AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Charles Wolff (Traducteur)
EAN : 9782246366232
270 pages
Grasset (13/02/2008)
3.81/5   40 notes
Résumé :
L'Ange bleu, c'est ce café fréquenté par des matelots et des écoliers dévoyés où se produit Lola Frölich. Le professeur Unrat, abandonnant sa traduction d'Homère, s'y aventure un soir pour son malheur. Entre un vieux pion en butte aux sarcasmes de toute une ville et la chanteuse de beuglant naît cette chose lamentable, innommable, qu'il faut bien pourtant appeler de l'amour. Avec Professeur Unrat, Heinrich Mann a donné le plus étrange et le plus captivant des romans... >Voir plus
Que lire après Professeur Unrat (L'Ange bleu)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Professor Unrat oder Das Ende einen Tyrannen
Traduction : Charles Wolff


Voici un roman zolien. Zolien mais non naturaliste : "Professeur Unrat", qui n'a pu échapper dans cette édition au sous-titre "L'Ange Bleu", tient plus de l'école réaliste, sans ces emportements de mots, ces vagues de descriptions quasi palpables qui caractérisent Zola et le rendent, d'ailleurs, inimitable. Avant de vous y plonger, préparez-vous aussi à faire le vide, cinéphiliquement parlant : car "Professeur Unrat" n'a pratiquement rien en commun avec "L'Ange Bleu" de von Sternberg.

S'il fallait absolument établir un lien cinématographique avec l'oeuvre d'Heinrich Mann, ce serait aux images sautillantes et inquiétantes du "Cabinet du Docteur Caligari" et, de façon générale, à l'atmosphère si difficile à décrire qui hante les grands films expressionnistes de la UFA - là où certains ont vu la prémonition de la tempête nationale-socialiste, prête à s'abattre sur le pays tout entier pour tenter de lui arracher son âme - qu'il conviendrait de se référer. Dès les premiers chapitres, l'errance d'Unrat, à la recherche de cette Lola Fröhlich qui, selon lui, a perverti ses élèves et complote d'en pervertir beaucoup d'autres, se déroule dans une ville dont les ténèbres et les lumières évoquent la cité hanséatique chère au Murnau de "Nosferatu" ou les fêtes foraines choisies par Paul Leni et Robert Wiene pour y faire évoluer leurs assassins.

Le film de Sternberg, lui, bien qu'inoubliable, n'appartient pas à cette famille. le monde en décomposition qu'il restitue est celui du cinéaste, si fasciné par sa relation avec la Femme que c'est cette relation, et non celle de l'Unrat original, qu'il reproduit. La Lola-Lola interprétée par Marlène Dietrich, qui exhibe ses jambes et ses porte-jarretelles coquettement juchée sur un tonneau, est le prototype même de la garce sans grande imagination, qui domine l'homme parce que celui-ci, déjà faible par nature, aime en outre à se laisser dominer. de plus, les conventions de l'époque voulaient une fin morale et le retour d'Unrat-Emil Jannings dans son ancienne classe, sa façon un peu trop démonstrative de s'affaler, en larmes, sur son ancien bureau, n'est là que pour satisfaire le censeur et une certaine partie du public. Mais tout cela, il faut le répéter, n'a rien de commun avec le roman d'Heinrich Mann dont Sternberg n'a retenu que le nom du héros, probablement en raison du jeu de mots qu'il autorise en langue allemande.

Ce qui étonne certainement le plus dans la lecture de "Professeur Unrat", c'est que le personnage féminin central, baptisé Lola Fröhlich par son créateur, finit bel et bien par tomber amoureuse du professeur Raat - que l'on surnomme "Unrat"(= ordure) depuis si longtemps que personne ne sait plus très bien qui fut le premier à le faire. Pendant la seconde moitié du roman, Raat, que l'on a démis de ses fonctions professorales en raison de sa liaison, et Lola, devenue très officiellement son épouse, forment un couple aussi surprenant qu'impitoyable. En effet, la haine ressentie par l'ancien professeur envers à peu près toute la ville le conduit, après son union avec Lola, qu'il domine tant moralement que physiquement, à tenir table ouverte et à y attirer, grâce à la beauté de sa femme et sa science de se faire désirer sans jamais accorder grand chose en retour, tous les notables. Ceux-ci paient toutes les dépenses du couple et, le peu qui reste dans leurs poches, ils le perdent avec enthousiasme aux tables de jeu installées chez leurs hôtes.

