Quand on voit les pavés de sa saga du Trône de fer, on a du mal à imaginer qu'au départ, G. R.
R. Martin avait peur de se lancer dans l'écriture d'un roman. C'est pourtant ce qu'il explique dans son entretien en postface. Il a ainsi écrit des dizaines de nouvelles avant de s'atteler au Volcryn.
La fleur de verre, paru dans la collection Hélios, chez Actu-SF, propose sept nouvelles de genres et de styles très différents, comme c'était déjà le cas pour le recueil
Dragon de glace. Toujours dans le même entretien, l'auteur dit ne pas se cantonner à des catégories figées "science-fiction", "fantasy", "horreur", etc, mais s'adonner aux mélanges, au gré de son imagination et de ses envies.
La première histoire éponyme est clairement connotée SF... et a bien failli être cause de mon abandon du recueil. Pas à cause du genre mais des longueurs et de l'intrigue qui ne m'a pas enthousiasmée. Il y a pourtant des éléments intéressants sur la vie, la morale, l'humanité à une époque où la science permet non seulement les voyages intersidéraux mais aussi des améliorations du corps et de l'esprit qui ont tout à voir avec le transhumanisme et le posthumanisme. Quid de l'âme humaine? Ces questions, sans réelle réponse, m'ont poussée à poursuivre ma lecture.
Les autres nouvelles s'attachent à des mondes et univers littéraires très différents. J'ai trouvé "Une nuit au Chalet du Lac" sympathique et avec pas mal d'humour, sur fond de fantasy où la magie s'étiole et les créatures mauvaises pullulent. Je déconseille fortement le ragoût pourpre ou la tourte de l'auberge... J'ai bien aimé le petit peuple des twks, chevauchant des libellules et qu'un des personnages ne peut s'empêcher de dévorer. Comme pour le chocolat, il ne résiste pas à la tentation d'un petit dernier. Et puis juste encore un... Dans l'écriture imprononçable des twks, je lis Twix, ce qui colle avec la gourmandise du personnage. Bon, sauf que les barres chocolatées ne sont pas vivantes quand on les croque...
"Les hommes aux aiguilles" est un récit glaçant qui démarre sur fond de mystérieuses disparitions et une légende urbaine. Un pigiste un peu miteux se penche sur le sujet quand un môme de son immeuble ne rentre pas, ce qui n'est pas son genre. Même en la sentant arriver, la chute est savoureuse. Et l'ambiance générale, dans un quartier populaire et plutôt mal famé de Chicago, contribue beaucoup au plaisir de lecture. Les disparitions concernant des populations noires ou latinos pauvres, les autorités ne montrent guère de zèle pour enquêter... Ce qui parle aussi du climat social des grandes villes américaines.
En lisant "Le régime du singe", j'ai presque eu l'impression de lire une histoire de
Stephen King, dont j'ai oublié le titre et qui concernait non pas l'addiction à la nourriture mais au tabac. le topo de Martin est aussi original que barré, plein d'humour noir. Un bon choix. Et un régime qui donne des résultats... surprenants!
Quant à la dernière histoire, "On ferme!", une pure régalade qui débute par "La fin du monde eut lieu un mardi comme les autres". Incipit des plus prometteurs! le reste est à l'avenant, une fois encore avec humour et atmosphère particulière garantis.
Comment n'avoir pas envie, après ce menu attrayant, de lire encore plus de nouvelles de G. R.
R. Martin? On croit à ses personnages, sa narration fait merveille et son imagination est fertile. Il maîtrise de plus l'art du nouvelliste, amenant des chutes qui fonctionnent et réjouissent. Que dire de plus sinon "Encore!"?