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sur 1248 notes
Les histoires de la nuit, ce sont les histoires que l'on raconte le soir aux enfants pour les endormir. Elles font parfois un peu peur, mais celle que raconte ici Laurent Mauvignier n'est pas pour les enfants, et elle est terrifiante.
Alors, il était une fois, dans un hameau perdu au fin fond de la France, une gentille petite famille, avec Papa Bergogne, Maman Bergogne, la petite Ida, et leur voisine fantasque, Christine. Christine peint de grands tableaux bizarres pleins de couleurs, tandis que Papa Bergogne s'occupe de la ferme et des animaux. Mais surtout, dans le plus grand secret et avec la complicité de Christine et Ida, il prépare une grosse surprise pour l'anniversaire de Maman Bergogne. Quel bon moment en perspective ! Oui, mais d'étranges incidents surviennent, et rien ne va se passer comme prévu.

Bon sang !, j'ai rarement lu un roman qui diffuse une telle tension du début à la fin (600 pages, quand même, sans aucun relâchement). J'avais l'impression d'être dans un western français, un film des années 70 (Verneuil, Chabrol ?) où la banale harmonie de la campagne est rompue par l'arrivée du Mal sous la forme d'un sourire inquiétant. J'ai été saisie par un flux progressif d'angoisse, mon enthousiasme initial se transformant peu à peu en appréhension : j'avais à la fois une envie ardente de connaître la suite, et une peur glaciale de poursuivre ma lecture. Je me sentais glisser, malgré moi, vers l'horreur.
Et pourtant, ce n'est pas que le récit multiplie les rebondissements d'un suspense insoutenable ; au contraire, Laurent Mauvignier instille son angoisse par une plongée asphyxiante dans la psyché de ses personnages. Il développe de longues phrases tortueuses (mais jamais pénibles à suivre) au gré de leurs émotions et atermoiements, qu'il décrit d'une façon si précise et détaillée qu'elle m'a fait penser au procédé du "bullet time" cinématographique (voir "Matrix") : chaque pensée et chaque geste sont décortiqués mot à mot, comme image par image, et j'ai trouvé cela fascinant.
Et puis, il y a une proximité avec les personnages, même sous leurs aspects les moins reluisants, qui les rend émouvants, et j'ai aimé cette manière de les livrer sans fard mais avec une riche palette de nuances, à la fois vulnérables et invincibles.

C'est donc un roman d'une écriture intense, d'une maîtrise impressionnante, que je recommande sans hésiter aux amateurs de polars psychologiques pourvoyeurs de sueurs froides.
A lire bien planqué dans son fauteuil, après avoir vérifié que la porte d'entrée est bien fermée à clef.
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« Histoires de la nuit » m'a fait l'effet d'avoir un chewing-gum accroché à mon talon par une chaude journée d'été : vous savez, le truc énervant qui colle, s'étire, se distend, s'allonge en se divisant en une multitude de fils à chaque pas, vous empêchant littéralement d'avancer.
Je dois vous avouer que, dans un premier temps, la lecture de l'horrible première phrase m'a immédiatement fait refermer le roman. A la fois longue et lourde, bancale et maladroite, s'efforçant de mimer vaguement la forme du Nouveau Roman, cette grotesque et aberrante première phrase ne laissait rien présager de bon. En plus, elle n'avait rien à voir avec le style de Mauvignier. Rien. Elle en était même l'opposé.
J'avais donc abandonné. Et j'étais furieuse.
Pourtant, j'aime Mauvignier. Et je l'attendais, ce roman.
Et puis, certains m'ont dit : « Poursuis ! A la deux-centième page, tu verras, c'est mieux ! »
Je suis allée jusqu'au bout de ce pavé et franchement, je ne comprends toujours pas ce qui lui a pris à Mauvignier d'étirer dans tous les sens cette histoire, le moindre détail donnant lieu à des développements sans fin, des explications vaines, des répétitions inutiles, des précisions superflues pour arriver à ce gros bloc balourd, boursouflé et ridicule. Quelle patience il m'a fallu pour traverser toutes ces pages à la fois inélégantes et artificielles dans leur forme et tellement redondantes dans le fond. Était-ce pour que le lecteur éprouve viscéralement l'ennui profond qui règne dans ce hameau ou bien l'auteur a-t-il voulu rendre palpable l'âme torturée des protagonistes ?
Le résultat : l'impression d'un texte incompréhensiblement hypertrophié et verbeux qui aurait pu être vraiment très bon si Mauvignier avait eu l'idée géniale d'écrire avec son propre style. D'ailleurs, la fin est nettement meilleure que le début. On dit que le naturel revient au galop…
C'est raté et c'est vraiment dommage !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Un huit-clos.
Un huit-clos dans cet endroit si perdu, de « La Bassée », au lieu-dit « les Trois Femmes Seules » - on ne sait pas d'où vient ce nom ancien, mais ici on va comprendre pourquoi ce nom est tout à fait approprié.