L'enseignant proche du rat teigneux et trop souvent incontrôlable dans ses colères que Mann nous présentait dans les premières pages de son livre s'est transformé en un homme froid, calculateur, qui accepte désormais sans broncher qu'on l'appelle "Unrat" et ne vit plus que pour deux sentiments : sa passion pour Lola et la misanthropie obsessionnelle qui guide sa vengeance.

Subsiste cependant en lui un talon d'Achille qui finira par le perdre : la certitude - d'ailleurs infondée - que sa Lola est amoureuse depuis toujours de Lohmann, l'un des élèves dissipés par l'intermédiaire de qui il a rencontré la jeune femme. Les trouvant un jour en conversation dans son propre salon, alors que Lola avait promis de ne jamais recevoir le jeune homme, l'ancien professeur voit rouge et se précipite pour tuer sa femme. Ce qui n'empêchera pas celle-ci de le suivre dans le panier à salade qui les emporte peu après tous les deux vers la prison de la ville ... La fin est d'ailleurs ouverte et l'on peut s'imaginer que, après un bon sermon ou une brève condamnation, le couple infernal reprendra du service, ici ou ailleurs.

Irrésistiblement, cette description d'une passion si absolue qu'elle mène celui qui la ressent, pourtant homme cultivé et au caractère fort, à la déchéance sociale, puis à la prison et, dans le meilleur des cas, à la continuation d'une existence de couple plus ou moins vouée à un proxénétisme mondain, fait songer à Zola. C'est encore à Zola qu'on songe lorsque Mann oublie tout bonnement de nous expliquer ce que Lola, jeune et pleine de vie, peut bien trouver à son vieux professeur amateur de grec dans le texte. On est d'autant plus perplexe que, en ce qui concerne les sentiments des autres personnages, l'auteur se montre bien plus prolixe lorsqu'il s'agit de les expliciter.

En dehors de cela, le style se cantonne à un réalisme tranquille : ni peu, ni trop de descriptions, des phrases simples, un langage à la portée de tous. Oui, on est loin de la perversité alambiquée et somptueusement glauque de Sternberg et Dietrich, perversité qui ne recouvre en fait qu'une situation banale : un homme trop âgé, d'un certain milieu, déchoit par amour pour une garce de café-concert, beaucoup plus jeune que lui et qui ne voit en lui que son portefeuille.

Au cinéma, le clinquant, les paillettes et l'apparence, au roman la profondeur et le mystère des passions humaines. Lisez "Professeur Unrat" et découvrez qu'Heinrich Mann n'avait rien à envier à l'auteur de "La Montagne Magique." ;o)
Commenter  J’apprécie          30
Un roman placé sous le signe de la causticité. C'est la critique d'un professeur, dans l'Allemagne du début du XXème siècle, un professeur décrit comme un tyran frustré , qui s'attise la haine de ses élèves. le roman va retracer la déchéance lente mais inexorable du professeur suite à sa rencontre avec une chanteuse. le professeur va devenir un expert dans le maniement des costumes de scène et va se plier aux caprices de la chanteuse Rosa qu'il idolâtre.
Un roman noir qui donne une représentation lucide d'un professeur tyrannique parce que faible, risible parce qu'infatué de lui-même, pitoyable parce que victime de son aveuglement. A travers Unrat, Heinrich Mann brosse un portrait grinçant d'une certaine classe qui aspire à la réussite sociale et défend pour cela les valeurs d'ordre et d'autorité.
C'est le roman qui a inspiré le célèbre film « L'Ange bleu » avec Marlene Dietrich.
Commenter  J’apprécie          70
Satire sinistre mais tellement vraie, sur les liens étroits entre milieu du spectacle et de la prostitution. Avant le cinéma parlant, la plupart des actrices étaient des filles de joie, tout comme les modèles des peintres.

