Pauline B : La Vénus impériale

Pauline B. La Vénus impériale/ Paul Milleliri
Je propose un bref résumé , nécessaire, des 260 pages grand format de ce beau livre avant de donner mon avis.
C'est à Ajaccio qu'en octobre 1780 est née Maria-Paoletta, fille de Letizia et Charles-Louis Buonaparte. Elle était la dixième naissance du couple dont quatre n'ont pas survécu. Un des survivants, garçon malingre de onze ans, est placé en école royale pour devenir officier si Dieu le veut. Il se prénomme Napoléon. Et la petite Maria-Paoletta deviendra un jour « Son Altesse Impériale Pauline, Duchesse de Guastalla, Princesse Borghèse ! »
Letizia est une maîtresse femme depuis la mort de son mari en février 1785. Elle mène la maison d'une main ferme. La famille est pro-française à l'opposé des Paolistes qui revendiquent l'indépendance de la Corse. Et face au danger paoliste, la famille abandonne son île et après bien des péripéties débarque à Toulon en juin 1793.
Pendant ce temps, Napoléon âgé de 24 ans a rejoint son régiment à Nice, mais rend visite régulièrement à la famille, surtout pour revoir sa soeur adorée, Maria-Paoletta que l'on appelle à présent Paulette. Il a toujours eu un faible pour elle et cela sera le cas toute sa vie. Il aime le côté tzigane, fille du vent un peu délurée de la jeune fille de 13 ans qu'il appelle Paganetta, car elle n'est pas très chrétienne !
La famille se déplace vers Marseille et la vie est difficile tout autant qu'à Toulon. Napoléon décide d'installer sa famille à Château-Sallé près d'Antibes où il est commandant en chef de l'artillerie de l'armée d'Italie.
Paulette devient une très belle jeune fille, de seize ans à présent, fausse ingénue, femme-enfant qui attire tous les regards. Les soupirants se bousculent car elle est en âge de se marier. À l'époque c'est ainsi ; sa mère Letizia s'est marié à 14 ans avec Charles-Louis alors âgé de 18 ans. C'est un temps, que ce soit sous la Révolution, sous le Directoire ou sous le Consulat, où les femmes, quelle que soit la rigueur des frimas, ne laissaient que peu ignorer de leurs appas qu'elle mettaient en valeur plus qu'elles ne les cachaient sous des robes vaporeuses. Et Paulette à seize ans aime se montrer…faisant vaciller les regards masculins.
Entre-temps, l'aîné de la famille, Joseph a fait un beau mariage avec Marie-Julie Clary, la soeur de Désirée l'ex-fiancée de Napoléon. Lucien, lui, mène une vie agitée. Quant à Napoléon, il est en accord avec le Directoire.
Très tôt, Pauline va vivre maritalement avec un certain Fréron, un homme d'affaires. Celui-ci bientôt ruiné, est rejeté, et Napoléon prend les choses en main pour trouver un mari de son choix pour Pauline et la fait venir au château de Mombello près de Milan. Elle est accueillie par Joséphine et la mésentente est évidente dès le départ. Quoiqu'il en soit, les fêtes et les réceptions se succèdent au château dans lequel Napoléon a installé sa cour fastueuse, et Pauline telle une nymphe dévêtue de mousseline ou de gaze, fait sensation et, fausse ingénue à la délectation narcissique sous-jacente, offre aux regards concupiscents des hommes et à la jalousie fielleuse des femmes, les perfections de son corps. Bonne allumeuse elle est la reine de toutes ces fêtes.
Napoléon lui présente un de ses officiers préféré : Victoire-Emmanuel Leclerc. Pauline sait observer, noter, engranger et se voit bien mariée avec ce Leclerc. Pour l'amour, on verra plus tard ! le mariage a lieu en juin 1797. Pauline a 17 ans et connaît déjà bien la vie. Leclerc est promu général de brigade et chef d'état-major de l'armée d'Italie.
Pauline est bientôt enceinte. Elle accouche en avril 1798 d'un garçon. Napoléon est son parrain. Leclerc est bientôt muté vers Paris ce qui réjouit Pauline. Puis vers Rennes pour des raisons militaires, mais Pauline veut rester à Paris et Leclerc part seul. Seule à Paris, Pauline ouvre salon et reçoit des célébrités : Chateaubriand, Madame de Staël, Benjamin Constant, Fouché. Et elle ne peut alors se défendre d'entrer en compétition avec Joséphine en rivalisant toutes les deux de toilettes, de bijoux, d'affiquets sans regarder à la dépense ce qui fait tiquer Bonaparte qui finit toujours par payer.
