Miloszewski Zygmunt – "
Les impliqués" – Mirobole/Pockett, 2013 (ISBN 978-2-266-25445-8) – édition polonaise originale cop. 2007 – traduction du polonais par Kamil Barbarski
Ce roman policier est sans nul doute très bon puisqu'il résiste sans peine à une deuxième lecture. Je l'avais en effet acquis et lu peu après sa parution en français, sans en faire la recension tant sa complexité et sa densité m'avaient laissé perplexe.
Plusieurs thèmes s'entrecroisent en effet dans le récit :
- l'énigme policière elle-même basée sur le classique (habilement maîtrisé ici) d'un meurtre commis dans un lieu clos et dans un cercle restreint à cinq personnes toutes insoupçonnables,
- la vie quotidienne à Varsovie évoquée par des chroniques de type journalistique placée en tête de chacun des chapitres,
- la thérapie dite de la "constellation familiale" inventée par un certain
Bert Hellinger (une fumisterie qui existe réellement),
- la projection dans le passé communiste du pays avec ses pratiques de terreur ainsi que la survivance de la mafia communiste
- sans oublier bien sûr la vie privée de l'enquêteur.
Cela fait un peu beaucoup, mais l'auteur s'en tire plutôt bien, conférant à son roman une densité intéressante. En effet, il se garde bien de toute formulation abstraite et grandiloquente, il se limite à montrer des situations concrètes, sans porter de jugement de valeur, laissant au lecteur le soin de juger par lui-même. le recours à un humour subtil distillé discrètement ça et là s'apprécie à sa juste valeur.
Pour ma part, ayant vécu au-delà de ce qu'était "le rideau de fer" à une époque où personne n'envisageait la chute du mur de Berlin, c'est surtout le choc entre la vie dans une société post-communiste et la résurgence de son passé immédiat qui m'a le plus intéressé, comme dans les ouvrages de
Sofi Oksanen, de
Leif Davidsen ou de
Guenassia : les régimes communistes avaient dérivés vers des régimes de type mafieux bien avant la chute du mur, ce qui explique largement la facilité avec laquelle l'écrasante majorité de l'ancienne élite dirigeante s'est transformée en pure et simple mafia, le cas le plus spectaculaire étant celui de l'actuelle Russie.
La découverte de cette réalité par la génération trop jeune pour avoir eu le temps d'assimiler le mode de fonctionnement de ces régimes est ici l'un des moteurs de l'intrigue. La mise en parallèle avec une pratique thérapeutique typique des modes et farfeluteries courantes dans nos sociétés occidentales désaxées ne doit sans doute rien au hasard...
Quelques petites piques, fort brèves mais acérées, viennent épicer le récit, comme par exemple la définition – en un paragraphe bien enlevé – du rôle des politiciens et journaleux dans la vie publique actuelle (p. 164), les "talents" de l'industrie vestimentaire polonaise héritée de la planification socialiste (p. 276), la description de la bibliothèque nationale (pp. 287-288), la description des intérieurs polonais mélangeant les vieilleries de l'époque communiste avec le piètre Ikéa pur style...
Un très bon roman policier. Un bon instant de lecture.
Auteur à suivre.