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3,89

sur 208 notes
Après avoir lu Vies minuscules puis Les Onze, je cherchais un nouveau récit de Pierre Michon qui me réconcilierait avec le choc eu à la lecture du premier. La Grande Beune est indéniablement un de ses grands.
La sensualité des femmes se mêle à l'avidité des hommes, la préhistoire s'invite au présent, les enfants se glissent dans les jambes des adultes et de toutes ces rencontres et ces imbrications ressort un instituteur tiraillé entre deux idéaux-types féminins.
L'écriture, faite de longues phrases composées à cheval entre Giono et Proust, est belle, terriblement lascive. Elle est, comme tout le récit, un cri d'amour à l'humanité dans ce qu'elle a de brut, de profond et de cru. Elle est au service de ces questionnements éternels sur l'amie ou l'amante, la maman ou la putain. Elle a la précision du fouet et éclaire les esprit ombrageux du narrateur par la justesse de son propos. Elle est la plume, la belle plume, de Pierre Michon.
Merveilleux.
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La Grande Beune, de Pierre Michon, est la troisième oeuvre de cet auteur qui m'aura particulièrement marqué par le rythme long et lent de sa prose, comme s'il respectait le temps naturel des journées passées à travailler la terre. Après les alentours de Guéret de Les vies minuscules, Pierre Michon nous emmène dans une région très proche, le Périgord, nous donnant à voir un instant de vie d'un jeune instituteur récemment muté dans les environs de Lascaux, dans ce territoire chargé de mythes tracés sur les parois pierreuses d'une célèbre grotte. Il s'agit bien d'un instant de vie car beaucoup de mystères, de non-dits, persistent dans cette histoire qui ne dit rien du passé de ce narrateur, ni de son devenir.
L'univers, l'essence et la nature de cette région croisent l'histoire des personnages du cru, offrant des portraits remarquables où l'instinct ancestral du chasseur et du pêcheur hérité de l'Homme de Cro-magnon se prolonge dans le quotidien de ces hommes aux pieds bien campés dans leur sol.
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La Grande Beune/Pierre Michon
C'est en une prose poétique, originale, fluide, fiévreuse, sensuelle que Pierre Michon nous conte la passion (inassouvie ?) d'un jeune instituteur pour Yvonne la buraliste.
Orné de fantasmes érotiques métaphorisés, le style aux répétitions obsessionnelles impétueuses et obscures, condensé et précis, nous fait vivre la passion, le désir ardent pour la Vénus callipyge qui trône derrière son comptoir.
On ne parvient pas indemne au terme de ce bref récit à « l'écriture drue et complexe » (Jorge Semprun), alliant songes et réalités au coeur du Périgord préhistorique où rodent encore les fantômes de nos ancêtres « sapiens ». En quelque sorte, on reste finalement, abasourdi par un déluge de mots.
Il y a du Baudelaire et du Rimbaud dans ce texte dont l'auteur s'est fait styliste pour faire trépider et flamber la langue française.
Magnifique, mais attention complexe et parfois hermétique.
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Pour le coup je ne fus vraiment pas conquis par ce récit de Michon. Si les descriptions des paysages sont magnifiques, si le style demeure une référence, je n'ai pas vu l'intérêt de l'histoire. je n'ai pas non plus perçu une grande finesse dans la psychologie des personnages, le héros étant proche de l'imbuvable et les descriptions physiques de la femme convoitée n'avaient aucun sens.
Dès lors il devenait difficile d'apprécier une lecture qui avait pourtant un grand potentiel quand on connaît le talent certain de l'auteur.
De même je fus content que ce roman fut particulièrement court même si je pense que c'est sa circoncision qui est son principal défaut le texte manque de précision, Michon ne prend pas le temps.