Il y a bien trois femmes dans ce huit clos : Christine, femme peintre parisienne venue chercher le calme, Marion, la belle jeune femme, et Ida sa fille de 10 ans. Mais elles ne sont pas seules : Marion est mariée à Patrice, un paysan éleveur de vaches, qui est fou amoureux de sa femme et très attentionné avec leur fille Ida.

Pourtant, lorsque l'histoire commence, Patrice n'est pas si heureux qu'il n'en paraît. Sa femme ne semble pas épanouie dans cette vie de famille, elle ne semble plus si heureuse que ça de vivre avec un paysan, et elle a des problèmes dans son travail à l'imprimerie.
Pourtant, lorsque l'histoire commence – les 634 pages déroulent un récit qui ne va se dérouler que pendant 48 heures, l'heure est aux préparatifs de l'anniversaire de Marion : celle-ci va avoir 40 ans, et Patrice et Ida ont bien l'intention de le lui fêter dignement …

J'avais attendu la période des vacances pour lire ces 635 pages dans un délai resserré. Difficile d'en dire plus sur le scénario, sans « spoiler » l'histoire et briser le suspense qui nous tient en haleine, nous lecteurs, pendant toute la durée du récit.

Que sait-on du passé de ceux avec qui l'on vit ? Qui est cet autre que l'on croit connaître et qu'on ne reconnaît pas ? Laurent Mauvignier observe ses personnages comme sous une loupe : les émotions y sont étirées comme si on regardait un film au grand ralenti – jusqu'à la succession de drames, puisque l'auteur ne nous épargne pas la violence sous-jacente

Ce thriller psychologique est fait pour les gens qui aiment la littérature. Ils y retrouveront le style de Mauvignier (déjà perceptible dans « Des hommes » avec ce récit des ravages de la guerre d'Algérie qui déjà n'excluait pas la violence) – qui dépeint mieux que personne toute la panoplie des émotions : la peur, la honte, la colère, le ressentiment, la terreur, l'effroi, l'incompréhension, la sidération et bien d'autres encore.

Personnellement j'aurais encore resserré le récit : malgré tout le talent de l'auteur, il y a quelques moments (que je pourrais nommer si j'avais été son éditrice) que j'aurais supprimé et reconsidérer la fin pour la rendre moins abrupte (on sent que Mauvignier n'aime pas les dénouements).

Il n'en reste pas moins que ces « Histoires de la nuit » - le titre vient des histoires que Marion raconte le soir à sa fille, même si elles font peur – sont menées avec brio et le personnage de Marion très bien construit. du très bon travail littéraire.
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Divine surprise! J'ai pris un plaisir immense à lire......... Vos critiques. Je traîne mes guêtres sur ce site depuis 10 ans et c'est bien la première fois que je lis 536 commentaires d'un livre . En ces temps tristes et obscures vous m'avez tous donnez de l'espérance , de la foi en la capacité humaine d'exprimer ses émotions, d'adorer ou de huer, de rire ou de pleurer mais surtout d'argumenter, de tenter d'expliquer et, évidemment de la charité à vouloir partager vos ressentis. Vous me trouvez démago? Soit! J'assume.
Des critiques d'une phrase, à des commentaires travaillés et très joliment écrits : j'ai tout aimé Mais cette créativité qui vous a animé, vous la devez aussi à l'auteur et rien que pour cela je dois lui rendre hommage: il a suscité, interrogé, interloqué, provoqué, fait naître l'enthousiasme ou provoqué la répulsion: mais n'est ce pas le but de tout art?

