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Sandra Mathieu (Autre)
EAN : 9782361572730
240 pages
Editions Transboréal (18/06/2020)
4.07/5   7 notes
Résumé :
Partir loin n’était pas son rêve. Tandis que certains brûlent de sillonner de grands espaces et de vivre de fortes aventures, d’autres préfèrent la complicité simple et heureuse d’un paysage familier. C’est le cas de Sandra Mathieu, qui a fait du Mercantour et des collines au nord de Cannes sa terre de prédilection.
Désireuse de fouiller les mystères de l’infime et de raconter les métamorphoses d’un territoire aimé, elle s’est donné deux fois quatre jours, à... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Très beau livre de « voyage ».
Il sort du cadre traditionnel du « livre de voyage » qui semble le formatage projeté sur le lecteur de ce type de livres : n'est un voyage « valable » que le « grand voyage », celui des contrées lointaines, celui qui fait rêver le lecteur (qui ne le vit souvent qu'au travers le récit de voyage de l'auteur), ou celui qu'il faut avoir fait (mais qu'on ne fait pas faute de temps…).
Non, là il n'est pas question de cela ! le voyage se fait dans la contrée de l'auteure. Proche de chez soi il y a tant à découvrir de soi et des autres, de son environnement, géographique notamment. Voir comment le territoire est habité, voir comment il évolue au fil des temps. Voir aussi combien ce Canal de la Siagne avait une raison d'Etre à une époque, une raison sociale, une utilité (et une unité) fonctionnelle, et voir comment il a évolué, comment il a été transformé, bousculé, par nos modes de vie.
C'est presque une étude sociologique du paysage dans lequel la Siagne a son sillon.
Je me fais la remarque que depuis la lecture de ce livre je pense régulièrement à Vincenot et à son livre le pape des escargots. Je ne sais pourquoi ; sans doute parce que le Pape des escargots était si intimement lié à sa Bourgogne comme l'auteure l'est à sa terre d'adoption. Peut-être ?
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C'est un livre qui m'a beaucoup marqué. Il a l'air simple, presque anodin, mais il offre des réflexions plus profondes qu'il n'y paraît sur le voyage, la proximité, l'usage des territoires differente par les hommes et par le femmes, l'écologie. Très belle écriture et descriptions.
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Petit récit de voyage très agréable à lire sur une zone peu connue des touristes pourtant nombreux dans le sud de la France. Une belle réflexion sur l'aventure et le voyage de proximité.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
« Depuis quelque temps, je marchais moins vite, préférant musarder, flâner, observer, sentir. J’essayais de mieux voir ce qui m’entourait et de comprendre comment les choses m’atteignaient si profondément. S’il fallait rebrousser chemin avant d’avoir atteint un village, une montagne, une cascade ou un lac parce que j’étais fatiguée ou que je n’en avais plus envie, je revenais sans éprouver de regret. Je n’étais plus atteinte par l’impression d’avoir capitulé, sentant que les efforts déployés étaient autres. Cette fois, je voulais profiter de l’eau pure et changeante, tantôt dénouée, tantôt agitée. Si les arbres réunis en voûte au-dessus de l’onde me paraissaient beaux, c’était une raison suffisante pour faire une pause. Sous les ramures des chênes, j’observais un souffle, une ombre, un rien. Je n’avais plus cette manie de vouloir embrasser beaucoup en peu de temps, de “faire” un pays, de parcourir de grandes distances. Mon désir le plus urgent était de comprendre les péripéties géographiques d’un environnement qui m’attirait à lui, mon souhait le plus cher de fouiller ses mystères. Puisque j’avais choisi de vivre dans des paysages aux reliefs sinueux, mes incursions ne trouvaient pas de fin. Peu m’importait de pouvoir nommer chaque ravin ou de retenir la nature des roches. Je préférais savoir passer d’un mont à l’autre par le chemin le plus favorable selon la saison. Il me fallait profiter des montagnes en cas de coup dur. Quand la vie me pesait, je voulais pouvoir m’échapper en un instant vers une nature préservée avec laquelle j’avais développé une complicité simple et heureuse. Traverser la France à pied, en faire le tour, me semblaient des projets trop vagues et trop longs. Sans doute étais-je capable de moins. Mon ambition n’était pas d’aller de pôle en pôle ni de faire le tour du monde en quatre-vingts jours. Mon rêve semblait étroit comparé à ceux de grands voyageurs, y compris ceux qui s’étaient illustrés sur le territoire français. À moi, il faudrait un an pour franchir le Mercantour voisin, ce massif qui semblait inépuisable si l’on observait chaque détail d’un paysage métamorphosé par le temps. Je m’imaginais facilement perdue dans le proche Esterel, me mettant au défi d’y vivre en brigand comme Gaspard de Besse sans jamais atteindre ses contreforts.