Ayant des échos parvenus à Rennes sur la grande vie menée pas son épouse, Leclerc exige qu'elle le rejoigne. Elle s'exécute. Surviennent ensuite une suite de mutations pour Leclerc, et Pauline suit ou ne suit pas. Ils achètent une maison à Paris. Suite au 18 brumaire, Bonaparte est devenu Premier Consul Pauline mène une vie mondaine s'affichant avec des toilettes tapageuses frisant l'exhibitionnisme qui font jaser.
Bientôt Leclerc est nommé chef de l'expédition pour rétablir l'ordre à Saint-Domingue. Nous sommes en 1801. Pauline l'accompagne et une fois bien installée, va se livrer avec fureur à tous les plaisirs, même celui des tribades, avec des femmes lascives du pays et dans les bras du général Debelle qui accompagne Leclerc dans la mission. Certains l'appelle la Messaline de Saint-Domingue quand on apprend ses orgies avec les Noirs du pays, infatigables corybantes !
Leclerc tombe malade et est emporté par la fièvre jaune fin 1802. Pauline rentre à Paris début 1803. La période de deuil est pour elle une contrainte entravant sa liberté et lui faisant découvrir une vie de nonette qu'elle vit très mal.
1803 est une année très importante dans la vie de Pauline et le printemps lui fait connaître Camille Borghèse à la suite d'une série de combinaisons et arrangements mené par Joseph et Lucien et des relations italiennes. le mariage a lieu dans le secret car la période de deuil n'est pas totalement révolue, mariage de raison plus que mariage de coeur. Pauline va pouvoir enfin échapper au ghetto doré dans lequel elle était confinée depuis le décès de son époux.
Camille Borghèse a 28 ans. Il parle mal le français, est relativement inculte mais immensément riche ! le couple rejoint Rome et le palais Borghèse à la fin de 1803. La famille Borghèse est conquise par la beauté et l'allure de Pauline, Princesse Borghèse à présent.
Mais très vite, Pauline s'ennuie car l'étiquette l'assomme et puis, il faut le dire, Camille, à la hauteur en société se montre insuffisant dans l'intimité. Pauline est vorace et volcanique, et elle ressent une intolérable frustration. Pour s'occuper, elle pose nue pour le sculpteur Canova qui hélas reste de marbre devant son modèle dévêtu.
1804 : le 28 floréal est proclamé l'Empire. Pauline rentre à Paris pour l'occasion et vit l'effervescence des préparatifs du sacre. Camille est naturalisé français en 1805 et promu colonel par Napoléon, puis basé à Lunéville, ce qui arrange bien Pauline qui reste à Paris.
1806 : la Princesse Borghèse est élevée au rang de Duchesse de Guastalla. Entre temps sa santé a des hauts et des bas et les cures thermales se succèdent apportant une amélioration en fonction des rencontres qu'elle fait : Plombières est la station choisie ; elle y fait la rencontre du comte de Forbin avec qui elle passe de bons moments pendant que son mari guerroie en Prusse !
Puis elle s'installe à Nice où elle se lie avec Félix Blangini, musicien italien qui devient son maître de musique, sa chose, son objet et même son esclave écrira-t-il plus tard ! Pauline est véritablement une mante religieuse qui dévore allégrement ses mâles en prenant tout son temps pour les déguster !
C'est alors que Camille Borghèse est muté à Turin et Pauline doit suivre son époux sur ordre de l'Empereur Napoléon, son frère. Elle emmène avec elle Blangini… Des disputes et des contrariétés s'ensuivent qui la rendent malade. Il lui faut rentrer en France en cure à Aix-les-Bains, avec pour objectif caché de rejoindre Paris et la grande vie. En vérité depuis longtemps, se jouant même de son frère, elle n'est malade que du désir de revenir à Paris, où elle s'installe au château de Neuilly.
1809 : le divorce de l'Empereur s'avère nécessaire car Joséphine ne lui a pas donné d'héritier alors que pendant ce temps la comtesse Waleska est enceinte de ses oeuvres. Elle accouche en mai 1810 d'Alexandre future comte Waleski. En janvier le divorce avait été prononcé et en mars Napoléon épouse Marie-Louise d'Autriche grâce à l'entremise du fidèle maréchal Berthier.