Mauvignier a aussi réussi ce tour de force de rassembler des lecteurs venus d'univers bien différents: le "masque et la plume" et les "points relay Hachette" se sont retrouvés, la tête de gondole de l'hypermarché a embrassé la NRF. Un lecteur comme moi, qui ne peut se sentir qu'intellectuellement déficient en écoutant cette émission de France Inter et l'intellectuel honnête qui lui ne peut comprendre l'intérêt que je peux avoir à dévorer des thrillers ou polars plus ou moins bien écrits se sont tous réunis autour de lui. Là, encore , félicitations à l'auteur!

Je n'avais lu aucun livre de cet auteur mais connaissais sa réputation de " belle plume" . Puis qu'il écrivait un polar rural , j'ai foncé!! Quand je dis foncé, c'est jusqu'à la fin de sa première phrase, c'est à dire 25 lignes plus loin, ensuite j'ai ramé," somnambulé", me suis accroché comme j'ai pu . Et j'avoue avoir enragé lorsque vos commentaires m'ont fait comprendre que ce livre était d'un style très différent des autres oeuvres de l'auteur!

Expérience très singulière pour moi, donc, que cette lecture: je me suis ennuyé mais j'ai retrouvé, grâce au site et à vous tous le plaisir de lire, d'écouter celui qui pense différemment de moi et çà , c'est inégalable!
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Un hameau, quelques heures entre midi et minuit, « trois femmes seules » (comme le nom du hameau) et trois frères inquiétants, avec un brave gars de fermier paumé entre ces deux trios, un lieu de peu, un temps de rien, un fait-divers au visage de tragédie grecque, le resserrement d'un huis-clos, mais 634 pages – quand même !, et pas un mot de trop – que l'on avale en retenant son souffle, le nouveau roman de Laurent Mauvignier est un diamant noir, un éblouissement littéraire. Après Continuer, ce beau récit de résilience, qui cédait un peu à l'air du temps en adoptant ce thème, on retrouve ici l'auteur au meilleur de son écriture, avec cette aptitude à inventer pour chacun de ses romans une forme nouvelle ajustée à son inspiration. Histoires de la nuit, c'est d'abord un roman noir à l'intrigue sophistiquée, construite avec un art du suspens et des coups de théâtre qui n'ont rien à envier aux scénarios d'Alfred Hitchcock. Dès le début du texte, l'allusion à des lettres anonymes installe une atmosphère de malaise autour de ce hameau où cohabitent un couple, Patrice et Marion, et leur fille Ida, et Christine, leur voisine, une artiste peintre qui a choisi de refaire sa vie dans ce trou perdu. Bientôt, le chien de Christine cesse étrangement d'aboyer, un type louche débarque en voiture au milieu de la cour, sous un prétexte douteux, les préparatifs auxquels s'emploie Patrice pour l'anniversaire de sa femme prennent du retard… Les événements vont se précipiter, comme produits par une machine infernale, obéissant à la logique sanglante d'une vengeance, mais féconde aussi en rebondissements inattendus, jusqu'au paroxysme de l'horreur. Au-delà cependant de cette intrigue, le texte explore l'intimité de chacun des protagonistes, l'histoire personnelle, le tempérament et les émotions, avec une rare puissance, montrant comment du choc des intérêts et des sentiments des uns et des autres, des différences aussi entre les milieux sociaux dans lesquels ils ont vécu, naissent les conflits. Laurent Mauvignier utilise ainsi parfois son personnage de peintre, dans une adroite mise en abyme, comme le porteur d'un discours sur l'oeuvre en cours, sa manière de disséquer et reconstruire les strates de vie superposées des acteurs du récit. Histoires de la nuit, les voix des uns et des autres, leurs différentes histoires finissent par se tresser, devenant alors la seule Histoire de cette nuit de l'âme humaine et de ses pulsions, notre inconscient collectif, notre