Par un cheminement constant et d’abord souterrain, je finis par me convaincre que j’étais faite pour ce nomadisme. Partout, les vitres des maisons ou celles des voitures me paraissaient trop épaisses, me coupant des odeurs bénéfiques, des bruits naturels ou d’une osmose profitable. Renoncer à cet instinct m’apparaissait comme la source des malaises qui m’agitaient et me faisaient tourner en rond. On pouvait y remédier et s’en aller dès que possible, ne pas se laisser engluer dans le dédale des villes ou dans le brouillard des désirs vagues et jamais satisfaits. Partir loin n’était pas nécessaire. À présent, il me restait à réaliser cette tentation de l’infime voyage. »
(p. 18-20)
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« Au milieu de l’espace morcelé que je traverse comme l’usager invoqué par Perec, je passe d’un pan de campagne à un autre comme s’ils se succédaient sans heurt. Sans y penser, mon regard choisit ce qu’il veut accommoder pour cette journée. Sur un flanc ombragé, une belle demeure semble mourir à petit feu. Ses volets fermés, sa clôture infranchissable, tout suggère un lieu déserté par la vie. Plus loin, derrière les hautes herbes, les cordes à linge oscillent dans le vent qui laisse valser le linge. On détourne alors la tête pour ne pas entrer dans l’intimité d’une maison pourtant éloignée. À l’intersection suivante, une autre est accolée au chemin. Quand les cerises percent les arbres de la propriété qu’il traverse, les marcheurs se servent. Un panneau de carton accroché aux branches les incite à ne pas trop abuser. Puis la pluie qui le dégrade rend la demande illisible. Plus loin, dans son jardin, un vieil homme regarde le sentier, scrute les passages autant que les paysages. Bientôt il me happe du regard, un regard où je crois lire l’envie de discuter un moment. Comme le temps n’est pas compté, je lui fais un signe. Aussi s’approche-t-il de la clôture pas à pas, lentement, toujours sur le point de vaciller. Nous parlons du temps qu’il fait, du temps qui passe. Chaque mot lui coûte, alors je compte les miens. Profitant de ce moment de conversation, la chèvre qui le suit et semble le protéger comme un jeune chien s’est introduite dans la maison. Après s’être alanguie sur le pas-de-porte, elle s’installe sur le carrelage dans un rayon de soleil. J’aimerais connaître le nom de sa biquette mais nous rions ensemble car c’est aussi son cas. Il faut ensuite se séparer et c’est toujours un moment pénible. Je me distrais de peu : trois arbres arborent des lames métalliques qui brillent dans le soleil comme des médailles : 187, 188, 189. Me vient une sympathie pour ces chênes dans lesquels on a planté de longs clous. Je ne sais pas ce qui leur vaut d’être stigmatisés : est-ce le travail d’un écologue, un besoin de référencement, une étude visant à les préserver d’un parasite ? Quelques-unes de leurs feuilles marcescentes permettent de reconnaître ces arbres aux variétés nombreuses et qui couvrent davantage nos paysages que les palmiers plantés en abondance sur la Riviera : chêne blanc, chêne vert, chêne-liège, chêne kermès et j’en oublie sans doute. Dans les jardins, on voit que les palmiers n’ont pas résisté à la prolifération des charançons qui s’est étendue sur le pourtour méditerranéen. Ils se sont fanés. Sèches et ternes, leurs palmes qui s’agitaient avec splendeur tombent lamentablement, sans plus chercher le vent. Certains propriétaires ont tenté des traitements et puis se sont résolus à voir ces seigneurs se flétrir comme une simple rose. Par économie, ils les ont étêtés plutôt que dessouchés. Ils dressent à présent leur tronc mutilé et piteux comme un doigt accusateur vers le ciel. »
(p. 115-117)
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« Le chemin s’enfile sous un tunnel sombre et bruyant où l’on entend le grincement sinistre des machines, des rouages, des turbines. La montagne se fige contre la paroi de béton où l’eau afflue, dévale et tempête tandis que je fixe un point de lumière désiré, au loin. À l’endroit où le canal débute, la Siagne a déjà creusé le relief depuis une dizaine de kilomètres et je tente pour le moment de m’en aller vers ses gorges : comment le fleuve est-il né, quel parcours a-t-il suivi ? En rêve, j’avais vu une résurgence sortir d’un rocher en toute discrétion. Puis, je m’étais figuré une sorte de geyser. J’aimais tellement ses teintes et son cours capricieux qu’il me tardait de connaître sa filiation. Quant à trouver son point de départ véritable, je savais que mon exploration serait sans fin : où