On sait que fréquenter ce milieu de trop près n'a pas réussi à Vincent van Gogh, la pire chose qui puisse arriver à un homme, c'est bien de séduire une dame qui n'est pas faite pour un seul homme, et pour qui la notion d'amour n'a rien de poétique mais se restreint aux exigences du ventre, on est loin de l'invitation au voyage de Baudelaire (ou même du gaz de Jacques Brel qui savait distinguer l'épouse de la putain).

La déchéance sociale du professeur Rath est inspirée de faits réels et banals pour qui connaît ce monde où la parade nuptiale n'a pas décollé de la préhistoire. La femelle s'accouple avec le singe qui a le plus de bananes, une fois qu'elle a tout mangé elle passe au pigeon suivant. Ainsi, le grand professeur de lettres étrangères finit en clochard alcoolique syphilistique, tel est le destin des gens qui ont fréquenté trop longtemps le monde du proxénétisme.

Si le final tente de sauver la "morale" (concept flou dans un milieu où la morale est un concept trop évolué pour faire sens), dans le monde réel ce genre d'histoires finissent de façon bien plus horrible, avec des dames en rondelles dans une baignoire d'acide pour leur apprendre à refiler la syphilis à toute la troupe.
Lien : http://marcelduconbd.blogspo..
Commenter  J’apprécie          30
Dans ce roman allemand du XX ème de Heinrich Mann nous suivons la vie et les aventures du Professeur Unrat. Ce roman est une critique de ce professeur qui est décrit comme une ordure, un tyran envers ses élèves. Ce roman parcours la déchéance de ce professeur suite à sa rencontre avec une chanteuse de bar qu'il idolâtra jusqu'à la fin.
J'ai beaucoup aimé ce roman qui critique une certaine bourgeoisie prête à tout pour l'ascension sociale, les personnages qui sont tous plus rocambolesques les uns que les autres. Que dire du personnage principal ? C'est une ordure mais j'ai eu de la peine pour lui.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[...] ... Comme son nom était Raat, toute l'école l'appelait Unrat (= ordures, fumier, immondices, chose nauséabonde). Rien de plus simple ni de plus naturel. Les autres professeurs voyaient de temps en temps changer leur surnom : une nouvelle fournée d'élèves arrivait dans la classe, s'acharnait férocement à découvrir un travers du maître qui eût échappé aux anciens, et le baptisait sans ménagement d'un nom inédit. Unrat, lui, portait le sien depuis des générations ; il était familier à la ville entière, ses collègues l'employaient en dehors du collège et même à l'intérieur. Les professeurs qui avaient des pensionnaires à domicile et les faisaient répéter, parlaient devant eux du professeur Unrat. L'esprit éveillé qui eût cherché à faire sur le titulaire de la chaire de seconde de nouvelles observations ou tenté de l'affubler d'un sobriquet nouveau n'y serait jamais parvenu, pour cette raison bien simple que le surnom consacré avait, au bout de vingt ans d'usage, conservé intact son effet sur le vieux professeur.

Lorsqu'il traversait la cour de l'école, il suffisait de l'interpeller en criant :

- "Tu ne sens pas une odeur de fumier ? (= jeu de mots avec le surnom du professeur)"

ou bien :

- "Oh ! la la ! cette odeur de fumier !"

Et aussitôt le vieux, d'un mouvement violent, levait son épaule droite, déjà trop haute naturellement, et dardait à travers ses lunettes un regard oblique et vert que les élèves disaient faux, et qui était en réalité peureux et vindicatif : le regard d'un tyran à la conscience trouble qui flaire des poignards sous les plis de tous les manteaux. Son menton gourd, garni d'une barbe clairsemée, d'un jaune pisseux, se levait et s'abaissait d'un mouvement convulsif. Mais il ne pouvait pas "pincer" l'élève qui avait jeté le cri et il lui fallait se traîner plus loin, sur ses jambes maigres et fléchissantes, tête basse sous son chapeau crasseux de maçon. ... [...]
Commenter  J’apprécie          60
[...] ... Unrat était une énigme pour tous ceux que sa femme attirait dans leur voisinage. A table, les trois-quarts des plats, disait-il, le rendaient malade ; il lui arrivait de s'étaler de tout son long au milieu d'une soirée ; il portait ses complets de sport comme des déguisements et à le voir, on l'eût pris pour une divertissante tête de Turc, bien plus que pour un obstacle sérieux. Il avait tout du mari inoffensif. Mais, alors qu'on était en train de flirter de près avec sa femme, il arrivait que l'on surprît à l'improviste certain regard moqueur qu'il dédiait de loin au couple. Lorsqu'il admirait le bracelet-montre qu'on offrait à sa femme, on avait soudain l'impression de s'être fait rouler. Et puis, même après avoir obtenu des résultats presque décisifs, tels qu'une promenade tardive au bord de la mer seul avec madame, tandis que monsieur était resté à boire en bonne compagnie, au moment où il vous disait bonsoir, on se sentait berné et l'on doutait d'arriver jamais au but.

