San.
Ces chapitres de chinoiseries western ne sont pas les meilleures pages de Mankell, disons-le. On se demande bien pourquoi on s'enlise ainsi dans ce long flash-back pas très heureux. Plus tard il emmènera même la juge suédoise à Pékin pour d'autres chinoiseries plus modernes mais pas mieux venues. Alors quoi ?
Où veut-il en venir l'ami Mankell ? Parce qu'on se doute bien qu'il y a hareng sous la Baltique ...
On le connaissait amoureux de l'Afrique en général et du Mozambique en particulier, alors qu'est-il venu faire en Chine ?
Et puis bientôt on découvre enfin le véritable propos de ce bouquin. Qui finira évidemment au Mozambique. Ah !
Le bouquin ne mérite guère le titre de polar, l'intrigue policière n'est qu'un vague prétexte vite délaissé, le roman de Mankell est presqu'un essai de géopolitique (on avait dit : testament ou témoignage).
Sa thèse nous montre les chinois d'aujourd'hui (ou de demain matin) prêts à néo-coloniser les terres d'Afrique pour y déporter ses trop nombreux paysans pauvres que le modèle socio-économique chinois peine à satisfaire. L'Afrique personne n'en voulait plus, l'Empire du Milieu a des paysans à ne plus savoir qu'en faire, l'équation est simple.
Depuis 4 ou 5 ans, la vente de terres agricoles à des états ou consortiums étrangers explose en Afrique : l'Egypte achète des terres en Ouganda et au Soudan, Daewoo a failli obtenir un leasing sur la moitié de Madagascar, l'Italie et la Malaisie rachète l'Ethiopie, la liste s'allonge de jour en jour ...
Les cultures sont généralement extensives et destinées ... à l'exportation, évidemment. Les éthiopiens n'auront pas plus de riz qu'avant. Peut-être un peu de travail (donc un misérable salaire pour ... racheter trop peu de leur propre riz ?) sauf si la thèse de Mankell se vérifie et que les paysans sont chinois ...
Bien sûr on comprend bien que Mankell cherche à défendre son Afrique contre une troisième vague de colonisation mais malgré ses 500 pages, sa thèse a vraiment des relents nauséabonds de péril jaune et la démonstration est vraiment un peu courte.
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