Dommage.
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Je ne comprends pas pourquoi Pierre Michon est si encensé.Est-ce une question de mode?
Autant je savoure avec gourmandise chaque phrase de Claude Simon, Faulkner, Lobo Antunes ...autant je n'ai aucun plaisir à entrer dans les textes de Michon: style lourd, confus ,sans rythme ni musique; aucun plaisir.
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Bon et bien voilà, en une centaine de pages à peine Michon, comme Gracq ou Proust, et d'autres du même calibre vous dégoûte d'ecrire. Car comment faire mieux ? C'est de la littérature et d'une beauté sans nom. Quel dommage que 90 % des écrivaines et écrivains français n'aient pas la même lucidité que moi et continuent de nous inonder avec le soutien de critiques complaisants car incompétents, de leurs livres inintéressants, imbus de leur quant à soi et tournés vers...eux et non le lecteur.
100 pages qui valent au centuple les milliers d' insignifiances écrites quotidiennement malheureusement
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Après le Grand Sylvain de Pierre Bergounioux, voici la Grande Beune de l'autre Pierre - Pierre Michon, publié également aux Éditions Verdier. Mais pour décrire la Grande Beune on voudrait se contenter de citer les premières phrases, les recopier de façon manuscrite, et recommander à tous les biblioblogueurs de courir chez leur libraire pour y chercher la suite. Il faut pourtant donner un aperçu de ce texte magnifique.

Magistralement écrit, la Grande Beune est une tragédie. Tous les ingrédients y sont réunis : unité de lieu – un village rural de Dordogne, qui domine une rivière puissante – unité de temps – quelques mois après l'arrivée du narrateur – et surtout quelques personnages campés au fusain.

Les personnages ? le narrateur, jeune instituteur fraîchement émoulu dont c'est le premier poste, une femme – la belle buraliste à la sensualité à fleur de peau – qui provoque le désir instantané du narrateur, et l'homme qui la possède et la maltraite.

Notre jeune instituteur donc, arrive dans le village où il est affecté, Castelnau, entre Brive et Périgueux. Il loge Chez Hélène, l'unique hôtel du village sur la lèvre de la falaise en bas de quoi coule la Beune, la grande. Il faudrait tout citer chez Michon, le portrait qu'il fait de l'auberge et de son aubergiste Hélène était vieille et massive comme la Sibylle de Cumes, comme elle réfléchie, et de même attifée de belles guenilles, coiffée d'un fichu roulé ; son gras bras à la manche relevée essuyait la table devant moi ; ces gestes humbles rayonnaient d'orgueil, d'une pose silencieuse : je me demandai quelle aventure l'avait mise à la tête de cette taverne rouge sur quoi régnait au-dessus d'elle un renard., mais aussi celui de « Jean le Pécheur », le fils d'Hélène, qui attrape les carpes au lancer…

Notre jeune instituteur va découvrir le petit monde du village de Castelnau, ses élèves :

"J'apprenais à les nommer, à les reconnaître, courant sous la pluie vers le trou venteux des préaux, pendant les récréations, tandis que derrière les hautes fenêtres je les observais, et puis tout à coup, je ne les voyais plus, rencognés sous un auvent, derrière le corps multiple et cavalier de la pluie."

Mais surtout dans ce petit monde de Castelnau il y a celle qui va occuper toutes ses pensées :

"Je laissais là les cailloux, leurs messes basses, je m'asseyais au bureau, j'étendais les jambes. Je m'adonnais à une autre table dévotion, à une autre violence. Je pensais à la buraliste."

S'en suit un portrait magnifique de la belle toute en sensualité, telle qu'elle lui apparaît la première fois, dans le paysage violent qui l'entoure : La pluie brusque dehors fouettait les vitres : je l'entendais crépiter sur cette chair intacte. Mais le désir qu'elle suscite en lui est sans espoir : j'étais joli garçon pourtant, sans aucun doute aimable, et ce qui me poussait au ventre était bien suffisant pour la convaincre – ou l'aurait été plutôt, on l'apprendra, si son coeur comme on dit n'avait pas été pris.

Le désir donc, voilà ce que Pierre Michon décrit brillamment.
Le désir qu'il éprouve pour la belle, le désir qu'elle éprouve pour un autre. Jeanjean, l'amant, vit à l'écart au pied de la falaise qui ourle la Beune, il est « le mâle » du livre. Yvonne la buraliste traverse les champs et les bois, quelque soit le temps, sur ses talons, sur son « trente-et-un » pour retrouver son amant coûte que coûte, au mépris du qu'en-dira-t-on. Et le narrateur assiste impuissant à ses allers et retours, à ses passages éclairs qui lui chavirent la tête et le reste.
La belle et sensuelle buraliste rentre et passe devant lui, fière et sans honte, marquée des coups que lui a porté son amant :

Les lèvres en plaies et les yeux mâchés, les escarpins terreux, et parfois la grande trace, le trait de miel noir, le cassis enflé dans l'orgeat.