part d'ombre. Mais ces intentions plurielles du texte n'atteignent pourtant le lecteur que grâce à l'écriture magistrale, cette fois encore, de Laurent Mauvignier, le flux de ses phrases comme des vagues se succédant sans répit, cette prose en périodes cadencées, mélangeant parfois dans un même paragraphe sans point description, discours intérieur et dialogues. Une écriture envoûtante comme une transe, un drame comme la danse d'un derviche tourneur… «C'est extra ! », comme dit Léo Ferré dans une chanson que l'on entend au cours de l'une des scènes les plus poignantes du roman, oui, c'est extra, ce Laurent Mauvignier qui chante la nuit, on aurait presque envie de se le relire en boucle !
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Plus de 600 pages, 600 pages de tension, 600 pages de supplice, parce qu'on voudrait savoir. Un livre qui prend aux tripes, un livre comme une respiration qui s'arrête et reprend parce qu'on ne peut faire autrement.
Laurent Mauvignier maîtrise l'écriture d'une façon remarquable: ces phrases longues qui traduisent si bien le ressenti de chacun, les non-dits qui explosent, l'atmosphère qui devient de plus en plus pesante, ce huis clos dont on pressent très vite l'issue dramatique.
Un coup de coeur.
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J'aurais adoré, mais vraiment adoré aimer ce roman, mais hélas, c'est au-dessus de mes forces de lectrice au long cours ! Je ne vais pas vous résumer ces Histoires de la nuit. D'autres le feront très bien, et l'intrigue est mince. La quatrième de couverture, si succincte, me passionnait déjà : un hameau, quelques personnages, des rôdeurs. Hélas, dès les premières phrases, tout s'embourbe. le style est d'une lourdeur rare. Oh j'ai bien compris que Laurent Mauvignier, auteur Minuit, maison de Claude Simon, si aérien, veut écrire. Donc on rallonge la phrase, "histoires de passer l'temps". Et on utilise le présent. Mais ça rate direct, dès l'incipit :
"Elle le regarde par la fenêtre et ce qu'elle voit sur le parking, malgré la réverbération du soleil qui l'aveugle et l'empêche de le voir comme elle aimerait, lui, debout, adossé à ce vieux Kangoo qu'il faudra bien qu'il se décide à changer un de ces jours - comme si, à l'observer, elle allait pouvoir deviner ce qu'il pense, quand il se contente peut-être seulement d'attendre qu'elle sorte de la gendarmerie où il vient de l'emmener pour la combien de fois déjà, deux ou trois en quinze jours, elle ne sait plus -, ce qu'elle voit donc, alors qu'elle est un peu surélevée par rapport au parking qui semble...."
J'arrête, cette première phrase dure une page et demie. Elle "voit", "voit pas", etc. Trois fois le mot voir, des "comme", des "que", des "qui", des "quand".
Rien d'écrit, non.
Mais du TRES lourd.
Cet auteur n'écrit pas, il explique ce qu'il veut écrire : ses personnages, les situations.
Une dissertation romancée. La répétition des termes chez Simon et Proust, est une scansion, un rythme. Là, c'est "qui, que, quoi, donc, ou". Et encore, c'est plus fluide enchaîné comme ça. Il y a aussi un ton chez Mauvignier, typique de pas mal d'écrivains masculins. Ils se veulent proches des femmes. Les hommes ont le mauvais rôle, les femmes le bon. Mais faire de nous des saintes ne vaut pas mieux que faire de nous des gourdes pour ne pas dire pire. Quel dommage, et quelle malhonnêteté intellectuelle, encore une fois, toutes ces critiques dithyrambiques dans le Monde, l'Obs, etc.
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Une lecture des plus addictives… à tel point que j'ai dû me raisonner pour interrompre ma lecture à 4 h du matin… le suspens étant à son comble… Mais réveil- boulot oblige ; je me suis raisonnée pour m'arrêter à plus de la moitié, l'ayant acheté le matin même!!!

