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EAN : 9782849503614
180 pages
Syllepse (30/11/2012)
5/5   1 notes
Résumé :
Pourquoi tourner à nouveau notre regard vers les zapatistes du sous-commandant Marcos ? Parce que, partout, de New York à Tunis, de Madrid au Caire, sans oublier les quartiers populaires de France, une question se pose : que faire de la colère ?
Que faire ? La question posée par Lénine continue à être pertinente alors même que la réponse qu’il a apportée a cessé de l’être.
Ce livre ne nous invite pas à chercher au Chiapas ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Que faire de notre colère ?

« Ce livre n'est pas un travail d'historiens pas plus qu'un livre de spécialistes de l'Amérique latine ou des mouvements paysans. Nous le considérons plutôt comme un livre d'intervention politico-théorique. Il faut donc préciser le sens de cette réflexion sur la zapatisme à l'heure où l'attention se focalise, non sans raison, sur les »indignés », les révoltes dans les banlieues françaises et dans les villes d'Angleterre.

A nos yeux, le zapatisme permet de tracer des pistes pour répondre à un problème fondamental auquel nous sommes, les uns et les autres, confrontés : que faire de notre colère ? Qu'allons nous faire de cette colère qui jaillit partout à travers le monde ? »

Le bilan du siècle passé, des impasses, des mensonges ou des crimes commis au nom de la révolution, de l'émancipation, nous obligent à réexaminer les théories et/ou les pratiques. « Pour parler de révolution, nous devons le faire dans une nouvelle langue ». le concept même de progrès doit être écarté, au moins dans sa réduction linéaire et « inéluctable ». « Comment pouvons-nous changer le monde radicalement, comment pouvons-nous faire émerger un monde nouveau ? » ou dit autrement « que faire pour aller vers quoi ? ».

L'insurrection zapatiste « nous oblige à nous atteler à la nécessite de développer de nouvelles façons de penser, de nouvelles voies pour avancer contre et au-delà du système de destruction dans lequel nous vivons ».

Une remarque préalable. L'oeuvre de Mikhaïl Bakthine est évoquée par certains auteurs. Sa probité « scientifique » est aujourd'hui plus qu'interrogée (voir, entre autres, Lucien Sève dans le numéro 15 de la revue Contretemps du troisième trimestre 2012). Certes, ne sont citées que des analyses issues de « L'oeuvre de François Rabelais et la culture populaire au moyen age et sous la renaissance » (Gallimard 1970), oeuvre au demeurant assez passionnante. Par ailleurs, le trait appuyé sur les rôles du carnaval me semble trop unilatéral, et donc peu convainquant. Une relecture, intégrant les thèses, discutables elles-aussi, de Lucien Febvre sur « le problème de l'incroyance au 16ème siècle » (Albin Michel 1942 et 1968) et d'autres ouvrages plus récents me paraissent devoir être menés pour réexaminer les fonctions possibles du grotesque, du carnaval.

Outre une petite introduction, le livre est composé de :

EZLN : l'insurrection et le mouvement social ( Vittorio Sergi )

Une critique du « ost-autoritarisme » mexicain ( Francisco Javier Gómez Carpinteiro )

L'Autre Campagne zapatiste et la crise du politique (Antonio Fuentes Díaz )

Imaginaire et religiosité dans la révolte zapatiste ( Fernando Matamoros Ponce )

Le zapatisme : une critique révolutionnaire des sciences sociales ( John Holloway )

Temps et émancipation : Mikhaïl Bakthine et Walter Benjamin dans la Jungle Lacandone ( Sergio Tischler )

Les articles traitent des mouvements sociaux, de l'EZLN, de la démocratie directe, des communes autonomes, des assemblées régionales, du droit de résistance, de la violence, des « sujets se renommant eux-mêmes dans l'histoire », de la « critique en acte de l'idée d'autonomie libérale », de la définition élargie de la politique « orientée vers la création d'une subjectivité résistante et autonome », de la connaissance, de la « subjectivité rebelle », de la construction d'une « hétérogénéité tolérante », etc.

