François-Xavier Ménage produit là une enquête très sérieuse, marquée par une belle persévérance, puisqu'il s'est rendu lui-même une dizaine de fois autour de Fukushima depuis la catastrophe du 11 mars 2011.
On le sent très investi dans son sujet, déterminé à comprendre, à saisir le dit et le non dit des habitants, des responsables, politiques et du secteur nucléaire, et à nous le restituer avec une forme de modestie, avouant lui-même que finalement il ne sait quoi penser sur la réalité de la situation et l'avenir de la région et les risques, au Japon et chez nous.
Le doute est en effet permis. Les japonais sont déboussolés, à la fois méfiants envers le discours officiel, résignés, et comme toujours prêts à relever courageusement l'immense défi de l'avenir. Mais si certains sont indignés, ils sont aussi marginalisés, dans une société où la norme est l'obéissance et la discipline, et où ici comme ailleurs dans le monde développé les libertés reculent. Les lanceurs d'alerte ne sont pas les bienvenus...
On pourra reprocher à l'auteur de se perdre trop longtemps sur ses propres déplacements, dans l'urgence, suite au séisme, ses contraintes, ses pépins etc...
Les grandes questions liées à la catastrophe nucléaire proprement dite arrivent plus tard. On est effaré de voir la mauvaise gestion de la crise par les autorités, les mensonges de Tepco, l'inaction qui a eu cours pendant des années pour protéger les centrales avant la catastrophe, finalement prévisible...Et puis il y a ces vieux et ces fermiers qui restent, au péril de leur vie, avec leurs bêtes, dans un environnement encore hautement radioactif. Ceux qui s'informent, des mères qui n'attendent plus rien du gouvernement, et dosent elles-mêmes la radioactivité des aliments ou surveillent attentivement les données épidémiologiques de fréquence des cancers des enfants.
Les autorités, elles, n'ont qu'un objectif, faire oublier vite la catastrophe, promouvoir les bons légumes et fruits de la Préfecture de Fukushima...n'oublions pas que tout doit être bien propre pour les JO de Tokyo 2020 !
L'auteur nous montre enfin que la France n'est pas à l'abri d'un accident équivalent un jour. Centrales vieillissantes, dont la durée de vie devrait être prolongée, risques naturels certes faibles mais existants, risques terroristes bien réels...et ici comme au Japon, les réponses de la filière ne sont pas pleinement convaincantes...
En conclusion, un bon travail d'investigation, un journaliste motivé , courageux et sincère, ce qui lui vaut, de justesse, un quatre étoiles. Car il y a tout de même des défauts : une tendance naturelle dans ce métier à la dramatisation, à l'exagération peut-être, et sans doute un manque d'approfondissement, de récupération de données plus scientifiques qui permettrait de se forger une opinion plus affirmée...mais est-ce possible, il faut encore des années supplémentaires de recul pour mesurer toute l'étendue d'une catastrophe qui semble se poursuivre dans une large indifférence : parions que le gouvernement de Shinzo Abe mise à terme sur un retournement de l'opinion pour l'instant majoritairement anti-nucléaire...face aux nécessités économiques, le pays payant au prix fort l'importation de pétrole depuis l'arrêt des centrales.
Il faut également rappeler que le séisme proprement dit a causé la mort de près de 20 000 personnes. Les 11 mars, les japonais célèbrent donc avant tout la mémoire des disparus du Tsunami....
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Pour Yannick Rousselet de Greenpeace France, outre le parc informatique, bien d'autres équipements devraient urgemment être changés. "D'une centrale à l'autre, le système des vannes à actionner en cas d'anomalie est très différent. Dans le cas d'une centrale EPR (European Pressurized Reactor, centrale de troisième génération), les vannes sont électromagnétiques, elles s'actionnent à distance. Mais, dans beaucoup de centrales plus anciennes, afin d'activer une vanne, il vous faut encore agir manuellement. Depuis Fukushima, on sait les dangers que cela représente. Changer tout le parc ? Impossible. On trouve des vannes tout au long de la tuyauterie des centrales, certaines ne sont quasiment pas accessibles à l'homme".
Et l'expert nucléaire de comparer avec le système électrique : "Chez votre grand-mère, dans sa vieille maison, on voit au premier coup d'oeil que les fils apparents sont d'un autre temps. Et bien, dans les centrales françaises, même constat !"
La centrale nucléaire gérée par Tepco n'en a pas fini avec la radioactivité. Son démantèlement est annoncé, au mieux, dans une quarantaine d'années. Aujourd'hui, sous les gravats, reposent encore des matières radioactives si toxiques, si dangereuses, qu'aucun ingénieur, aucun responsable industriel ne sait, pour l'heure, comment les récupérer. Même les robots téléguidés à distance meurent à leur proche contact.
A la suite de la catastrophe nucléaire, Michio Aoyama décide d'analyser la contamination de l'océan Pacifique, au large de l'archipel, à hauteur de Fukushima Daiichi. Ses résultats l'étonnent lui-même : localement, la présence de césium 137 "pourrait être 10 000 fois supérieure à celle de Tchernobyl. La très sérieuse revue scientifique Nature s'apprête à publier les travaux de Michio Aoyama. Mais, avant que ne soient envoyés les textes définitifs, Yuji Kanou, le patron du chercheur, actionne le frein. "Stop". Pas de publication.
Dans la presse japonaise, la discipline et la peur sont très répandues. Regardez le nombre de journalistes "établis", les grandes signatures qui continuent d'écrire sur l'industrie nucléaire. Il n'y en a pour ainsi dire plus aucune. La plupart d'entre eux s'en moquent. Et les autres, les indépendants, galèrent tellement pour financer leurs investigations qu'irrémédiablement ils finissent par jeter l'éponge. Il me semble incroyablement difficile aujourd'hui pour un journaliste japonais de garder la motivation d'enquêter. L'écrasante majorité est engluée dans un rapport malsain avec Tepco.
Près de cinq ans après l'accident nucléaire, rien n'a changé. Les sacs de décontamination sont juste beaucoup plus nombreux sur le bord des routes. Au volant, je remarque qu'ils vont jusqu'à entourer un petit cimetière laissé, comme tout le reste ici, à l'abandon.
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