Et puis, partout, il y a le paysage de Dordogne et ses descriptions magnifiques. Il sait comme aucun autre auteur d'aujourd'hui (sauf peut-être son confrère Pierre Bergounioux ?) parler de rivières – La Beune très haute atteignait presque le chemin qui s'élargissait devant la maison, le noyait un peu plus bas ; elle était boueuse, affairée, mangeait le long de ses rives des restes de glaçons pendus, des guenilles restées là des grands froids , de grottes et des temps anciens où nos ancêtres venaient tapisser les murs de peintures rupestres.

Pierre Michon est un styliste. Son style est limpide et impétueux, fluide et dense, à l'image de ses paysages escarpés qu'il connaît très bien. Sa prose est si dense que lorsqu'on referme ces 88 pages on a l'impression d'avoir lu un puissant roman de 500 pages.
Et qui souligne, pour terminer, nos efforts désuets à faire l'Histoire, alors que nos petits travers ne sont que dérisoires au regard du temps et de la nature qui triomphe : Et enfin nous dormions tous, la Beune continuait.



Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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En 1961, le narrateur est nommé dans son premier poste d'instituteur, à 20 ans, dans le Périgord, tout près du site de Lascaux, sur la rivière La Grande Beune. En allant acheter ses cigarettes au village, il devient fou de désir pour Yvonne, la buraliste, une reine sensuelle et blanche comme le lait.

« Je ne crois guère aux beautés qui peu à peu se révèlent, pour peu qu'on les invente ; seules m'emportent les apparitions. Celle-ci me mit à l' instant d'abominables pensées dans le sang. C'est peu dire que c'était un beau morceau. Elle était grande et blanche, c'était du lait. »

Yvonne est déjà prise, par un homme qui la maltraite.

« La Grande Beune » est une histoire de désir violent et animal, désir de chasseur prenant la forme d'un récit mythologique et archaïque. La géographie des lieux, les paysages débordent de cette sensualité qui habite les protagonistes, «la lèvre de la falaise en bas de quoi coule la Beune, la Grande», «les combes où rien ne se voyait que le ciel, des haltes secrètes sous des hêtres» ; et la préhistoire est omniprésente dans ce récit, résonnant comme un retour à l'origine du monde.

« Les bois se remplirent du cri lamentable des loups se gorgeant d'une belle victime qui vous est chère ; ce bâton en travers d'épaules me parut propre à d'autres proies : j'y crus voir garrotté sous des nylons froids que la posture troussait, au lieu du poil roux celui, tout noir et cru, moussant aux cuisses épaisses de cette garce. Je courais tout à fait, j'en avais le prétexte ; des joncs se brisaient sous mes pieds ; l'air à mes oreilles m'étourdissait ; sortie du bois par une sente infime, toute droite et peut-être effrayante comme Ysengrin le connétable, âpre comme sa louve, elle était là à deux pas de moi debout, telle qu'en courant j'aurais pu la heurter. Elle me parut géante. Je m'arrêtai court."

Un texte bref et magnifique. Un jaillissement.
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«  Je m'adonnais à une autre dévotion, à une autre violence. Je pensais à la buraliste. »

Vous vouliez le programme ? le voici résumé par le narrateur lui-même. Nous sommes à Castelnau, petit village entre la grande et la petite Beune. Jeune homme, il vit l'érotique aventure des grandes premières, premier poste, premier coin paumé, premiers barbares...

«  L'oeil de la bête, les murs rouges, le parler rude des gens, leurs propos archaïques, tout me transporta dans un passé indéfini »

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C'est au milieu des « eaux confuses », du «  badigeon sang de boeuf , de « la sente infime », des « houris », « « aux odeurs de futaille et de salpêtre » que je pense à l'aspirant Grange et ses errances aussi forestières que torrides avec la belle Mona dans Un balcon en forêt. Chez Michon cette nature charnelle érotisée est tout en Malboro, sequins et nylon.
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«  Que ce monde était beau pourtant, où des nylons pouvaient remplir mon esprit, le dénuder en dénudant une chair rêvée »
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Yvonne, l'objet du désir, qui fait vagabonder le narrateur entre les deux Beunes jusqu'à la grotte « presque » de Lascaux, est tantôt Vénus « callipyge », reine, et parfois « giflée », «  les lèvres en plaie et les yeux mâchés, les escarpins terreux, […] le trait de miel noir, le cassis enflé dans l'orgeat, quand elle rentrait en pleine nuit les joues noyées ».