Le décor : un hameau au fin fond d'une campagne désertée, en « désaffection » ; deux maisons habitées, l'une par un fils-fermier de la région, Bergogne, sa femme, Marion, rencontrée sur le Net, leur petite fille, marion, la maison attenante, occupée par une parisienne,Christine, artiste peintre, venant de tout temps se ressourcer dans ce coin perdu, pour finir par s'y réfugier définitivement, rejetant la ville et les mondanités de la Capitale… et une troisième maison, vide, à vendre !...
Le décor est planté… le récit va se faire, en détails, en profondeur, passant d'un personnage à l'autre, le décrivant dans son quotidien, son passé, son présent, sa personnalité, ses failles…


Quatre personnages principaux: Christine, parisienne, artiste-peintre, qui a fui la ville, s'est retirée au fin fond de nulle part…près de la ferme un des fils de fermier –ami qu'elle connaissait depuis toujours, venant de temps en temps dans ce coin perdu. Ce fils, surnommé Bergogne est le seul des trois fils à être resté à la ferme, pour la sauver ,au prix de lourds endettements, sa femme , Marion, et leur fille, Ida, qui adore, Christine, sa tatie, chez qui elle va goûter, dessiner,et peindre…

Deux univers aux antipodes se côtoient à travers ces deux maisons : celui d'une citadine, artiste-peintre, avec les tourments de la création, tout un monde de références culturelles, intellectuelles, et le monde paysan, méprisé, dit « frustre »…qui se meurt, se bat désespérément pour survivre… et dans tout cela, des personnes avec des blessures, des personnalités attachantes, complexes, remplies de failles et de doutes, avec une petite fille, Ida, qui grandit dans cet univers complexe, en observant et essayant de comprendre ce curieux monde des adultes..

« Mais c'est qu'il est sensible au fait que l'agriculture intensive a bousillé la vie de son père et celle des paysans de la région- avec d'autres qui ont plus ou moins son âge, et les quelques jeunes qui se lancent encore dans cette folie, il veut une agriculture à taille humaine, soucieuse des bêtes et des hommes. (p. 51) »

[ christine, l'atiste-peintre ] « Mais non, elle avait préféré vivre au milieu de nulle part, répétant que pour elle rien n'était mieux que ce nulle part, vous vous rendez compte, au milieu de nulle part, dans la cambrousse, un endroit dont personne ne parle jamais et où il n'y a rien à voir ni à faire mais qu'elle aimait, disait-elle, à tel point qu'elle avait fini par quitter sa vie d'avant, la vie parisienne et les galeries de peinture et toute la frénésie, l'hystérie, l'argent et les fêtes qu'on fantasmait autour de sa vie, pour venir se mettre à travailler vraiment, racontait-elle, se colleter enfin avec son art dans un endroit où on lui foutrait la paix. »

De très belles et très intéressantes remarques, analyses du travail de peintre :
« Ne pas parler mais peindre, ne pas user des forces précieuses à ergoter pour dire les mêmes banalités que les autres, mais peindre ce que la parole ne peut tenir comme promesse, avoir la vision de ce qui n'est pas encore advenu (...) (p. 27)”…

et puis au fil des descriptions psychologiques des personnages, une tension certaine apparaît, s'amplifie…va converger vers une soirée de fête à préparer : l'Anniversaire de Marion, ses 40 ans…chacun participe, consacre son attention à ce rassemblement festif jusqu'au moment insolite où un homme, sorti de nulle part, apparaît, se présente à l'artiste, Christine, seule dans le hameau, à ce moment-là, lui annonce qu'il vient visiter la maison à vendre… qu'il attend la personne de l'agence… Christine, fortement intriguée, lui rétorque que c'est elle qui a les clefs, mais qu'elle doit être prévenue par les propriétaires eux-mêmes, et qu'il n'y a pas d'agence nommée pour cette habitation en vente, qu'elle ne lui fera pas visiter les lieux… L'inconnu part…

Christine retourne à son atelier, sa peinture …et aux pâtisseries qu'elle doit préparer pour l'anniversaire de la voisine…et les événements vont s'accélérer, deux autres hommes inconnus vont surgir de façon aussi mystérieuse et brutale… La petite Ida, rentrant la première, Bergogne à qui il est survenu des soucis imprévus, arrive en retard,…l'angoisse monte…monte… et la dernière arrivée : l'héroïne de la fête : Marion….arrive enfin… et on pressent que ces inconnus ont peut-être à voir avec le lointain passé de Marion… Je n'en dirai pas plus, j'en ai déjà trop dit !!!. Un huis clos monte en angoisse, incompréhension, mystère…

