Avec cette nouvelle version d'un travail qu'il avait déjà consacré à
Lénine,
Jean-Jacques Marie fait le travail qu'il n'a pas fait avec
Staline. Cette fois, à travers un homme (sur lequel on apprend beaucoup et dont il livre non seulement les hésitations, les erreurs, les errements, les fautes, mais dont il nuance, aussi, les images et les représentations caricaturales, mentionne des qualités - évidemment celles qui comptent c'est-à-dire celles qu'on lui reconnaissait de son vivant), il permet de comprendre une trajectoire, un projet politique et, surtout, les conditions de sa "réalisation". Car, en effet, la Russie puis l'URSS du temps de
Lénine fut un pays constamment sous pression (par les forces de résistance internes bien sûr mais plus encore agressé par les pays étrangers et notamment les puissances dites "libérales" qui craignaient comme la peste une contagion, à l'heure où, comme disait
Fernand Braudel, le monde avant d'être au bord de la guerre mondiale était surtout au bord de la révolution ; cf. aussi l'immense livre de
Jacques Pauwels : La grande guerre des classes).
Que l'on partage ou pas le projet bolchevique, là n'est pas le sujet : il est de comprendre comment celui-ci a pu émerger, sur quel terreau il a poussé, comment il fut incarné, quelle couleur lui donna
Lénine et ce qu'il put réellement en faire une fois au pouvoir. Et ce, sans faire d'un homme l'instrument tout puissant d'un régime (ce que J-J
Marie fait en revanche avec
Staline, et qui n'a aucun sens ; comparez par exemple la biographie d'Hitler de I. Kershaw avec celle de
Staline de J-J
Marie et vous constaterez la différence...).
Bref, ici, J-J
Marie sait davantage faire oeuvre d'historien que de pamphlétaire et c'est tant mieux.