Indéniablement,
Henning MANKELL fait partie de ces auteurs dont on attend chaque roman non sans une certaine impatience. Son précédent livre, «
L'homme inquiet » avait marqué un tournant dans son oeuvre littéraire, une histoire en forme de point final pour les aventures de son personnage fétiche, Kurt Wallander, auquel le lecteur avait su s'attacher au fil du temps et dont il aimait à partager ses aventures et ses états d'âme au fil des pages.
Bien conscient qu'au bout du chemin littéraire une séparation douloureuse l'attendait, le lecteur s'était malgré tout enthousiasmé pour cette dernière aventure.
Mais depuis, son impatience et sa curiosité ne cessait de le tarauder. Où
Henning Mankell allait il bien pouvoir maintenant l'emmener? Dans quelle contrée, vers quel horizon allait se tourner sa plume ? Quel nouvel univers allait-il esquisser ?
Avec «
le chinois » tout juste sorti des presses au mois d'octobre, sa curiosité est enfin satisfaite !
Le voilà tout d'abord à découvrir un nouveau personnage, féminin celui-ci, en la personne de Birgitta Roslin, juge de son état qui officie dans la commune d'Helsingborg. Mariée à Staffan , son couple connait cette lassitude d'une vie commune qui s'enlise sans crier gare dans une routine qui engourdit progressivement les sentiments . Si l'amour n'a pas disparu, il est devenu une rivière souterraine qui peine à retrouver le chemin de la lumière et l'impétuosité des premiers jours.
De cette situation Birgitta en souffre. Au point de s'assommer de travail, de mettre à mal sa santé morale et physique, au point de se retrouver en arrêt maladie.
C'est alors qu'elle découvre dans les médias l'annonce d'un véritable massacre qui a été perpétré dans un village. Dans ce petit bourg paisible, 19 personnes ont été assassinées à l'arme blanche dans leur maison, au coeur de la nuit. Pire encore, le bourreau semble s'être acharné sur les victimes en les torturant avant de les mettre à mort. Tous, sauf une victime, un enfant, assassiné sans souffrance.
Ce village, Birgitta le connait. Et cette maison qu'elle regarde en photo où s'est déroulée une partie du drame, ne lui est pas inconnue. C'est celle où sa mère a grandi. Profitant de son congé de maladie, elle décide de se rendre sur les lieux.
C'est le début d'une histoire complexe qui va brasser les pays et les époques, mêler les personnages, avec pour point de départ un ruban trouvé sur les lieux, petit fil anodin à partir duquel le lecteur va dérouler la pelote narrative de ce roman qui porte en filigrane la marque froide du sceau de la vengeance.
Henning Mankell embarque son personnage principal et son lecteur dans un jeu de bascule temporelle et géographique qui le conduit de l'époque de la construction des chemins de fers aux USA au XIXe siècle, à l'Afrique émergente convoitée pour ses ressources, avant de les ramener à la Chine moderne , en pleine expansion économique et soucieuse de son leadership.
Mais là où l'alchimie avait parfaitement fonctionné avec «
La lionne blanche », ici celle-ci n'opère pas. L'auteur n'a certes rien perdu de sa qualité d'écriture. La première partie du roman est même captivante.
Mais à la longue on décroche, on se perd.
Une histoire de vengeance qui traverserait le temps et les générations qui laisse dubitatif.
Des personnages parfois caricaturaux, une conception trop manichéenne des choses, à l'image de ces responsables politiques chinois que nous découvrons dans le roman.
D'un côté les « bons » communistes conscients des erreurs du passé mais fidèles à l'idéal de Mao , qui garderaient à l'esprit l'intérêt du peuple, à l'image du personnage de cette jeune Hong, sage et douce , comme pouvait l'être cette Chine ancestrale et immuable inscrite dans notre imaginaire collectif.
De l'autre, des dirigeants investis dans les affaires et assoiffés de pouvoir et d'argent représentés par un personnage froid , brutal et calculateur , dépourvu de sentiment , qui fait fi du passé, et prêt à tout pour parvenir à ses fins.
Au coeur de ce combat à mort entre les tenants de ces deux conceptions de la Chine, des projets comme celui souhaité en Afrique. Un projet rocambolesque qui fini d'enlever au roman sa crédibilité.
Mais tout n'est pas à rejeter dans ce roman. Certains passages s'avèrent passionnants comme celui qui concerne ces jeunes chinois envoyés de force aux Etat Unis assurer l'expansion des monstres de fer en s'échinant sur les voies en construction.
La peinture de certains personnages est emplie d'humanité, ce qui les rend attachants, quand d'autres par contre sont foncièrement détestables.
Mais ces qualités ne sont pas suffisantes pour en faire un bon et grand roman.
Henning Mankell est un citoyen du monde engagé. Il l'a démontré à plusieurs reprises en prenant des positions fortes et courageuses. Écrire un roman policier en embrassant une vision politique du monde dans lequel évoluent ses personnages n'est pas chose aisée et en l'occurrence pour moi
Henning Mankell s'y perd à s'y essayer.
Dénoncer la mainmise croissante de la Chine sur les matières premières des pays émergents, l'exploitation des plus pauvres par les plus riches, l'emballement de cette Chine lancée dans une course effrénée au développement économique, rien de bien nouveau dans le monde merveilleux de notre humanité.
Au final je n'ai pas été convaincu par ce roman qui se voulait trop ambitieux. Sans doute un roman transitoire dans l'oeuvre d'
Henning Mankell . Pour autant, on conduit sa lecture à terme sans malgré tout véritablement regretté de l'avoir commencé.
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