trouverais-je la première gouttelette ruisselant sur la roche ? À quel carrefour des profondeurs s’orientait-elle vers le chemin de la côte ? Car ici, dans un département où les Alpes s’apaisent à l’approche des rivages, ces cours d’eau sont tous des fleuves. On ne les imagine pas aussi exaltés qu’un torrent, ni aussi bleus qu’un lac d’altitude. Ils semblent vifs et bruyants, plein d’animation personnelle, déterminés à choisir l’endroit le plus opportun pour se jeter, Nice, Cagnes, Mandelieu ou Antibes. Mais je m’en rends compte, il faudrait monter longuement des voies abruptes pour dépasser ce tumulte et l’obscurité d’un relief confus. Je longe encore un moment la montagne. Sur cette rive, les forêts moites dominent un relief puissant. Depuis quelques jours, les pluies ont nourri les tapis d’herbe et comblé les ornières. On voit les torrents qui dévalent de toutes parts et affluent en exaltant les mousses. S’il pleuvait encore, si le vent soufflait, on pourrait craindre de marcher ici. Car souvent, nous redoutons les automnes, les printemps. Dans cette zone où les orages d’hiver nous figent, nous craignons les trombes d’eau qui inquiètent nos âmes restées sauvages malgré nos conforts provisoires. La querelle pour l’espace et la lumière y est violente. Les branches ébouriffées, cassées, tombées, tout cela ressemble à un champ de bataille où l’on aurait abandonné les cadavres. Mais ici, ce sont des soldats bien vivants et indisciplinés, des arbres frémissant au moindre souffle et qui se livrent un combat naturel. »
(p. 28-30)
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Cela commence toujours comme ça. Les vacances s'achèvent et avec elles la joie d'être au-dehors, plus de liberté donnée au corps et à l'âme plus d'expansion. On se rappelle encore un peu l'été prodigue et son ciel de fièvre, les étoiles si vives quand elles sont à découvert. C'est le souvenir des jours confiés au paysage pour prendre un sentier qui mène vers une clairière pleine de lumière, ou vers un inconnu nouveau qui ressemble à une conquête. C'est encore à l'esprit ce bonheur simple de se passer de règles, de s'offrir à soi-même du temps qui ne se mesure pas, ne se découpe pas et ne passe pas. Il a fallu depuis rester à l'intérieur de nos lieux de travail et des maisons qui, même si nous les aimons, nous semblent deux mois plus tard des lieux de détention abusive. Quelque chose commence à craquer. Le travail nous pèse. La collectivité nous fait ployer et pourtant rien de se voit encore de ces dommages profonds. Bientôt l'ennui, le désarroi, un sentiment d'échec nous traversent et nous atteignent. L'été indien nous rappelle ces semaines de bonheur passé, le plaisir de toucher du doigt les éléments, chercher le soleil, fuir le vent, chercher le vent, fuir le soleil, voir et sentir la vie nous envahir sans résistance. S'il est beau, le mois d'octobre nous donne envie de poursuivre ce rêve en nous hissant à bord d'un canoë. Nous gagnerons le plus lentement possible la rive de l'hiver Puis les journées d'automne perdent une heure. Comme un élément imprévisible, la nuit tombe plus tôt. La lumière nous manque. Après une saison qui semblait éternelle, celle des pluies arrive tout à coup. Du matin au soir, dans la nuit, dans nos songes, les orages s'abattent sur une terre gorgée d'eau. Peut-être en fermant les yeux sur les moments qui nous pèsent pourrait-on retrouver la mémoire des heures nomades et le bonheur de vivre dans la nature ?
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« La Siagne par son allure reste une rivière. Ailleurs, elle est presque un torrent. Parfois elle accourt en cascades. Elle s’unit aux cours d’eau qui viennent du Var et ses rives ne sont pas domptées. Nul chemin ne peut s’y tracer. Son débit est changeant, ce que montre aussi le désordre des branches, des arbres et des îles solitaires. Le canal est plus civilisé. Il nous tient par la main au milieu des forêts, des plaines fertiles et des vallons obscurs. Il progresse. Loin du tumulte du fleuve, il s’écoule calmement, avec constance. Cette eau s’avance pour servir mais elle amasse et retient à la surface des images semblables à celle du fleuve qui se calme et s’élargit. Elle est ce miroir vacillant qui rend les reflets fluctuants, où celui d’un visage paraît flou. Je me penche au-dessus de l’onde et je ne vois rien qui me ressemble, pas même un alter ego. Dans le liquide translucide, c’est une nouvelle énigme, vision fracturée par mille éclats insaisissables. »
(p. 200)
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