Pauline est toujours atteinte d'une frénésie sexuelle débordante, une véritable aphrodisie chronique et son éclectisme dans ses choix laisse pantois : prince Metternich, le généralissime Joseph Poniatowski, le colonel des cosaques Alexandre Tchernychov …etc.
1811 : son altesse impériale Pauline a la bougeotte, va de Neuilly à St Cloud, puis Fontainebleau, puis Aix-la -Chapelle, puis Spa et retour à Neuilly ! Elle devient littéralement hystérique et se donne en spectacle pour un rien. À 31 ans, elle verse dans l'hypochondrie et s'installe à Aix-les -bains dès 1812 ! Elle y fait la connaissance du grand acteur Talma au sommet de son art et devient sa maîtresse le temps d'une cure.
En octobre 1812, après la déroute de la campagne de Russie, l'Empire vacille ! Et l'état de santé de Pauline s'aggrave, avec toujours des hauts et des bas.
Avril 1814, Pauline est présente quand Napoléon fait ses adieux aux soldats de sa Vieille garde au château de Fontainebleau dans la cour du Cheval blanc, avant d'abdiquer vers l'île d'Elbe. Il a été trahi par ses maréchaux Augereau et Marmont notamment. Pauline est le seul membre de la famille présent. Un peu plus tard elle ira le rejoindre dans son île où elle est reçue avec effusion par son frère et la population elboise. Elle vient, la seule parmi les siens, proposer ses bons et loyaux services. Elle hérite de la surintendance des plaisirs : elle organise tout, bals, réceptions, théâtre…pour le plaisir de son frère. On connait la suite : Napoléon s'échappe sans doute grâce aux manigances secrètes de sa soeur, et débarque à Golfe-Juan. Peu après, c'est Pauline qui débarque en Toscane où elle arrêtée et mise sous bonne garde par les autorités autrichiennes malgré l'intervention de Napoléon.
Waterloo 1815 : le désastre ! Pauline se serait évanouie en apprenant la nouvelle. Elle est tenue de résider à Rome, mais Camille lui refuse l'accès au palais Borghèse quoiqu'il habite à Florence avec sa maîtresse. L'intervention du cardinal Albani missionné par le pape Pie VII, règle la situation à l'avantage de Pauline qui reste donc à Rome. Elle va pouvoir se consacrer à l'amélioration du sort de son frère exilé à Sainte-Hélène. Elle veut lui rendre visite mais les Anglais refusent. Pensant pouvoir fléchir ces derniers, elle se lie avec lord Kensington. Elle obtiendra gain de cause mais, malade, ne pourra effectuer le très long voyage.
Toute la famille impériale est consignée en Italie et sous surveillance. Malgré tout, concerts et réceptions se succèdent chez la princesse à Rome. Et elle va s'amouracher d'un jeune compositeur, Giovanni Pacini de seize ans son cadet. Son dernier grand amour…auquel elle sacrifie fortune et santé, s'enivrant de bonheur dans les bras du jeune homme pour tout oublier…sauf Napoléon !
Les nouvelles en provenance de Sainte-Hélène sont mauvaises relativement à la santé de Napoléon. Nous sommes en 1821 et le 5 mai l'Empereur quitte ce monde. Pauline ne l'apprend que 72 jours plus tard terrassée de douleur. À présent, elle va tout faire pour rapatrier les cendres de son frère. Elle reçoit tous ceux qui peuvent lui parler de son frère bien-aimé.
Avec Camille, le ton s'est calmé. Elle souhaite le rejoindre ; ses forces s'amenuisent, ses finances aussi. Elle rejoint Camille à Florence au printemps 1825, qui l'accepte sur ordre du pape.
le 9 juin, après avoir dicté son testament, elle s'éteint à l'âge de 45 ans, aux côtés de Camille Borghèse, après s'être regardé une dernière fois dans son miroir…
Pauline vécut toujours comme elle l''entendait c'est à dire en femme libre.
Dans cet excellent livre extrêmement documenté, l'auteur nous retrace tout le parcours mouvementé de cette femme aux étranges comportements parfois, une mangeuse d'hommes mais dont le plus grand amour fut son frère Napoléon. Une importante bibliographie est citée en fin de livre.