Et ce but, on ne l'atteignait jamais. Car Unrat s'entendait trop bien à déprécier ses rivaux auprès de Lola Fröhlich, à les anéantir. Dès qu'ils se trouvaient en tête-à-tête, Unrat raillait la prétention aux manières anglaises des deux Hambourgeois ; et ce Brésilien qui affectait de lancer des pièces d'argent au lieu de cailloux plats pour faire des ricochets dans l'eau ! Quant au Leipzigois, Unrat contrefaisait ses mouvements de tête et les allures autoritaires qu'il prenait aussi bien pour allumer une cigarette que pour déboucher une bouteille. Alors, Lola Fröhlich éclatait de rire. Elle riait mais sans être bien sûr que leurs compagnons fussent aussi dignes de mépris qu'Unrat se plaisait à le dire. Il n'invoquait au fond qu'un seul argument, toujours le même : un héros grec ne s'y fût pas pris comme telle de ses victimes. Mais Lola était toujours reconnaissante à l'homme qui provoquait son rire. Et surtout elle subissait l'influence de la conviction d'Unrat, si opiniâtre et si entière qu'elle en devenait presque majestueuse, et acceptait comme un fait qu'aucun être humain ne pouvait entrer en ligne de compte à côté de lui et d'elle. Dominée par un homme fort, elle-même y gagna de l'amour-propre et de la tenue. Au Brésilien qui, en se tordant les mains, s'agenouillait à ses pieds dans le sable auprès d'un rocher isolé, elle dit, sur le ton d'une personne dont les yeux se dessillent et qui donne libre cours à ses impressions :

- "Vous n'êtes qu'un Polichinelle !" ... [...]
Commenter  J’apprécie          30
Nul banquier, nul monarque n’était plus fortement sollicité par le pouvoir, plus intéressé par la conservation de l’ordre établi que Unrat.. Il voulait que les fondements soient forts : un clergé influent, un sabre solide, une obéissance stricte et des mœurs rigides.
Kein Bankier und kein Monarch war an der Macht stärker beteiligt, an der Erhaltung des Bestehenden mehr interessiert als Unrat. Er wollte (die Grundlagen) stark: eine einflussreiche Kirche, einen handfesten Säbel, strikten Gehorsam und starre Sitten.
Commenter  J’apprécie          20
Autour de lui, il faisait régner l'avidité, la luxure, la rage de se détruire, la bassesse et la peur : autant de sacrifices qui s'allumaient en son honneur. Et tous venaient d'eux mêmes, empressés à se laisser gagner par la flamme expiatoire.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Heinrich Mann (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Heinrich Mann
Du 2 avril au 22 mai 2021 - Dans la galerie marchande et l'hypermarché & dans la salle d'exposition du Parvis
Cette exposition rend hommage à Pina Bausch, la célèbre chorégraphe et fondatrice du Tanztheater Wuppertal. Elle est l'une des plus importantes danseuses et choregraphes du XXe siecle. Morte en 2009, son héritage reste vivant et présent grâce aux photographies et films.
En partenariat avec l'Institut Heinrich Mann.
autres livres classés : littérature allemandeVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (112) Voir plus



Quiz Voir plus

Quiz: l'Allemagne et la Littérature

Les deux frères Jacob et Whilhelm sont les auteurs de contes célèbres, quel est leur nom ?

Hoffmann
Gordon
Grimm
Marx

10 questions
415 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature allemande , guerre mondiale , allemagneCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..