Le talent incroyable de Mauvignier est d'aborder, au sein d'un véritable thriller, de tous les sujets possibles : la famille et ses dysfonctionnements,l'enfance malmenée, les violences des hommes envers les femmes, les effets de la peur, mais aussi de la terreur, auxquelles on peut être confronté, le monde rural, la création artistique, la folie, la vie des villes et la vie des champs…la solitude, la difficulté d'être différent… la vie des Anciens, la vie âpre des agriculteurs, le monde moderne broyant les individus sur son passage, etc.

Ce dernier texte de Laurent Mauvignier me faisait de l'oeil dès sa parution …mais j'en retardé la lecture, d'autres curiosités et élans boulimiques m'ont accaparée entre temps… Je ne regrette pas le délai… car je découvre avec un enthousiasme sans réserve le deuxième texte de cet auteur, après un premier coup de coeur pour « Continuer »…

Juste un bémol : un texte fouillé avec des descriptions des plus minutieuses, qu'elles soient psychologiques ou concernant les décors de l'action…En lectrice impatiente, trépignante…quelques longueurs, à mon goût… mais ce détail reste des plus arbitraires et subjectifs !!

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A la Bassée, petit hameau paumé, deux maisons habitées.
Celle de Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, celle de Christine, vieille femme peintre excentrique.
Demain, c'est l'anniversaire de Marion, 40 ans.
Chacun s'active à préparer une belle fête, mais tout va très vite virer au cauchemar.

Légère panique au départ :
un pavé de 635 pages
la première phrase fait une page et demi
le texte est dense, l'écriture très serrée
Tout cela risque d'être long et ardu.
Mais très rapidement, je suis prise dans un flot d'écriture.
Laurent Mauvignier est un virtuose.
C'est du grand art.
Les phrases se dévident, parfois interminables, entremêlées, superposant les idées, nous aspirant dans différentes ambiances.
Comme des vagues, les sentiments des uns et des autres déferlent, traduisant les émotions de chaque personnage.
Tout se mêle et s'entremêle, tout s'enchaîne, tout coule.
Le sentiment de malaise puis d'angoisse monte
On assiste à deux huis clos oppressants.
Malgré une tension à la limite du supportable, j'aurais aimé que ça continue, savoir comment tout ça se termine vraiment.
Je sors de cette lecture pantoise et admirative.
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Il n'est pas fréquent que les Edts de Minuit publient un pavé de plus de 600p.
L'ossature du roman n'est en elle-même pas très épaisse, les exégèses de l'auteur font le reste.
J'ai beaucoup lu L.Mauvignier , et dans ce texte ci il donne avant tout une leçon d'écriture, tant il maîtrise son histoire.
Unité de temps, de lieu et d'action, cela donne une tragédie, un thriller,un mélo, et le coeur du roman qui épouvante et coupe le souffle. du grand art.
Un décor rustique le soir, un anniversaire à fêter, des visiteurs importuns, tout est en place pour la peur où chaque personnage , dont une petite fille, sera confronté à son passé secret ou refoulé.
Comme dans un feuilleton, l'auteur nous fait des pages intenses :on halète, on veut la suite!
et non, nous voilà partis dans des phrases de plus d'une page serrée: monologues intérieurs, analyses psychologiques , retours sur l'enfance, intéressants et nécessaires certes mais sans fin. Sans cela nous aurions un beau et cruel conte, c'est sur, mais ce serait un roman à la "Truman Capote".
Et puis on en revient au concret, aux moments de plus en plus paroxysmiques, et on alterne encore . C'est le parti-pris de l'auteur, mais au bout de 500p cela peut devenir agaçant( c'est le but peut-être).
Je souhaite bien du courage à la personne qui enregistrera à haute voix ces phrases interminables pour des non -voyants. Il faut du souffle entre la majuscule et le point!
Mais en aucun cas je ne regrette la lecture de ce roman .Ce pourrait être un film haletant à venir, d'ailleurs.
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