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J'ai était surprise du degré d'intimité que Michon arrive à créer entre le lecteur – peu importe qui nous sommes – et ce jeune homme dont la réalité de ce monde n'est finalement accessible qu'à travers son regard. J'ai été tantôt attendrie, tantôt agacée comme peut agacer un jeune homme dans toute sa fougue crasse, tantôt électrisée de ce débordement enfiévré, de cette ardeur inextinguible.

🏞
Et puis Flaubert. Il est là à la fin de ces phrases qui en démentent ironiquement le début, dans cette initiation sentimentale – dans tous les les sens entendus par l'Éducation, et peut-être celui-ci en plus, celui de ce désir brûlant que seule la Grande Beune peut dompter.
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Dans les années soixante, un jeune homme arrive de nuit dans un village de la Dordogne, pour la prise de son premier poste d'instituteur.
« J'y arrivai la nuit, passablement ahuri, au milieu d'un galop de pluies de septembre cabrées contre les phares, dans le battement de grands essuie-glaces ; je ne vis rien du village, la pluie était noire. »
C'est la vieille Hélène qui règne sur l'auberge dans laquelle il prend pension.
C'est un personnage, d'un autre âge, comme les pierres du village.
C'est un mois de septembre pluvieux et venteux, qui lui cacherait presque ses élèves, qui en cours élémentaire, se ressemblent tous. Petites bouilles rieuses et peureuses dans le même instant.
L'auteur nous fait voir cette salle de classe avec ses patères sur lesquelles dégouttent les pélerines des enfants, on voit la fumée qui s'échappe des tissus au changement de la température. le lecteur sent cette odeur mélangée de pluie et de craie. Il voit les murs avec le tableau noir, et les tableaux de lettres et ici il y a une vitrine avec des pierres mieux des armes qui racontent l'histoire d'avant, celle d'où est issue ces générations, car ici nous sommes près de Lascaux.
Mais dans toute cette grisaille, le récit s'accélère car l'instituteur va se transformer en chasseur paléolithiques, en guetteur de la belle buraliste.
« Celle-ci me mit à l'instant d'abominables pensées dans le sang. C'est peu dire que c'était un beau morceau. Elle était grande et blanche, c'était du lait. »
Mais, la belle chaque dimanche, prend la route des Martres, pour rejoindre son amant.
Commence un jeu de traques, de regards, de bruissement de sa jupe, de frôlement quand par chance elle passe à côté de lui quand elle revient.
Cela devient le livre du désir, celui primaire, bestial, venu de la nuit des temps.
La narration épouse cette tension animale, cette violence en la confrontant aux murs peints des grottes et à leur vide aussi.
C'est la puissance de l'imaginaire à l'état pur, car ici il n'y a pas d'égarements dans des péripéties ou des analyses psychologiques.
Juste la force de l'état premier, l'état archaïque.
Une prouesse stylistique qui exalte l'art, le désir et l'humain.
« Quand je sortis, l'éclaircie était au moment de se faire ; le pavé rajeuni luisait, il ne pleuvait plus. Dans la pente vers chez Hélène, vers la Grande Beune, le soleil parut, le ciel s'ouvrit et les arbres blonds s'élancèrent : j'avais dans la gorge, dans les oreilles, quelque chose de plaintif, de puissant comme le cri interminable mais coupé net, modulé, plein de larmes et d'invincible désir, qui fait venir de gorges nocturnes, enchaînées, curieusement libres, le mot honey, dans les blues. »
Que dire sinon que j'aime me perdre dans ce langage si vivant, tellement addictif qui évoque tant, que chaque lecture de Pierre Michon est un émerveillement toujours renouvelé, car il est des écrivains qui se lisent et relisent pour mieux savourer cette sève jusqu'à l'ivresse.
©Chantal Lafon

Lien : https://jai2motsavousdire.wo..
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