« Neige gelée, grand froid. le coeur de l'hiver. » (p.11). En ces premiers jours de janvier 2006, un silence glacial s'est abattu sur Hesjövallen, un petit village suédois. C'est ce que va découvrir fortuitement un homme de passage qui photographie des villages fantômes et des hameaux en train de se dépeupler. L'objet de ses photographies résonne tragiquement – absurdement ? – avec le drame qui s'est abattu sur le village : la plupart de ses habitants ont en effet été sauvagement assassinés. le meurtrier a cependant laissé une épitaphe dans la neige : un ruban de soie rouge. Un fil ténu, dont va s'emparer Birgitta Roslin – juge suédoise – pour essayer de tricoter une vérité. C'est vers une piste chinoise que ses pas la mènent…
J'ai eu le plaisir de découvrir ce policier nordique grâce à Babelio et à son opération : « Jury policiers Seuil/Babelio ». Un grand merci pour cette belle opportunité qui m'a permis de lire le dernier
Henning Mankell, auteur suédois de renom, dont j'avais déjà lu d'autres policiers, notamment de la série des Kurt Wallander.
Contrasté : c'est le mot qui me semble résumer ce livre et qui m'est apparu aux 2/3 de ma lecture. «
le Chinois » m'a semblé jouer sur les contrastes entre divers pays, divers continents, au niveau historique, culturel, mais aussi climatique.
Henning Mankell transporte son lecteur d'une contrée à une autre : la Suède, tout d'abord, pays du froid et théâtre d'un massacre sans précédent : c'est ainsi que s'ouvre l'ouvrage. La Chine, ensuite. Puis les Etats-Unis avec le désert du Nevada. L'Afrique qui frappe les protagonistes par sa chaleur dense. Enfin, Londres et son quartier chinois : Chinatown. Contraste géographique, donc, mais
Henning Mankell joue aussi avec le contraste des époques : la première partie est contemporaine et suédoise. La deuxième nous emmène vers la Chine du 19ème siècle. L'auteur nous conte l'histoire de 3 frères emmenés contre leur gré aux Etats-Unis pour participer à la construction de voies de chemin de fer dans le désert du Nevada. La narration m'a semblé changer du tout au tout, donnant l'impression d'un conte initiatique, au ton un peu naïf. Mais ce changement d'époque donne tout son sens à la suite. Contraste, enfin, au niveau des histoires qui s'entremêlent : le meurtre collectif du début, en Suède, l'histoire dramatique des 3 frères chinois qui deviennent esclaves aux Etats-Unis, l'histoire d'un homme puissant et dangereux dans la Chine actuelle. L'histoire d'une juge suédoise, Birgitta Roslin, fil conducteur de l'intrigue qui s'empare du seul indice laissé par le(s) meurtrier(s).
Contrasté : ce mot s'applique aussi à mon avis sur ce policier nordique. J'ai beaucoup aimé la première partie suédoise où j'ai retrouvé ce que j'avais aimé dans des Mankell lus précédemment («
La cinquième femme », «
L'homme qui souriait », par exemple) : le froid, le silence glacial qui inaugurent un drame, un suspens qui avance pas à pas, des indices ténus, la quête d'une vérité qu'on pressent mais qui file toujours entre les doigts, des personnages qui se cherchent, se questionnent, hésitent, doutent… La deuxième partie (Chine, puis Etats-Unis, 19ème siècle) m'a surprise au niveau du changement de style narratif : si l'histoire est captivante, le ton un peu naïf m'a déplu. Dans la troisième puis la quatrième partie, j'ai trouvé que certains passages étaient longs, notamment quand l'auteur raconte l'histoire de la Chine et sa politique actuelle : je n'aime pas trop, dans les romans, ce genre de considérations. Mais d'autres lecteurs peuvent aimer ces propos qui visent sans doute à ce que s'opèrent des prises de conscience. Dans la toute fin, le suspens revient, Birgitta Roslin est de nouveau le personnage central et se confronte au « Chinois ». Dans l'épilogue, une boucle est bouclée : « L'automne approchait dans le Norrland. Lentement, on s'y préparait pour un long hiver » (p. 557)
Un policier intéressant, bien écrit, qui m'a semblé cependant un peu inégal. Ainsi s'achève, avec ce policier nordique, ma participation au jury Policiers Seuil / Babelio. Un grand merci aux Editions du Seuil et à Babelio pour cette belle opportunité !