«
du pin et des larmes » est le premier roman policier de
Philippe Mediavilla. le titre, par homophonie, est tiré de la Bible (psaumes 80 : « Tu les nourris d'un pain de larmes »). L'auteur, ouvrier plombier-gazier, est un militant syndicaliste des Pyrénées atlantiques. le roman se développe dans un cadre géographique bien connu de
Philippe Mediavilla.
Après la tempête Klaus, le port de Bayonne est encombré de troncs de pin, l'activité portuaire est intense et favorise les trafics. Laurent Barneix, responsable syndical de l'Union Locale de Bayonne, prépare un dossier sur les enjeux de la filière bois. Il se décide à visiter le port… il y découvre un corps, le mort s'avère être un ami syndicaliste. L'enquête policière va être confiée à un jeune lieutenant de police, Agnès. Dans le même temps, un militant « révolté », Marco Etchesahar s'en prend à un capitaine d'un bateau qui transporte le bois entre Bayonne et l'Allemagne. Il lui reproche d'exploiter des marins philippins. Il se retrouve assommé et enfermé dans une caisse. Les deux philippins le sauvent et s'enfuient avec lui.
Le schéma du roman policier est classique : trois acteurs, un syndicaliste qui s'appuie sur une organisation active, aux actions légales, un militant autonome, revendicatif et impulsif, proche de l'anarchisme, et une policière, intuitive et opiniâtre, qui subit la pression de sa hiérarchie. En face, Jean-Marie Dirabazi, patron sans scrupules aux appuis professionnels et politiques, s'enrichit en trafiquant la vente du bois. Il a engagé une société de surveillance qui impose sa loi par la violence et le meurtre.
Le rythme est bien mené et maintient l'intérêt du lecteur. L'installation de l'intrigue suscite la curiosité. Chaque acteur détermine sa place dans le déroulement de l'action. A travers le personnage de Laurent Barneix, l'auteur expose un univers qui lui est familier : le syndicalisme. Laurent Barneix entend mener une action légale dans le cadre de son organisation, soucieux de dialogue et d'efficacité. L'humanité prévaut dans ce combat contre l'illégalité, la course à l'argent et la violence des rapports sociaux. L'exposé de la situation de la filière bois présente le sérieux d'une organisation qui étudie avant d'agir. le lieutenant de police, Agnès, nouvelle venue au commissariat de Bayonne, entend poursuivre une enquête que sa hiérarchie veut clore. La touche sentimentale n'est pas oubliée, Laurent n'est pas insensible au charme d'Agnès, elle - même attirée par la personnalité du syndicaliste. Leur relation reste néanmoins pudique... Quant à Marco Etchesahar, il incarne l'élément politique incontrôlable. Fiché par la police, il est de toutes les luttes locales. Rebelle, il ne fait pas confiance aux institutions et peut être violent. Sa famille, entraînée dans l'affaire, apporte la touche d'humanité nécessaire au personnage.
Ainsi se dresse un portrait de la société en proie à la mondialisation, à un monde patronal assuré de son impunité et avide d'argent. Face à la corruption et aux barbouzes, l'institution policière sauve son honneur grâce à la détermination d'un lieutenant. Car sa hiérarchie veut aplanir tout conflit avec les nantis. La réponse sociale ne peut venir que du monde syndical légal, uni et actif. L'action individuelle de Marco Etchesahar est un échec, et, en ce sens, le personnage manque parfois de nuance.
Les qualités de l'édition sont à remarquer, la lecture est facilitée par une impression claire, un format et un papier fort agréables. Quelques coquilles demeurent cependant à la fin du livre.
«
du pin et des larmes » est un policier classique dans sa composition, les personnages demeurent quelque peu stéréotypés. Mais l'intrigue est bien menée et maintient l'intérêt du lecteur.
Merci à Babelio pour l'opération « masse critique » et aux Editions Cairn pour la découverte de ce nouvel auteur.