Les analyses de l'Autre Campagne sont notamment intéressantes « l'Autre Campagne parvint à créer un récit suffisamment fort pour commencer à ébranler le discours politique dominant sur les exploités et exclus, qui faisait de la participation citoyenne dans le cadre de la démocratie leur planche de salut, et pour imaginer un monde différent mû par l'éthique du »commander en obéissant » » ou « L'Autre campagne n'interpellait ni un vous, ni un eux, elle interpellait un je, quel que soit l'endroit ou la position où ce je se trouve. »

J'ai particulièrement apprécié le texte de Fernando Matamoros Ponce : « Imaginaire et religiosité dans la révolte zapatiste ». Son écriture intense et imagée ne devrait pas rebuter les lectrices et les lecteurs, qui, avec un certain effort, seront entraîné-e-s sur les sentiers escarpés mais chatoyants de la pensée tournée vers l'émancipation. « Nous ne voulons pas simplement nier le monde existant mais agir au-delà du monde pour retracer dans les processus matériels de cette histoire symbolique, la subjectivité historique de la violence qui configure le sujet social en lutte, ses dé-rencontres et ses discontinuités avec le pouvoir ».

L'auteur revient longuement sur le religieux comme « soupir de la créature opprimée, le coeur du monde sans coeur ».

Quelques citations : « La mémoire souffre de l'oubli des raisons historiques qui éclairent le sens et le pourquoi des morts dans les résistances et rébellions contre l'ignominie » ; « ce qui est indien est indianisé car ce qui est blanc est blanchi par les luttes sociales » ; « nous nous nourrissons de la réalité que nous combattons » ; « aucune société humaine ne s'est renfermée dans son mythe d'origine, toutes y recourent pour produire de l'humain dans le changement ». Fernando Matamoros Ponce termine son texte par « les sculptures des dieux et héros continuent de bouger leurs têtes de droite à gauche en signe de négation ».

John Holloway refuse de réduire « notre horizon et nos attentes », et critique à juste titre la réduction de la révolution à la prise de l'État ou « l'illusion étatique ». Si je partage ses images des luttes « notre lutte pour libérer notre faire et notre penser », « notre lutte est critique, antifétichiste », ses analyses autour du « pouvoir à ne pas prendre » me semble pour le moins inadéquat, en regard des constructions sociales, de la violence du système capitaliste et des violences des classes dominantes… Pourtant « Maintenant, il s'agit d'apprendre l'espoir ! ».

Le temps est au centre de la Jungle Lacandone travaillée par Sergio Tischler. Nous y rencontrerons Mikhaïl Bakthine (voir plus haut), Theodor Adorno, Ernst Bloch ou Walter Benjamin. le temps, le soulèvement contre la catastrophe, les rapports entre particularité et universalisme « Sans la catégorie d'universalité, celle de particularité se transforme en fétiche », l'autonomie et l'émancipation sont intérrogés. « A bas les statues et le temps abstrait ! »
Lien : http://entreleslignesentrele..
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En 2012, l'actualité du néo-zapatisme, et son humour théorique et pratique.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2016/05/11/note-de-lecture-neozapatisme-echos-et-traces-des-revoltes-indigenes-collectif/

Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
À nos yeux, le zapatisme permet de tracer des pistes pour répondre à un problème fondamental auquel nous sommes , les uns et les autres, confrontés : que faire de notre colère ? Qu’allons-nous faire de cette colère qui jaillit partout à travers le monde ?
La colère naît de la crise du capitalisme. Cette dernière est le moment où s’expriment les attentes déçues et les espoirs consumés. Nous avons cru pouvoir trouver un emploi, mais il n’y a plus d’emplois. Nous avons cru pouvoir étudier à l’université mais il est désormais de plus en plus difficile d’étudier pour ceux qui n’ont pas d’argent. Nous avons cru pouvoir disposer de la Sécurité sociale mais il y a désormais de longues files d’attente pour avoir un lit d’hôpital. Nous sommes attaqués de partout ! Les coupes dans les dépenses publiques, le chômage croissant, la privatisation du système éducatif, toutes ces attaques nous rendent la vie difficile.
Les riches deviennent plus riches encore, les pauvres plus pauvres encore et les puissants encore plus puissants. Et nous sommes en colère. En colère parce que nous ne savons pas comment nous débarrasser de ce système barbare, sanguinaire et stupide. Nous sommes en colère parce que nous sommes piégés dans un système qui est déjà mort mais qui, comme un zombie, continue à marcher, à tuer et à détruire tout ce qu’il peut. (…)
Pour parler de révolution, nous devons le faire dans une nouvelle langue et à cet égard, les zapatistes ont fait plus que quiconque pour initier la création d’une nouvelle langue de la rébellion-révolution. (Introduction collective de l’ouvrage)
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Notre approche socio-anthropologique de l’histoire pourrait être taxée par certains d’empirisme et de simplification sociologique : ils diraient que si tout est dans tout, alors il n’y a rien de nouveau. Cependant, nous affirmons que les mots naissent des sujets et avec les objets de la vie quotidienne. Ainsi, pour ne pas perdre de vue les sujets qui donnent vie aux mots et conditionnent l’objet, nous nous questionnons : la négativité, les espoirs et utopies, inscrits dans les mots et actions, ne seraient-ils pas les « carburants de l’histoire » ? Les sens et les visions, ou les cosmogonies du monde, les éléments des traditions (us et coutumes) ne sont-ils pas des réalisations des désirs d’une collectivité en lutte pour vivre, non pas survivre et encore moins mourir ? Aujourd’hui, l’histoire, de même que la mémoire religieuse et politique, est remise en cause dans un dialogue inachevé. La mémoire souffre de l’oubli des raisons historiques qui éclairent le sens et le pourquoi des morts dans les résistances et rébellions contre l’ignominie. En ce sens, la présence du passé dans les subjectivités est une alerte messianique contre les fragmentations et les violences de l’ordre, du pouvoir et du progrès avec leurs guerres et génocides liés à l’hégémonie. (Fernando Matamoros Ponce)
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Le grand apport des zapatistes est d’avoir rompu le lien entre révolution et contrôle de l’État. Alors que tant de gens dans le monde étaient parvenus à la conclusion que si la révolution à travers l’État n’était pas possible, c’est la révolution tout court qui était impossible (et que par conséquent nous n’avions plus qu’à nous faire une raison), les zapatistes déclarèrent pour leur part que « si la révolution à travers l’État n’était pas possible, il nous fallait repenser la révolution. Nous devons en finir avec l’idée d’identifier la révolution avec la prise de l’État, affirmaient-ils, mais nous ne devons pas abandonner l’espoir de la révolution car cet espoir est la vie même. »
L’illusion étatique n’est qu’une partie d’une illusion plus vaste, illusion que l’on pourrait appeler l’illusion du pouvoir. Cette illusion repose sur l’idée que pour changer la société nous devons conquérir des positions de pouvoir ou que, du moins, nous devons parvenir, d’une certaine manière, à avoir du pouvoir. Selon moi, le projet zapatiste est bien différent. Il ne s’agit pas d’un projet dans lequel nous devenons puissants mais d’un projet où il s’agit de dissoudre les relations de pouvoir. C’est là une conséquence de l’insistance continue des zapatistes sur le principe du « diriger en obéissant » et sur la dignité, non seulement comme but de la lutte mais aussi comme son principe organisateur. (John Holloway)
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Ce livre n’est pas un travail d’historiens pas plus qu’un livre de spécialistes de l’Amérique latine ou des mouvements paysans. Nous le considérons plutôt comme un livre d’intervention politico-théorique. Il faut donc préciser le sens de cette réflexion sur la zapatisme à l’heure où l’attention se focalise, non sans raison, sur les »indignés », les révoltes dans les banlieues françaises et dans les villes d’Angleterre.

A nos yeux, le zapatisme permet de tracer des pistes pour répondre à un problème fondamental auquel nous sommes, les uns et les autres, confrontés : que faire de notre colère ? Qu’allons nous faire de cette colère qui jaillit partout à travers le monde ?
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aucune société humaine ne s’est renfermée dans son mythe d’origine, toutes y recourent pour produire de l’humain dans le changement
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